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Intervention de Laure de La Raudière

Réunion du 26 janvier 2011 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaure de La Raudière, rapporteure :

Au regard des enjeux actuels de l'internet, il nous apparaît fondamental d'empêcher un certain nombre de dérives.

Il s'agit tout d'abord de la question du filtrage d'un site précis par un opérateur dans le but de décongestionner le réseau : une telle opération doit être prohibée car ce site serait alors très défavorisé par rapport à ses concurrents. Les opérateurs doivent être capables de réaliser des opérations de gestion de trafic en toute transparence et sans porter atteinte aux intérêts des fournisseurs de contenu ; à titre d'exemple la société Amazon considère qu'une dégradation de 100 millisecondes du temps de transit pour avoir l'information correspond à une perte de 1 % de chiffre d'affaires. Le filtrage ciblé serait contraire aux règles de concurrence et au principe de non discrimination de l'accès à internet.

Le second point concerne la qualité de l'accès à internet qui doit toujours être suffisante et ne doit pas être dégradé pour mieux vendre des services gérés. Il est évident que si l'on rempli des tuyaux de dimension constante avec plus de services gérés, il n'y aura plus suffisamment de place pour l'internet. Il est souhaitable de développer les services gérés, mais à condition de ne pas dégrader la qualité de l'internet public.

Il ne nous semble également pas souhaitable que les opérateurs puissent bloquer des applications qui fonctionnent bien sur internet, pour les vendre aux consommateurs sous forme de services gérés. À titre d'exemple, Skype, qui est un service de voix sur IP, est actuellement bloqué sur les services mobiles afin de préserver le modèle économique des opérateurs mobile fondé sur la voix. On peut imaginer d'autres services à valeur ajoutée se développant sur l'internet et étant « bridés » par des opérateurs souhaitant les commercialiser sous forme de services gérés. Or nous ne savons pas aujourd'hui où va se situer l'innovation de demain, sur les services gérés ou sur internet. Il faut donc que les deux modèles puissent exister en parallèle et que l'on dispose d'un environnement réglementaire qui permette l'épanouissement de l'innovation aux deux niveaux.

Je termine la présentation des enjeux en disant qu'à notre sens, les opérateurs doivent pouvoir déterminer librement leur politique commerciale, dans le respect évidemment du cadre réglementaire existant, et proposer différentes qualités de service dès lors qu'est assurée une qualité suffisante et que l'accès à ces différents niveaux de qualité de service n'est pas discriminatoire.

J'en viens aux recommandations. Nous avons choisi de présenter à la fois les premières propositions de la mission et les interrogations qui demeurent. Il nous est en effet apparu nécessaire d'avoir un retour de nos interlocuteurs sur les différentes propositions ; nous avons par ailleurs des interrogations qui demeurent, notamment sur le modèle économique, pour lequel nous avons recueilli des informations contradictoires sur le besoin de financement des opérateurs réseau.

La première recommandation de la mission consiste à définir dans la loi le principe de neutralité à partir des objectifs définis précédemment, comme l'absence de filtrage, hors mesures techniques ou mesures obligatoires prononcées par un juge, garantie d'une qualité de service suffisante sur internet, l'absence de mesures ciblées de dégradation de la qualité de service, l'accès non discriminatoire aux différents niveaux de qualité de service et la garantie de conditions techniques et tarifaires d'interconnexion équitables. Il convient également de proposer dans la loi les moyens de garantir l'application de ces principes, et vous trouverez sur ce point des propositions détaillées dans notre document de synthèse.

La mission s'interroge par ailleurs sur l'opportunité de confier à l'ARCEP le pouvoir de contrôler la proportionnalité des mesures techniques de filtrage mise en oeuvre suite à une décision judiciaire, afin d'éviter toute mesure de surblocage lorsque l'on effectue des filtrages. Il en va de même en ce qui concerne l'opportunité de confier à cette autorité le pouvoir de fixer les conditions tarifaires de l'interconnexion, soit à travers un prix plafond pour garantir l'accès au réseau à un prix raisonnable des fournisseurs de contenu et des intermédiaires techniques, soit à travers un prix plancher afin que les injecteurs de trafic contribuent à l'investissement dans les réseaux. On voit bien en effet qu'il y a différents modèles économiques pour cette interconnexion, soit du peering public gratuit, soit du peering privé payant, soit de l'achat de transit. Cette question de l'encadrement tarifaire de l'interconnexion mérite d'être éclaircie. Enfin la mission s'interroge sur l'opportunité de prendre des mesures législatives spécifiques afin d'assurer un accès non discriminatoire aux moyens techniques permettant de fournir de la qualité de service, et en particulier aux services gérés.

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