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Intervention de Jean-Jacques Guillet

Réunion du 3 février 2011 à 15h00
Ratification des statuts de l'agence internationale pour les énergies renouvelables — Discussion d'un projet de loi après engagement de la procédure accélérée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Guillet, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

La commission des affaires étrangères a examiné lors de sa séance du 1er février dernier le texte de ce projet de loi, sur lequel le Gouvernement nous a demandé de statuer rapidement. Il s'agit d'un texte autorisant la ratification des statuts de l'Agence internationale pour les énergies renouvelables, dénommée IRENA.

Il est vrai qu'il y a urgence, car la première assemblée de cet organisme se réunira le 5 avril prochain, à Abou Dabi, qui a été choisi comme siège de l'agence. Au cours des derniers mois, le Conseil d'État a pris un délai assez important pour examiner ce texte, en particulier sur le volet de la francophonie. Ce point est évidemment apparu important à la commission des affaires étrangères, et il faut se garder de faire un quelconque reproche au Conseil d'État, dans la mesure où il a justement fait un travail approfondi. Mais la conséquence en est que nous examinons ce texte dans une certaine urgence, ce qui n'est pas dramatique, dans la mesure où il ne contient en réalité aucune difficulté technique.

En revanche, il revêt une véritable importance politique, qui, je l'espère, suscitera votre intérêt.

L'IRENA est un projet porté pendant plus de vingt ans par Hermann Scheer, un scientifique allemand récemment décédé. Il s'agit au départ d'un projet initié par l'Allemagne, et en particulier par ce scientifique qui a également été député SPD et président du Conseil mondial des énergies renouvelables. Il en était président honoraire au moment de son décès. Scheer considérait que notre modèle énergétique fondé sur la consommation d'énergies fossiles arrivait à échéance dans les pays développés, et obligeait les pays en voie de développement à des investissements coûteux en capitaux alors qu'ils n'en avaient pas les moyens financiers.

À ses yeux, les énergies renouvelables n'étaient pas uniquement une alternative au pétrole, au gaz ou au charbon mais un moyen de modifier nos modes de production d'énergie, avec des unités décentralisées, légères, à l'échelle locale, peu coûteuses, en résumé plus accessibles aux pays en voie de développement. Il s'agissait de créer un modèle énergétique décentralisé à l'échelle locale.

Sous la grande coalition réunissant le SPD et la CDU, le gouvernement allemand a accepté de porter ce projet et a désigné en janvier 2007 trois ambassadeurs spéciaux, chargés de convaincre les diplomaties étrangères de le suivre dans la fondation de l'agence IRENA. C'est ainsi que, du 30 juin au 1er juillet 2008, s'est tenu à Berlin un atelier international qui a réuni soixante États pour en débattre. Après un processus classique de négociations, les statuts de l'Agence ont été signés le 26 janvier 2009, à Bonn, par soixante-quinze États. Depuis, soixante-quinze autres États et entités, comme l'Union européenne, ont adhéré aux statuts, cinquante-trois les ont d'ores et déjà ratifiés. C'est ainsi que l'Agence peut véritablement fonctionner depuis juin 2010, date de la ratification par Israël.

Ce succès a dépassé les espérances des concepteurs de l'agence, qui pensaient qu'elle intéresserait seulement quelques pays développés et de l'hémisphère Sud. En fait, il y a une adhésion massive des États d'Afrique et du Moyen-Orient, qui se sont joints dans ce projet aux pays développés, ce qui ne peut vous laisser indifférent, monsieur le secrétaire d'État à la coopération.

Pourquoi a-t-il été décidé de créer une agence spécifique plutôt que réformer l'Agence internationale de l'énergie ? L'AIE, créée à la suite du choc pétrolier de 1979, n'est pas un organisme universel. Elle ne réunit que vingt-huit États. Elle a toujours centré ses travaux sur les usages des énergies fossiles. Les concepteurs d'IRENA voient dans la nouvelle agence un outil politique, qui mobilise les expertises et éventuellement les financements pour agir massivement en faveur des énergies renouvelables. Cela est très différent des objectifs poursuivis par l'AIE, qui avaient notamment été créée pour la gestion des stocks stratégiques à la suite du choc pétrolier de 1979.

Il est clair que cette agence marque une volonté politique d'aller vers ces énergies et vers les technologies vertes.

Les objectifs de l'IRENA sont prévus par l'article 4 des statuts. Rappelons que l'article 2 de ces statuts, aux termes duquel : « L'Agence encourage l'adoption accrue et généralisée et l'utilisation durable de toutes les formes d'énergies renouvelables. » Cet objectif général n'est pas négligeable.

L'article 4 précise ces objectifs.

L'IRENA est un forum d'information, qui ambitionne de centraliser toute la documentation, tous les résultats des expériences technologiques, toutes les connaissances sur les énergies renouvelables lorsqu'elles font l'objet d'une application concrète : c'est un centre d'échanges.

Elle propose également son expertise à tout État qui veut mettre en oeuvre une politique en ce sens. C'est ce deuxième point qui intéresse vivement les pays en voie de développement.

Enfin, en application d'un conseil interministériel qui s'est déroulé à Charm El Cheikh en juin 2009, l'IRENA sera dotée d'un laboratoire d'expériences technologiques, basé à Bonn.

