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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 15 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme cela a été dit par les orateurs précédents, il est très compliqué de se livrer à une explication de vote tant il est vrai que ce sujet fait appel à notre conscience. C'est la raison pour laquelle, dans notre groupe de la gauche démocrate et républicaine, certains s'abstiendront, d'autres voteront pour, d'autres encore voteront contre. Je suis dans ce dernier cas, comme mes collègues Yves Cochet et François de Rugy.

À ce stade de notre discussion, et alors que le texte va être transmis au Sénat, nous avons le sentiment d'avoir assisté à une occasion manquée, une sorte de grand gâchis qui aboutit à un statu quo. Or, sur ces questions qui ont des implications sociétales très importantes, le statu quo vaut recul et même, d'une certaine manière, se transforme en un véritable carcan.

Certes, les uns et les autres, nous avons affirmé des valeurs universelles auxquelles nous croyons dans cette démocratie : le respect de la dignité humaine et la non-marchandisation du corps. Mais si le législateur prend du retard par rapport au progrès technique et scientifique, il est condamné au suivisme et il ne peut pas fixer le cadre que l'on est en droit d'attendre dans un état de droit pour le progrès scientifique. Jacques Ellul, un philosophe précurseur, est celui qui a sans doute le mieux analysé ce que nous appelons aujourd'hui la société technicienne ; il soutenait que le progrès technique n'entraînait pas forcément le progrès humain et que, s'il n'était pas contrôlé démocratiquement, il pouvait se retourner contre nous et contre notre liberté.

Sur des sujets aussi importants que l'aide médicale à la procréation, la recherche sur les embryons, la gestation pour autrui ou la fin de vie, nous avons manqué l'occasion de débattre et de décider. Je regrette que le périmètre de révision des lois de bioéthique ait été si limité. Nous avons été quelques-uns à vouloir poser le débat sur la gestation pour autrui, sur la question de la fin de vie pour aller au-delà de ce que l'on appelle aujourd'hui les lois Leonetti. Nous avons été quelques-uns à nous interroger sur la possibilité de connaître ses origines et nous avons essayé d'avoir un débat clair sur cette question des origines et de la filiation. Malheureusement, une majorité d'entre vous s'est prononcée contre la levée de l'anonymat, confondant la question des origines et de la filiation.

Voilà pourquoi certains d'entre nous voteront contre ce texte, considérant qu'il a été, d'une certaine manière, prisonnier de la biomédecine, limitant à des questions médicales une loi qui a des conséquences sur notre mode de vie, sur notre conception de la société et sur la conception de la famille qui a beaucoup évolué.

Comme je le disais au début de mon intervention, nous avons, au cours d'une discussion marquée par un respect mutuel, manqué l'occasion d'examiner les lois bioéthiques au regard de l'évolution de la société. Certains de nos collègues ont préféré pratiquer la politique de l'autruche et faire des cadeaux aux ultras de la majorité pour pouvoir, à la veille des élections de 2012, aller dans le sens de ceux qui, dans leurs circonscriptions, sont conduits par des convictions religieuses, plutôt que de rechercher l'intérêt général et de construire l'état de droit. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Bref, vous avez manqué une occasion de légiférer pour la société.

J'ai le sentiment, sur des sujets aussi importants que ceux-là, mais il y en a d'autres et la preuve en sera malheureusement apportée, que nous sommes, dans cette assemblée, cachés derrière les ors de la République, un peu « hors-sol », que nous ne voyons pas la société telle qu'elle est (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP) et que nous sommes en retard par rapport à ce qu'elle demande et à ce qu'elle attend de nous.

C'est la raison pour laquelle, avec mes collègues de Rugy et Cochet, je voterai contre. Notre collègue Poursinoff a décidé de s'abstenir. Nos collègues communistes, républicains et du Parti de gauche se partagent entre l'abstention…

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