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Intervention de Bernard Bajolet

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement :

Merci de me faire, pour la deuxième fois, l'honneur de cet accueil. Je vais dresser un premier bilan de mes activités, deux ans et demi après mon installation à ce poste.

La principale avancée réside dans le fait que les services se parlent et travaillent ensemble. Cela résulte non seulement de l'action du coordonnateur mais également de celle des directeurs des services, notamment de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la DCRI. Auparavant, ils ne travaillaient pas aussi bien ensemble. Désormais, le risque que nous manquions quelque chose par rétention d'information entre les services est quasi inexistant.

Au final, l'instauration d'un coordonnateur a offert un espace de respiration aux services les plus encadrés sur le plan hiérarchique, tandis que ceux qui craignaient de perdre celui dont ils disposaient déjà se sont trouvés rassurés. Nous sommes parvenus à un bon point d'équilibre et constituons désormais une véritable équipe, dont je suis l'animateur.

J'ai également pour responsabilité de fixer les grandes orientations, sous l'autorité du Président de la République. Un plan national d'orientation du renseignement a été adopté sur trois ans.

Un autre aspect de mon action est d'assurer la remontée du renseignement produit par les six services spécialisés. La DGSE, la DCRI, la direction du renseignement militaire (DRM), la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD), la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ainsi que Tracfin me font parvenir chaque jour leurs productions, à charge pour moi d'identifier ce qui est susceptible d'intéresser le Président de la République et le Premier ministre. J'assure ainsi la remontée des informations, qui est sans doute plus systématique qu'auparavant.

Je veille également à ce que les services disposent des moyens nécessaires pour accomplir leur mission. En ce qui concerne l'investissement, nous avons la charge de piloter des programmes dont certains sont mutualisés entre les services, tels les moyens informatiques et électroniques. Pour ce qui est de l'imagerie spatiale, nous avons décidé d'engager en national le programme MUSIS – successeur d'Hélios – en raison de l'absence de réponse de nos partenaires européens, tout en leur laissant la porte ouverte. Il nous semblait en effet crucial de ne pas accroître le risque de rupture capacitaire. D'autres programmes vont faire l'objet de décisions prochainement, par exemple le remplacement de nos drones MALE – qui viendront en fin de vie vers 2013.

S'agissant des ressources humaines, une meilleure mobilité entre les services et leur plus grande ouverture vers l'extérieur sont nécessaires, de même qu'une formation plus systématique des cadres, d'où l'intérêt de l'Académie du renseignement que le Premier ministre a inaugurée le 20 septembre dernier. Cette académie a aussi pour mission de veiller à la mutualisation des formations que les services assuraient déjà eux-mêmes.

La coordination s'est également attachée à renforcer le lien et la complémentarité entre le dispositif de renseignement économique et l'intelligence économique – c'est-à-dire la collecte d'informations par des services autres que les services de renseignement. Il s'agit notamment des informations ouvertes et de celles disponibles dans les administrations. Une délégation interministérielle à l'intelligence économique a été créée en septembre 2009. Elle est dirigée par un ancien industriel, M. Olivier Buquen. Bien que située à Bercy, elle reçoit ses orientations d'un comité directeur établi à l'Élysée, tandis que le suivi des recommandations est assuré par Matignon.

À l'occasion de mes premières auditions au Parlement, la question de l'articulation avec les services du Premier ministre avait été posée, certains s'inquiétant de voir la coordination assurée à l'Élysée. Si celle-ci ne peut pas être ailleurs - sans quoi il y aurait toujours une instance d'appel au-dessus d'elle - il faut observer que le coordonnateur du renseignement est nommé par décret en conseil des ministres, c'est-à-dire sur proposition du Premier ministre. Il est chargé d'informer le Président de la République, mais aussi le Premier ministre ainsi que son cabinet, avec lequel la relation est étroite. Enfin, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), service du Premier ministre, intervient en appui du coordonnateur pour certaines missions.

La DCRI résulte de la fusion de la DST avec une partie des renseignements généraux. Cette réforme, envisagée depuis deux décennies, est un succès. Cela ne signifie pas pour autant que les deux cultures ont entièrement fusionné : sans doute faudra-t-il encore du temps pour cela. La diversité culturelle n'est d'ailleurs pas forcément néfaste, comme le démontre le travail commun qu'effectuent la DGSE, la DCRI, la DRM et les autres services associés.

Il faudra néanmoins poursuivre le mouvement, notre priorité étant la lutte contre le terrorisme, qu'il menace nos intérêts à l'étranger ou, naturellement, le territoire national. Les équipes de la DCRI et celles de la DGSE travaillent en étroite concertation, là où il n'y a pas de frontière entre menace intérieure et menace extérieure. La menace intérieure, quant à elle, est croissante : elle se nourrit d'un phénomène nouveau d'auto-radicalisation qui existe dans la plupart des pays européens ainsi qu'aux États-Unis. Pour y faire face, nous devons être en mesure de la détecter aussi tôt que possible. L'incident qui s'est récemment produit en Suède montre que le risque d'attentat commis par des individus qui se sont radicalisés eux-mêmes est bien réel.

C'est pourquoi il faudra, au cours des prochaines années - c'est ma conviction personnelle - procéder à un rééquilibrage entre la DGSE et la DCRI, en veillant à ne pas affaiblir la première, désormais crédible auprès de ses principaux partenaires étrangers, tout en renforçant la seconde. Celle-ci devra notamment ouvrir son recrutement au-delà des seuls effectifs policiers. En effet, le renseignement se diversifie et touche désormais les domaines économique – dans lequel la DCRI accomplit un travail remarquable – ou technique. À cet égard, elle doit pouvoir participer aux efforts de mutualisation. Or, en l'état actuel des choses, les moyens de ces deux services ne sont pas équivalents.

En outre, il faudra procéder à des arbitrages concernant les investissements du ministère de la défense. Tous les projets ne pourront pas être conduits au même rythme. La priorité doit être accordée au programme MUSIS d'imagerie spatiale, domaine dans lequel nous ne pouvons plus nous permettre de retard, ainsi qu'au programme de renseignement électromagnétique spatial CERES, dont le calendrier devra être affiné. La question des drones, comme je l'ai indiqué, sera prochainement tranchée. En outre, en matière de ressources humaines, des ingénieurs et des analystes seront indispensables pour exploiter les images produites par ces équipements.

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