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Intervention de Marie-Hélène Amiable

Réunion du 15 février 2011 à 15h00
Prix du livre numérique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Hélène Amiable :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi soumise aujourd'hui à notre discussion visait à réguler, de manière bienvenue, le secteur en plein essor du livre numérique.

Cependant, la majorité y a notamment inséré une clause de territorialité. En assujettissant seulement les éditeurs établis en France à l'obligation de fixer un prix de vente pour les livres numériques diffusés, celle-ci rendrait la loi inopérante : les quatre multinationales qui se partagent le marché français et mondial sont établies à l'étranger.

Dans la lettre qu'il vous a adressée il y a quelques jours, monsieur le ministre, le PDG de la FNAC estime que la proposition de loi « ouvrirait un boulevard au dumping culturel » des grands acteurs américains « avec les conséquences que l'on connaît en termes de concentration du marché et d'appauvrissement culturel. » Le syndicat des distributeurs de loisirs culturels s'est ainsi déclaré pour le prix unique du livre numérique pour tous, en dénonçant dans une tribune parue ce matin dans Le Figaro, des conditions de concurrence inéquitable.

La majorité a fait valoir que l'extraterritorialité soulevait une difficulté au regard du droit européen. Pourtant, en permettant l'extension au livre numérique du taux réduit de TVA – 5,5 % au lieu de 19,6 % actuellement – dans la dernière loi de finances initiale, le ministre du budget a fini par en accepter le principe au nom d'une certaine exception française en matière culturelle. De plus, le Président de la République a chargé un ancien ministre de la culture, M. Jacques Toubon, de négocier avec Bruxelles une harmonisation de la fiscalité culturelle.

Pourquoi ne pas engager les mêmes démarches en ce qui concerne le prix du livre numérique, même si, monsieur le ministre, j'ai bien entendu vos propos sur les négociations engagées ? Sinon, nous allons continuer d'alimenter la méfiance à l'égard de l'Europe.

Ne parler du livre numérique que sous son aspect commercial revient à le considérer seulement comme un bien marchand susceptible de s'échanger sur le marché de l'immatériel. Autrement dit, c'est approuver Christine Albanel qui, dans son rapport, avait écrit : « Le livre numérique est d'abord un marché. »

À coup d'offres d'appel, le livre numérique sera vraisemblablement acheté, mais sera-t-il lu ? La question est d'importance dans le contexte de déclin persistant de la lecture de quotidiens et de livres, au cours de la période 1997-2008. L'étude réalisée par le ministère sur les pratiques culturelles des Français à l'heure du numérique soulignait ce déclin : 53 % des Français déclarent lire peu ou pas du tout de livres, et cette tendance est encore plus forte dans les milieux les plus populaires.

Le développement du livre numérique se heurte aussi à des technologies balbutiantes dont on nous prédit l'amélioration. En l'absence de décisions, la fracture numérique continuera de toute façon d'empêcher l'accès d'un grand nombre à ces oeuvres de l'esprit.

De notre côté, nous proposerons de prendre en compte la spécificité des diffusions de livres numériques sous licences libres.

L'article 5 bis de la proposition de loi, issu d'un amendement adopté au Sénat, prévoyait une rémunération juste et équitable des auteurs dans le cadre de l'exploitation de leur oeuvre sur support numérique. Cet article ayant été supprimé, nous proposons de le rétablir en précisant que la rémunération ne pourra pas être inférieure à celle obtenue pour l'édition papier du même ouvrage.

Au lieu d'un mécanisme de prix, nous aurions tendance à défendre un mécanisme de financement public des coûts liés à la rémunération des auteurs et des intermédiaires et de tous les frais afférents à la production, à la diffusion ou au stockage des oeuvres, grâce à la mise en oeuvre d'une plate-forme publique.

Enfin, comme en début de séance, je m'étonne des deux amendements qui ont été déposés dans les mêmes termes par le rapporteur et par le groupe socialiste pour outrepasser la récente décision du tribunal administratif de Paris d'annuler le permis de construire de la Fondation LVMH au milieu du bois de Boulogne.

Avant leur examen, après l'article 8, nous attendons du président de l'Assemblée nationale qu'il nous donne des garanties, en application de l'article 41 de la Constitution et de l'article 93 de notre règlement, quant à la réalité législative d'une telle disposition, qui semble pour le moins relever d'une confusion des pouvoirs. Vous allez certainement pouvoir me donner des éclaircissements à ce sujet.

En conclusion, j'indique que le vote des députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche sera conditionné à la prise en compte de leurs amendements au cours de l'examen du texte.

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