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Intervention de Julien Dray

Réunion du 1er février 2011 à 15h00
Débat sur la politique de la ville

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dray :

Nous n'arrivons pas à nous en sortir car ce que vous nous donnez ne nous permet de faire qu'une partie des choses, de sorte que, lorsqu'on traite un quartier, celui d'à côté explose et contamine l'ensemble, ce qui crée une situation dramatique. C'est ce qui me fait dire qu'il n'y a pas une, mais plusieurs politiques de la ville. C'est pour cela qu'il aurait été intéressant d'avoir le bilan. S'il y a un tournant à prendre, c'est celui qui consiste à ne plus faire du prêt-à-porter, mais à développer des pratiques spécifiques.

J'ajouterai qu'il doit y avoir, en Île-de-France même, des politiques de la ville différentes, car on y rencontre des situations très spécifiques. J'en veux pour preuve une ville comme Grigny, qui a le potentiel fiscal le plus faible de France et qui ne peut plus voter son budget. Le préfet, pour équilibrer celui-ci, a proposé une augmentation de 47 % des impôts – et il voudrait recommencer ! Cette ville qui ne peut s'en sortir représente un cas qui doit être isolé de l'ensemble, car elle est le concentré de tous les problèmes que l'on peut rencontrer. En effet, pour ce qui est du logement, on est dans la caricature, parce que tous les cas sociaux atterrissent dans cette ville. Dès qu'il y a quelqu'un dont personne ne veut, on peut être sûr qu'il va se retrouver à Grigny ! C'est le ghetto des ghettos. C'est pour cela que je dis qu'il faut aujourd'hui, si l'on veut conduire un vrai travail d'évaluation, prendre en considération les situations de ce type.

Je ne monopoliserai pas la parole car beaucoup d'autres collègues ont des choses tout aussi importantes, voire plus, à dire, mais je voudrais revenir sur trois aspects.

D'abord, je voudrais insister sur ce qu'a dit Claude Bartolone, à savoir la question, très importante, des copropriétés dégradées. Dans un certain nombre de villes, aujourd'hui, le vrai ghetto se trouve non pas dans le logement social, mais dans les copropriétés dégradées, où règne une absence totale de mixité sociale et géographique. Il existe aujourd'hui des quartiers de copropriétés qui deviennent de véritables ghettos ethniques et sur lesquels nous n'avons aucune prise. En effet, lors de la vente des appartements, les agences participent au processus : elles vendent toujours aux mêmes et ceux-ci se regroupent – on comprend d'ailleurs pourquoi. Il faut donc inventer des dispositifs nouveaux qui permettraient d'avoir prise sur cette situation, sans quoi la ville restera tout entière sous l'emprise de ce phénomène.

Ensuite, je voudrais bien vous croire, monsieur le ministre, lorsque vous nous dites : « Vous allez voir, cette année j'ai donné des instructions pour que les subventions aux associations ne servent pas à financer les banques. » Soit. Il ne faut pas désespérer. Le problème – je vous le dis honnêtement –, c'est que vous êtes le quatrième ministre de la ville que j'entends nous expliquer cela.

Les plus anciens d'entre nous allions voir les néophytes à ce poste pour leur dire qu'il est au moins une chose que l'on peut corriger : le fait que, lorsque les subventions arrivent en octobre, l'association doit recourir à la loi Dailly – en empruntant d'ailleurs plutôt à 21 % ou à 22 % qu'à 4 %, car les banques ne se gênent pas. Quatre fois déjà, j'ai entendu vos prédécesseurs, qu'ils soient de droite ou de gauche, nous répondre que c'était scandaleux et qu'ils allaient agir. Or, rien n'a jamais changé – mais peut-être allez-vous y arriver… Vous êtes en tout cas mis au défi de le faire, en raison de l'expérience politique que vous possédez.

Enfin, et c'est une question clé, les maires peuvent faire ce qu'ils veulent, mais l'élément essentiel de la cohabitation dans les quartiers sensibles, ce sont les associations. Qu'on le veuille ou non, il faut reconnaître que ce sont elles qui, dans la politique de la ville, ont le mieux tenu. Pourtant, que n'ai-je entendu à leur sujet ! L'attitude de la commission permanente de ma région, au début, était caricaturale : dès que l'on prononçait le nom d'une association, tout le monde en plaisantait. Mais heureusement qu'elles étaient là, qu'elles faisaient preuve d'un dévouement extraordinaire ! C'est là que se trouvent aujourd'hui les vrais hussards de la République. Allez-vous donc stopper, monsieur le ministre, ce à quoi nous assistons actuellement, à savoir l'obligation faite aux associations de se tourner en permanence vers les collectivités, les régions notamment, parce qu'on réduit sans cesse leur budget et leurs possibilités d'action, et qu'elles n'en peuvent plus ?

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