Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Georges Colombier

Réunion du 9 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorges Colombier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au terme d'une réflexion engagée voici plusieurs mois, enrichie d'auditions et de débats menés au sein d'une commission spéciale, la représentation nationale va se prononcer sur le projet de loi relatif à la bioéthique, chacun devant prendre conscience de l'immense responsabilité qui est la sienne : selon les décisions que nous prendrons, c'est la dignité de l'homme dont nous assurerons ou non la sauvegarde dans l'avenir.

Face aux avancées de la science et de la médecine, le législateur doit éviter deux écueils.

Le premier consiste à croire que la bioéthique est de la compétence exclusive des scientifiques. Le gouvernement précédent l'a bien compris qui a organisé les états généraux de la bioéthique, vaste réflexion nationale approfondie sur les principes mêmes qui fondent les lois de bioéthique, et qui a démontré que c'est le débat démocratique, bien davantage que les besoins des chercheurs, qui permet de discerner les moyens de respecter l'éthique dans les progrès scientifiques. Rappelons le préambule du rapport de ces états généraux : « Pour que le débat sur la bioéthique ne soit pas confisqué par les experts, il était essentiel que les Français puissent s'exprimer sur des questions qui engagent la condition humaine et les valeurs fondamentales de notre société ».

Au lendemain de cette consultation, qui a redonné sa place dans le débat bioéthique au citoyen, il me paraît important de lui donner sa place également, comme le souhait en a été exprimé, dans les instances chargées de donner un avis éthique ou dans celles encadrant les recherches afin de ne pas laisser aux seuls experts le soin d'assurer le traitement des questions éthiques engageant l'avenir de l'homme et de la médecine. Il revient aux citoyens, à leurs représentants, et à eux seuls, de pouvoir décider de ces questions.

À cet égard, je salue l'avancée que constituent les articles 24 ter et suivants sur les nouvelles obligations d'information attribuées à l'Agence de la biomédecine dans ses domaines de compétence. Mais ce n'est pas suffisant quand on sait que l'ABM, à qui il incombe de donner les autorisations de protocoles de recherche sur l'embryon, dans son rapport d'activité pour 2008, a considéré comme superflues certaines dispositions prises par le législateur, manifestant ainsi une volonté d'indépendance incompatible avec le respect de la souveraineté nationale. Dans son rapport d'information au Parlement et au Gouvernement d'avril 2010, l'objectif affiché est « d'identifier les progrès qui se dessinent », de « favoriser, en amont, les activités de recherche qui nourrissent ce progrès et [d'] assurer, le moment venu, leur mise en oeuvre », ce qui est normal, mais sans aucun rappel du principe de la dignité humaine.

Reprenant les termes d'un collègue membre de la mission parlementaire sur la bioéthique, je pense « nécessaire de faire en sorte que les modalités selon lesquelles l'Agence rend compte aux pouvoirs publics soient redéfinies ». Le rapport de la mission ne dit pas autre chose lorsqu'il relève que l'Agence exerce « un pouvoir non négligeable aux fortes implications éthiques dans un domaine où le niveau de contrôle du législateur doit être élevé ». La représentation nationale doit être confirmée dans son devoir de contrôle a priori des décisions de l'Agence de la biomédecine et associée à l'élaboration des décisions réglementaires issues de ces lois. Plusieurs amendements à la rédaction desquels j'ai participé vont dans ce sens, en particulier l'un envisageant la création d'une délégation parlementaire à la bioéthique, qui, je l'espère, recueillera vos suffrages, un autre introduisant des membres de la société civile au conseil d'orientation de l'Agence chargé de donner un avis sur toutes les questions éthiques susceptibles d'être soulevées.

Le second écueil à éviter, c'est de considérer que l'éthique puisse être à géométrie variable. Il est de notre responsabilité de législateur de décider de normes éthiques édictées dans la reconnaissance de la vérité objective de l'homme et de sa dignité inaliénable, non dans la reconnaissance de vérités relatives ou individuelles. La valeur de référence pour toutes les questions d'éthique médicale est bien la dignité humaine, principe rappelé à l'article 16 du code civil, mis en exergue dans le rapport d'information et réaffirmé dans le dernier rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ce principe intègre la responsabilité vis-à-vis des plus fragiles ainsi que le respect de la vie de tout être humain. En effet, par le seul fait de son appartenance à l'espèce humaine, toute personne, quelle que soit sa capacité d'autonomie, son état de faiblesse ou son handicap, a une dignité intrinsèque qui oblige tous et chacun à la respecter, car ni la maladie ni la vieillesse ni le handicap n'altèrent notre humanité.

Le processus de décision dans la plupart les lois qui touchent à la dignité humaine est le suivant : affirmation d'un principe, exception dans un cadre précis, puis autorisation. Le projet de loi maintient, à l'article 23, le principe de l'interdiction de la recherche sur embryon, ce dont il faut se féliciter, mais les dérogations qui l'accompagnent portent atteinte au principe général de protection de la vie humaine prénatale, et le débat sur une autorisation encadrée est déjà bien entamé. Prenons garde que les transgressions que nous acceptons à titre exceptionnel ne deviennent ensuite la règle !

La dignité humaine signifie également le respect de l'intérêt de l'enfant, qui fait très largement consensus. La convention internationale sur les droits de l'enfant, signée et ratifiée par la France, stipule que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, « l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Il nous faut donc également veiller à ce que le droit à l'enfant, qui répond à un désir tout à fait légitime mais prend en considération des critères subjectifs, ne prenne le pas sur le droit de l'enfant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion