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Intervention de René Ricol

Réunion du 26 janvier 2011 à 16h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

René Ricol, Commissaire général à l'investissement :

Le cahier des charges est toujours élaboré par l'opérateur – sauf dans le cas du numérique –, mais il est obligatoirement, à chaque fois, validé par le Commissariat général, moyennant quelques modifications.

Une fois que le comité de pilotage ou le jury a fait son choix, le Premier ministre prend la décision finale, sur la base de l'avis que je lui ai donné. Lorsqu'il s'agit de jurys scientifiques internationaux – comme pour le projet « Cohortes » ou les équipements d'excellence –, ma position, que j'assume, est de ne pas les désavouer car cela nuirait à l'image de notre pays. Nous pouvons en revanche poser des conditions complémentaires, et réduire ou augmenter la voilure. Pour prendre un exemple, nous n'avons pas jugé nécessaire de financer les opérations de communication d'un équipement d'excellence.

S'il s'agit d'un comité de pilotage, nous le laissons faire son choix, mais je me sens très libre, ensuite, d'accepter ou de refuser ce choix.

Vous avez raison d'évoquer les études d'impact ; nous avons d'ailleurs demandé à M. Jean-Louis Levet de nous rejoindre, notamment pour réfléchir aux méthodes d'évaluation. Les projets comportent toujours une ligne budgétaire « évaluation » et, dans certains cas, nous avons prévu un versement par tranches afin de stopper immédiatement le financement si le projet s'avère être un échec. Nous nous efforçons de documenter nos critères d'évaluation et, pour ce faire, nous signerons un accord avec la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, qui nous assistera gratuitement dans cette tâche. Nous pourrons ainsi justifier précisément nos décisions, en particulier devant vous.

Mon admiration pour le CEA et son administrateur général, M. Bigot, ne suffiront pas à ce que le projet Syndièse se voie allouer un premier chèque de 200 millions d'euros suivi, si le projet prospérait, d'une trentaine d'autres chèques. Comme je l'ai dit à M. Bigot, nos autorités politiques doivent définir le prix à partir duquel le pétrole devient moins intéressant que les énergies alternatives : c'est une question stratégique majeure. Nous financerons donc ce projet, mais pas sous sa forme actuelle.

D'autres solutions que le bois doivent en effet être explorées. Pour la première fois cette année, la forêt française ne s'est pas étendue, ce qui a fait réagir des industriels. Il n'est pas dans notre intention, en soutenant un projet, de créer des difficultés à d'autres secteurs. Nous avons sur ce point engagé un débat contradictoire, auquel M. Bigot a eu l'élégance de participer. Nous tiendrons les engagements pris localement par le CEA, mais sous une autre forme.

Beaucoup de projets très intéressants concernent la biomasse et, si nous n'y prenons garde, notre pays produira plus de bioéthanol que n'en auront besoin les vingt prochaines générations. Du reste, en refusant certains projets, comme celui qui utilisait la paille, nous en avons suscité d'autres, dont un, formidable et spectaculaire, de chimie verte.

Le numérique est source de nombreuses confusions. Alors que se pose, à court terme, le problème bien réel de la couverture en haut débit, les collectivités multiplient les initiatives, le plus souvent chacune pour son compte. Il y a quelques années, on avait installé le réseau de câble en oubliant de vérifier si les prises étaient compatibles ; j'avais alors pu constater, en tant qu'expert chargé par le Gouvernement de fixer le coût de ce plan, le prix d'une telle absence de coordination. En bref, j'ai demandé si des logiciels ne pourraient assurer la compatibilité des expérimentations : on m'a répondu que oui, sauf si ces dernières se multiplient un peu partout. Il est donc urgent d'établir un schéma directeur. Au demeurant, je ne pense pas que l'on déploiera la fibre optique jusque dans toutes les fermes isolées ; c'est regrettable pour la mienne, qui se trouve en Corrèze, mais cette couverture n'est pas indispensable à mon activité d'agriculteur à temps partiel. La solution, à mon avis, est plutôt d'augmenter les capacités du réseau existant, avec le haut débit « plus ».

Les initiatives menées en Chine et aux États-Unis doivent certes nous inciter à ne pas perdre de temps, mais il est inconcevable, pour des raisons de coût, que ces deux pays soient intégralement couverts par le très haut débit. Nous avons lancé sept expérimentations, avec l'objectif de créer, par la suite, ce que les Anglo-Saxons appellent une « task force » réunissant à nos côtés les collectivités et les opérateurs.

La distinction entre les trois zones se complique si l'on considère que, même en zone 1 – à Paris, par exemple –, certains lieux sont en zone 3. L'inverse est vrai aussi ; le découpage est donc à revoir et pour cela il faut, je le répète, un plan directeur. J'aimerais être en mesure de vous en donner le coût, et vous ne manquerez sans doute pas de me le demander un jour ; mais personne n'a encore la réponse. Qui paie quoi ? C'est toute la question, à laquelle la création de sociétés d'économie mixte, au niveau local, ne permet pas de répondre. Il est en revanche tout à fait clair que l'on envisage de mettre à contribution les grands opérateurs, tels France Télécom ou SFR, mais pas les grands bénéficiaires, comme Google : la communauté des internautes n'acceptera pas cette situation. En engageant les négociations sur la base d'un schéma clair, on évitera donc beaucoup de frustrations.

Dans le domaine du numérique, si c'est la Caisse des dépôts qui apporte l'argent, les deux opérateurs sont conjointement, aux termes de la loi, le ministre chargé du numérique et le Commissaire général à l'investissement. Il existe par ailleurs des projets fascinants dans la recherche de systèmes innovants, mais, là aussi, nous refusons la logique des subventions. Je ne puis à cet égard qu'applaudir aux déclarations de M. Frédéric Mitterrand devant votre assemblée, selon lesquelles le principe du retour sur investissement doit aussi s'appliquer à la culture. Si, par exemple, le budget alloué à la numérisation du patrimoine de la Bibliothèque nationale de France se révèle insuffisant, l'opération restera inachevée. Est-il inconcevable qu'un internaute ayant accès à ce patrimoine depuis son ordinateur, et qui s'épargne ainsi un déplacement, paie pour cela l'équivalent d'un ticket de métro, voire de trois s'il imprime les documents ? En plus de créer de la valeur, cette solution assurerait la réalisation du projet jusqu'à son terme. La même logique peut d'ailleurs s'appliquer au cinéma. Nous avons ainsi référencé une dizaine d'instruments financiers permettant de transformer les subventions en co-investissements.

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