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Intervention de Jean-Luc Warsmann

Réunion du 15 février 2011 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann, président :

Monsieur le ministre, vous êtes venu nous présenter les deux rapports d'inspection qui vous ont été remis hier et qui révèlent, nous semble-t-il, des carences en matière d'organisation administrative, qui se sont traduites par la non-affectation de certains dossiers à un conseiller d'insertion et de probation et la définition de priorités. Ces rapports révèlent également un défaut de suivi en sortie de prison ayant entraîné une rupture de la continuité des soins psychiatriques, une absence de coordination entre les milieux fermé et ouvert et une sous-utilisation de l'application informatique APPI.

Monsieur le ministre, cette audition doit être également l'occasion d'échanger sur l'exécution des décisions de justice. Nous avons créé en juillet 2007 une mission d'information, où sont représentés tous les groupes parlementaires : elle a adopté aujourd'hui à l'unanimité le rapport de M. Étienne Blanc.

La Commission des lois est convaincue de la nécessité de renforcer dans notre pays la prévention de la lutte contre la récidive, qui passe d'abord par l'exécution des décisions de justice pénale. Lorsqu'une décision de justice n'est pas appliquée ou lorsqu'elle est appliquée trop tardivement, elle perd son sens à la fois pour le condamné et pour la victime, quand elle ne met pas en danger la société.

La loi du 9 mars 2004 a introduit dans le code de procédure pénale l'article 707 qui prévoit la mise à exécution « de façon effective et dans les meilleurs délais » des décisions de justice.

Dans cette perspective, nous avions travaillé sur l'exécution des peines de prison, notamment en matière correctionnelle. En cas de comparution immédiate – quelque 25 000 jugements –, le prononcé d'une peine prison ferme entraîne l'incarcération : il y a donc continuité entre la décision du tribunal et son exécution, contrairement aux décisions prises dans le cadre d'une convocation par un officier de police judiciaire – 200 000 affaires en 2008 – ou d'une citation directe. En 2004, nous avons voté une disposition visant à mettre fin à la discontinuité entre le prononcé de la peine et son exécution : l'article 474 du code de procédure pénale prévoit la mise à exécution d'une peine de prison prononcée en correctionnelle dans un délai de trente jours. La loi prévoit également que, lorsque le condamné est présent, la convocation lui est remise en main propre à l'audience afin que rendez-vous soit pris aussitôt pour définir les conditions de la mise à exécution.

Or, la loi n'est pas appliquée : 50,7 % des peines d'emprisonnement ferme prononcées dans les sept juridictions d'Île-de-France ont été mises à exécution la première année en 2005, 53,7 % en 2006, 58,7 % en 2007, mais seulement 35,1 % en 2008 et 42,6 % en 2009 : on ne peut pas continuer ainsi ! La difficulté de faire baisser la délinquance est liée, en partie, aux carences dans la mise à exécution des peines prononcées.

Dès 2003 et 2004, nous avons également travaillé sur les sorties « sèches ». Si un prisonnier sort de prison de manière abrupte et est renvoyé vers le milieu dans lequel il a commis son infraction, le risque de récidive est très élevé. Le nombre de sorties sèches est passé de 43 696 en 2000 à 62 853 en 2009, soit une augmentation de 44 %, qui n'est pas sans poser un grave problème pour le pays – voyez l'affaire de Nantes –, en termes de coordination de tous les intervenants, juge de l'application des peines, service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), milieu ouvert, milieu fermé, suivi informatique.

Il convient également d'évoquer le suivi effectif à la sortie de prison, notamment le suivi socio-judiciaire, introduit dans les années 1990 et que nous avons étendu de la délinquance sexuelle aux infractions les plus violentes. Il fait entrer en action le juge d'application des peines, qui décide du suivi, le médecin coordonnateur, qui définit le type de soins, et le médecin traitant, qui les prodigue. Le choix du législateur était le bon. Or, à ce jour, il n'y a pas de médecins coordonnateurs dans 34 tribunaux de grande instance et 16 départements n'en disposent pas. De plus 70 médecins coordonnateurs interviennent sur plusieurs départements, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur disponibilité. On peut donc affirmer que, dans près de la moitié des juridictions françaises, le suivi socio-judiciaire et la coordination médicale ne sont pas réellement assurés, ce qui préoccupe vivement la Commission des lois.

Monsieur le ministre, la terrible affaire de Nantes doit être l'occasion de prendre des mesures urgentes pour que les lois que nous avons votées, certaines à l'unanimité, soient correctement appliquées. Il existe, outre des problèmes d'organisation et de cohérence informatique, des problèmes de moyens. Personne n'ignore la pénurie budgétaire actuelle : toutefois la Commission des lois est unanime à réclamer la mise en place rapide d'un plan d'urgence en faveur de l'exécution des décisions de justice pénale, doté de moyens à la hauteur des enjeux.

Comme le taux de perception des amendes contentieuses s'est amélioré d'un point par an depuis 2002 – un point représente 40 millions d'euros –, je suggère de faire de l'exécution des décisions de justice pénale la priorité de la fin de la législature et d'y consacrer les sommes ainsi dégagées. On peut espérer améliorer le taux de recouvrement des amendes contentieuses de trois points d'ici au 31 décembre 2012, ce qui permettrait de dégager près de 120 millions d'euros pour financer ce plan exceptionnel en faveur de l'exécution des peines.

Un tel financement, à coût constant pour les finances publiques, permettrait à chaque tribunal, à chaque service d'exécution des peines ou à chaque service pénitentiaire d'insertion et de probation de mieux fonctionner. C'est en redoublant de volonté que nous réussirons à renforcer la lutte contre la récidive et donc à améliorer la sécurité.

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