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Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 9 février 2011 à 10h15
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine, rapporteur :

Cette proposition de loi vise à rendre obligatoire un étiquetage nutritionnel pour toutes les denrées alimentaires destinées à être livrées en l'état au consommateur final. En la matière, il y a urgence à statuer, la progression de l'obésité posant un véritable problème de société, qui justifierait que nous nous retrouvions tous ensemble pour y faire face.

Nous sommes en effet confrontés à un grave problème de santé publique, non dépourvu d'incidences économiques : l'épidémie d'obésité et de diabète cause de plus en plus de morts chaque année et a un coût budgétaire important. L'une des parades utilisées dans de nombreux pays est l'étiquetage nutritionnel obligatoire ; mis en place aux États-Unis depuis 1994 en vertu du Nutrition labelling and education Act du 8 novembre 1990, il est également en vigueur au Québec, au Canada, au Brésil, en Nouvelle-Zélande, en Argentine, en Australie, en Israël, en Malaisie, au Paraguay et en Uruguay.

L'indice de masse corporelle (IMC), égal au rapport entre le poids et la taille au carré, mesure l'adéquation du poids à la taille. Compris entre 18,5 et 24,9, il est considéré comme normal ; entre 25 et 30, il témoigne d'un surpoids et, au-delà, d'une obésité. À ce jour, 31,9 % de nos compatriotes sont en surpoids et 14,5 % sont obèses. De plus, leur nombre augmente rapidement : de 5,9 % par an, en moyenne, au cours des douze dernières années.

La mauvaise alimentation due à la prépondérance d'aliments sucrés, salés et gras ne manque pas d'entraîner des désordres physiologiques multiples lorsqu'elle s'ajoute à l'insuffisance d'exercices physiques. L'apport de sodium est en particulier très excessif dans les pays occidentaux puisque la moitié des adultes et le quart des enfants y absorbent plus de huit grammes de sel par jour quand le besoin quotidien est inférieur à deux grammes. Or, plusieurs études ont démontré que l'on ne pouvait lutter efficacement contre le surpoids, contre l'obésité, contre l'hypertension artérielle et contre divers cancers digestifs qu'en conjuguant plusieurs moyens : l'éducation de la population, l'amélioration du dépistage et de la qualité nutritionnelle des aliments – dans les collectivités notamment –, la promotion de l'activité physique et celle de la consommation de produits non transformés, mais aussi l'information du consommateur par l'étiquetage nutritionnel, dont l'importance ne saurait être sous-estimée.

Le très bon rapport d'information remis en septembre 2008 par Valérie Boyer, au nom de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la prévention de l'obésité, préconisait entres autres recommandations « un étiquetage fondé sur le profil nutritionnel des produits alimentaires ». Un an plus tard, notre collègue déposait une proposition de loi tendant à déclarer la lutte contre l'obésité et le surpoids grande cause nationale. Le programme national pour l'alimentation (PNA) présenté le 28 septembre dernier tendait, quant à lui, à renforcer l'information des consommateurs sur la composition nutritionnelle des denrées préemballées, tandis que le Livre blanc de 2007 de la Commission européenne, appelant à définir une stratégie européenne pour conjurer les problèmes de santé liés à la nutrition, à la surcharge pondérale et à l'obésité, précisait que l'étiquetage nutritionnel est « de nature à aider les consommateurs à opérer parmi les aliments des choix bénéfiques pour leur santé ». Le Président de la République, en ce qui le concerne, a présenté au mois de mai 2010 un plan triennal de renforcement de la lutte contre l'obésité et, enfin, lors de ses voeux du 11 janvier 2011, le ministre de la santé Xavier Bertrand a déclaré que cette lutte constituait « plus que jamais une priorité de notre politique de santé publique ».

Tout converge donc pour que des mesures additionnelles soient prises permettant d'améliorer l'information et la prise de conscience des consommateurs. L'efficacité de ces mesures est d'ailleurs certaine : par des enquêtes d'opinion, nous savons que 95 % des Français souhaitent qu'un tel étiquetage soit rendu obligatoire et que, lorsqu'il est effectif, 58 % des femmes et 46 % des hommes le lisent avec attention et en tiennent compte. Aux États-Unis, l'étude Moorman, réalisée en 1996, a démontré qu'il contribuait à élever le niveau des connaissances nutritionnelles. D'autres études ont également montré qu'il entraînait effectivement une baisse de la consommation de lipides, de graisses saturées et de sodium, une réduction de l'apport calorique et du cholestérol, ainsi qu'une augmentation de la consommation de fruits et légumes.

Conformément à une directive européenne de 1990, cet étiquetage est actuellement facultatif, hormis les cas où l'étiquetage comporte une allégation nutritionnelle, et, comme par hasard, ce sont les produits comportant le plus de risques qui en sont dénués : en effet, on ne le trouve que très rarement sur les mayonnaises, chocolats, biscuits sucrés, pâtes à tarte, bonbons, huiles d'olive, beurres et sirops de fruits !

Alors que l'étiquetage existant apporte un certain nombre d'indications sur la date limite de consommation ou sur le poids des produits, l'étiquetage nutritionnel renseigne sur la valeur énergétique et sur la part des glucides, des lipides, des protéines, des fibres alimentaires, du sodium et de certaines vitamines et sels minéraux.

J'ajoute que cet étiquetage facultatif peut devenir obligatoire si nous en décidons ainsi, l'article 169 du Traité sur le fonctionnement de l'Union disposant que les mesures arrêtées par celle-ci en faveur des consommateurs « ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes », ces dernières devant seulement être compatibles avec les traités et notifiées à la Commission. Rien, en droit, ne s'oppose donc à une telle évolution.

Je précise, enfin, que les incidences économiques des problèmes nutritionnels ne sont pas négligeables puisque les effets de l'obésité et du surpoids « coûtent » 7 % de l'ONDAM, soit 10 milliards par an, dépense d'ailleurs appelée à augmenter au fil du temps.

Je souhaite donc que cette proposition de loi soit adoptée pour permettre à nos concitoyens d'effectuer des choix alimentaires plus raisonnés. Nous donnerions ainsi l'exemple à d'autres pays européens, ce qui ne manquerait pas de conforter l'émergence d'un « consommateur citoyen » que tous réclament.

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