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Intervention de Philippe Bruneau

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Philippe Bruneau, président du Cercle des fiscalistes :

Je l'ai dit, les économistes, habitués qu'ils sont à travailler sur des tableurs, ont parfois du mal à appréhender la réalité pratique. J'ai pu à nouveau le vérifier ce matin en lisant un article des Échos, signé par un de vos confrères, monsieur Piketty, et qui évaluait à environ 180 millions d'euros le montant des délocalisations depuis une dizaine d'années.

Selon moi, il y a trois façons différentes d'envisager les délocalisations. On peut considérer ceux qui les pratiquent comme des exilés de Coblence, mais c'est peut-être exagérer. On peut également juger le sujet insignifiant et ne pas le traiter. Enfin, on peut tenter d'avoir une vision juste du phénomène. Or celui-ci existe, et de par ma profession, je peux vous assurer qu'il est largement sous-évalué par les documents officiels. Sur ce point, je partage l'avis de Thomas Piketty : les personnes chargées d'établir des statistiques au ministère des finances gagneraient parfois à interroger les spécialistes.

Si j'en juge par ce que j'ai pu observer pendant ma carrière, les délocalisations ont commencé en 1997 : c'est M. Juppé qui a provoqué les premières grandes vagues en ce domaine. Par la suite, elles se sont démocratisées. Au milieu des années quatre-vingt-dix, les personnes concernées étaient milliardaires en francs ; aujourd'hui, avec quelques dizaines de millions de patrimoine, les gens préfèrent partir avant d'être soumis à l'ISF. Ceux qui n'ont pas encore vendu leur entreprise vont en Belgique et la vendent là-bas. Ensuite, soit ils y restent, soit ils attendent cinq ans afin de bénéficier d'un autre régime fiscal, celui des « impatriés ». Ils rentrent alors en France en payant peu d'impôt sur le revenu et pas du tout d'ISF sur les biens laissés à l'étranger. Quant aux rentiers ayant déjà vendu leur entreprise ou réalisé un patrimoine, ils vont plutôt vers la Suisse.

En tout état de cause, le volume des délocalisations est beaucoup plus important que ce que laissent entendre les estimations parues ici ou là dans la presse. Ou alors, cela signifierait que je traite l'ensemble des délocalisations réalisées depuis notre pays. Or je n'ai pas cette prétention !

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