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Intervention de André-Claude Lacoste

Réunion du 2 février 2011 à 16h15
Commission des affaires économiques

André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire, ASN :

Avant de présenter l'ASN, je souhaite apporter deux précisions. D'abord, je préside une autorité de sûreté nucléaire civile, distincte du Délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), ce qui ne nous empêche pas de travailler en parfaite coordination ni d'échanger des personnes ou des idées. Ensuite, je n'ai pas connaissance du rapport Roussely, mais seulement de sa synthèse publique et de ses recommandations et je n'ai participé à aucune réunion destinée à en tirer les conséquences.

L'ASN est chargée d'assurer au nom de l'État le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, le public, les patients et l'environnement des risques liés au nucléaire. Corollairement, elle contribue à l'information des citoyens. Ces deux actions – de contrôle et d'information – sont tout à fait liées.

Nous nous efforçons de mettre en oeuvre quatre valeurs, avec toute la force qui s'attache à ce terme : compétence et rigueur d'un côté ; indépendance et transparence de l'autre.

Nous contrôlons deux types d'activités : d'une part 150 grosses installations, que sont les réacteurs d'EDF ou du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) ou bien l'usine de retraitement de La Hague, d'autre part ce que nous appelons le nucléaire de proximité, à savoir tout ce qui utilise des sources radioactives dans l'industrie, la recherche ou la médecine. Le contrôle de la radioprotection dans le domaine médical est pour nous une activité de plus en plus importante. Nous avons commencé par nous intéresser à la radiothérapie, notamment à l'occasion de l'affaire d'Épinal et nous développons notre activité dans ce secteur.

Quatre points principaux caractérisent notre façon de travailler. En premier lieu, une vision élargie de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui prend en compte la protection de l'environnement, l'inspection du travail, la sécurité – c'est-à-dire la protection contre le terrorisme –, mais aussi les aspects techniques, humains et organisationnels. En deuxième lieu, la croyance en la nécessité d'un progrès continu : quand des progrès sont enregistrés, nous devons les appliquer en matière de sûreté. Troisièmement, nous avons des procédés très structurés pour prendre nos décisions, que nous voulons aussi équilibrées que possible : à côté de nos compétences propres, nous disposons de l'appui technique de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de groupes d'experts ; nous engageons par ailleurs des discussions approfondies avec les exploitants, qui peuvent faire valoir tous leurs points de vue. Enfin, quel que soit le sujet, nous examinons toujours comment il est traité dans d'autres pays.

Pour le moment, nos moyens sont suffisants pour remplir nos missions. Très présents au plan international, nous voulons aussi rendre compte de nos activités, en particulier au Parlement, ce qui nous prend un temps considérable : nous présentons chaque année notre rapport sur l'état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France à l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, le prochain rendez-vous étant fixé au 30 mars.

L'ASN est marquée par quatre évolutions principales. En ce qui concerne nos compétences, nous approfondissons nos activités dans le domaine médical : nous contribuons à mettre davantage en ordre les 180 services de radiothérapie en France, du point de vue de l'organisation, des compétences et du personnel – les progrès dans ce domaine sont considérables ; nous nous occupons aussi de la radiologie « interventionnelle », c'est-à-dire celle utilisée à l'occasion d'interventions – cardiologiques, neurologiques ou autres – et nous allons prendre une position importante sur l'augmentation des doses reçues en matière d'imagerie médicale – liée à une multiplication des examens et des prescriptions pour de mêmes patients –, laquelle peut conduire à une épidémie de cancers de deuxième rang. C'est un sujet difficile mais majeur.

En matière de transparence à l'égard des citoyens, au-delà de la communication que nous menons depuis longtemps sur les incidents, nous publions désormais sur notre site Internet les 2 000 lettres d'inspection que nous produisons chaque année ; nous poussons les exploitants à être également transparents et cherchons à susciter un débat sur les principaux sujets.

Troisièmement, si nous sommes indépendants de l'exploitant depuis longtemps, nous le sommes également du Gouvernement depuis la loi du 13 juin 2006 qui nous a conféré le statut d'autorité administrative indépendante : parfois, nous nous définissons sous une forme qui peut paraître rudimentaire aux juristes : « un morceau d'État qui ne rapporte pas au Gouvernement »…

Sous notre précédent statut, pour le premier réacteur construit en France à Flamanville, nous avons été amenés à suspendre un chantier de bétonnage dont la qualité nous paraissait insuffisante, à arrêter un chantier de soudage sur le liner – revêtement intérieur en acier –, à obliger Areva à déclasser une partie d'un appareil construit en Italie et à prendre une position rigoureuse sur le « contrôle commande ».

Sous notre nouveau statut, nous sommes conduits, dans le domaine médical, à suspendre le fonctionnement de centres de radiothérapie, décision très difficile et douloureuse puisqu'elle consiste – tout en laissant les patients terminer leurs soins – à empêcher de nouveaux malades de s'inscrire dans les centres concernés et à les obliger à aller se faire soigner ailleurs en ambulance. Nous ne prenons ce type de décision qu'après mûre réflexion et lorsque les précautions en matière d'organisation, d'équipement et de personnels sont manifestement insuffisantes ; il ne s'agit pas tant de sanctionner les centres que de les obliger à se mettre en ordre.

Notre nouveau statut nous permet également de prendre position sur des sujets globaux. Nous avons par exemple indiqué publiquement qu'il fallait aux pays émergents qui se lancent dans les programmes nucléaires dix à quinze ans avant de pouvoir imaginer construire une centrale ; plus récemment, nous avons fait savoir qu'il n'était pas acceptable de concevoir dans le monde une sûreté nucléaire à deux vitesses.

La quatrième évolution touche le domaine international, où des efforts importants de coopération et de coordination sont réalisés, dans un cadre bilatéral ou mondial. C'est particulièrement le cas en Europe : une directive sur la sûreté nucléaire a été adoptée en juin 2009 – ce qui était inimaginable quelques années auparavant, lorsque la France considérait qu'elle se portait d'autant mieux que l'Union européenne intervenait peu dans ce domaine… Une directive sur les déchets est également attendue, peut-être d'ici la fin de l'année. Les responsables des dix-sept autorités de sûreté des pays nucléaires de l'Union et de la Suisse sont regroupés au sein de la WENRA (Western European Nuclear Regulators' Association), dont les membres prennent des positions conjointes, comme ils l'ont fait dernièrement, à l'unanimité, pour fixer les objectifs de sûreté pour les nouveaux réacteurs nucléaires du continent. Ces objectifs sont proches de ceux du réacteur EPR, sans en faire toutefois mention : nous espérons une « couverture politique » de cette déclaration technique à l'occasion du Conseil européen de Bruxelles du 4 février prochain, qui sera consacré à l'énergie. Nous entendons constituer à terme un pôle européen de sûreté nucléaire et de radioprotection partageant certaines idées – telles que la vision intégrée de la sûreté ou le progrès continu –, que nous souhaitons confronter avec celles de nos collègues américains puis asiatiques. Sur ce type de sujet, la position française a du poids, mais elle ne pèsera vraiment que si elle s'inscrit dans un cadre européen, ce qui suppose de bâtir des points de vue partagés.

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