Ce point a attiré l'attention de la commission. Le centre d'expérimentation n'est pas explicitement prévu par les statuts, mais ces derniers permettent aux pays membres de créer tout organe utile aux travaux de l'Agence, et on ne peut que se réjouir de l'existence de ce centre.

La question que nous nous sommes posée est celle du poids de l'Allemagne. L'Allemagne a énormément insisté pour obtenir sur son territoire l'implantation de ce centre. Elle dispose en effet en Rhénanie du Nord-Westphalie d'un réseau de 3 200 entreprises qui consacrent beaucoup de temps, de compétences et de capitaux à la recherche, à l'essai et à la production d'énergies renouvelables. S'appuyant sur l'université Friedrich-Wilhelm, Bonn est devenue un pôle d'excellence en ce domaine.

L'Allemagne tenait tellement à ce résultat qu'elle s'est engagée à apporter à l'IRENA une contribution volontaire de quatre millions de dollars pour la mise en place du centre, et à apporter chaque année environ trois millions de dollars pour son fonctionnement, en sus de sa quote-part obligatoire au budget de l'organe. Elle a également affirmé qu'elle mettrait à disposition du centre d'excellence des locaux pour une durée illimitée, et ce sans condition préalable ou restriction. On voit que l'engagement de l'Allemagne dans cette affaire est extrêmement fort, ce qui ne veut pas dire que nous ne devons pas l'accompagner, au contraire.

Cela renforcera sans nul doute les capacités de recherche des entreprises allemandes qui disposeront d'un avantage compétitif lors du lancement des appels d'offre. En d'autres termes, il faut prendre garde à ce que l'IRENA ne puisse servir qu'à stimuler l'industrie allemande, leader mondial dans les énergies renouvelables, avec les contributions financières des autres États.

Il est, à mon sens, inutile de se plaindre de cette situation, et la commission des affaires étrangères m'a approuvé sur ce point. C'est en toute connaissance de cause que la France a signé les statuts de l'Agence et accepté que les capacités de recherche technologique soient implantées à Bonn. Trop longtemps axé sur l'énergie nucléaire de façon exclusive, notre pays a longtemps négligé de mettre en place une filière éolienne ou solaire – ce que fait actuellement notre Gouvernement. Alors que d'autres pays comme le Danemark, avec Vestas, l'Allemagne, avec Siemens, l'Espagne, avec Gamesa, et les États-Unis, avec General Electric, ont bâti une véritable industrie. Nous avons des entreprises compétentes dans ce domaine – Schneider electric, Areva, Alstom, Technip, Nexans – et il est impératif que la France mette mieux en valeur ses capacités technologiques, qui sont indéniables. L'existence même de cette agence peut permettre le développement de nos entreprises et de nos technologies.

L'IRENA n'est pas une agence du système onusien, bien qu'elle puisse le devenir à terme. Les structures de l'Agence sont calquées sur celles de l'ONU, avec une assemblée générale des pays membres, qui vote les décisions et qui élit un conseil comprenant de onze à vingt et un pays membres. Ce conseil joue essentiellement un rôle de proposition pour le programme de travail annuel et le budget.

La question budgétaire est relativement simple : la contribution française, qui alimente le budget de l'ONU à hauteur de 6,123 %, sera vraisemblablement de 7,2 % au sein de l'IRENA. La clé de répartition est identique, à la différence qu'il y a moins d'États. Notons que la Russie, la Chine ou le Canada ne participent pas. Il existe également un doute sur la ratification par les États-Unis, suite au changement de majorité intervenu récemment au Congrès.

Les principaux contributeurs devraient être les États-Unis, à hauteur de 22 %, le Japon à 15,7 %, l'Allemagne à 9,7 %, et 7,2 % pour la France, ce qui représente 830 000 euros inscrits au budget du ministère de l'environnement. Évidemment, si les États-Unis ne participaient pas, et n'abondaient pas ce budget, la répartition serait différente, mais le Japon a d'ores et déjà indiqué qu'il relèverait sa participation.

Dernier point : la question linguistique. Les statuts de l'Agence ont été adoptés en une seule langue, l'anglais, lors de la conférence de Bonn. La délégation française avait alors obtenu par une déclaration ayant même force que les statuts que ces derniers « devaient être authentifiés dans les langues officielles des Nations unies autres que l'anglais ». Cette authentification des statuts en d'autres langues a été obtenue le 21 janvier 2010 pour le français et l'espagnol, auquel s'est ajouté l'allemand compte tenu de la part importante de l'Allemagne dans l'IRENA.

Nous pensons, comme l'a indiqué le ministre, que, si nous votons aujourd'hui la ratification et que nous prenons notre place au sein de l'IRENA dès l'assemblée générale qui aura lieu le 5 avril prochain, nous aurons plus de facilités, en liaison avec l'Organisation internationale de la francophonie, qui porte le problème linguistique, pour faire en sorte que le français soit une langue de travail au même titre que l'anglais.

Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai exposé les enjeux essentiels liés à la création de cette agence. Il s'agira d'un outil utile au service d'une politique qui va au-delà de la promotion de technologies vertes. L'IRENA permettra à l'ensemble de ses États membres de réfléchir et d'agir ensemble dans un domaine crucial. La France se doit de participer activement à cette agence et d'y jouer un rôle moteur. La commission des affaires étrangères a donc donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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