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Intervention de Christian Noyer

Réunion du 18 janvier 2011 à 11h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France :

Je ne suis pas venu devant vous pour défendre les banques, mais pour vous faire partager mes convictions de la manière la plus objective possible.

On peut trouver des justifications pour considérer que l'épargne qui fait l'objet d'une défiscalisation devrait intégralement être centralisée et que, pour abaisser le coût de cette ressource, il faut fixer le niveau de commission aussi bas que possible. On pourrait ainsi, c'est un exemple, décider un taux de centralisation de 100 % et fixer la commission à 0,3 %. Nous aurions, sur le papier, des ressources abondantes pour la Caisse des dépôts, avec un coût très faible. Mais cela ne durerait pas longtemps. Il est de l'intérêt de la mission que vous avez confiée à la Caisse des dépôts de trouver le bon équilibre et il est délicat de trouver les bons paramètres.

Ce qui inquiète les nouveaux distributeurs est de devoir faire la différence avec les réseaux historiques qui vont converger vers le taux de centralisation quel qu'il soit.

Plus on allonge la durée de la convergence, plus on protège un taux de rémunération minimal et mieux on accroît les chances de disposer d'une ressource convenable.

Sur quel dénominateur faut-il raisonner ? Dans les années 1980, l'État, sous l'impulsion d'un certain nombre de ministres, dont Pierre Bérégovoy, avait souhaité concentrer le financement sur le logement social, considérant que, pour garantir la pérennité du circuit, il ne fallait pas multiplier les emplois possibles. On a donc incité à l'époque les collectivités territoriales à faire appel au marché pour se financer. Si la collecte devait à l'avenir s'avérer insuffisante, nous n'aurions pas le choix : il faudrait bien aller chercher des ressources sur le marché.

La Représentation nationale doit s'interroger pour savoir s'il faut augmenter le nombre d'emplois possibles de la ressource, quitte à prendre le risque de ne plus parvenir à équilibrer le système, ou s'il vaut mieux restreindre volontairement les emplois pour garantir le plus longtemps possible un financement adéquat à partir des livrets défiscalisés. Il s'agit d'un choix politique.

Existe-t-il d'autres formes d'épargne que les banques vont chercher à remettre en dépôt dans les bilans ? La réponse est positive. Les nouvelles règles de liquidité vont les amener à tenter de rapatrier des encours de Sicav monétaires, ainsi qu'une fraction de l'assurance-vie, en dépôts bancaires. Mais les rémunérations devront être plus généreuses, ce qui risque de concurrencer les livrets défiscalisés.

C'est la raison pour laquelle je suis convaincu que, pour défendre la Caisse des dépôts contre les risques de déplacement des volumes d'épargne, la prudence s'impose.

Certes, exposer les banques au risque de devoir centraliser davantage à un moment de tension constituerait un risque fort. Mais cela signifierait qu'il y aurait eu une diminution de la collecte et que la ressource des épargnants serait allée sur d'autres supports d'épargne dans le bilan des banques, favorisant leur situation.

Surtout, les banques ne vont pas attendre le dernier moment pour se conformer aux règles. Des ajustements sont à prévoir en 2011 et 2012, ce qui permettra de constater assez rapidement l'évolution des encours sur les différents supports d'épargne, réglementés ou pas. Le cas échéant, les pouvoirs publics pourront essayer d'infléchir les tendances.

Je n'ai pas connaissance d'un calcul scientifique qui détermine le seuil de 125 % auquel a fait allusion M. de Courson. Ce ratio est un seuil de prudence raisonnable fixé par la loi, qui laisse une marge de sécurité permettant de contrer un éventuel mouvement de décollecte. Dès lors que ce seuil est considéré comme un minimum, instaurer un seuil d'alerte à un niveau un peu plus élevé me paraît être une bonne idée. Il permettrait aux principaux acteurs d'observer si les banques modifient spontanément leur politique de distribution ou s'il est nécessaire d'intervenir par décret.

Je ne peux que confirmer ce qu'a dit M. Michel Bouvard au sujet du PEL et du CEL : ce sont des paramètres qui ont toute leur importance et qui vont aider les banques à dégager un bilan plus conforme aux futures règles de liquidité.

Je me souviens parfaitement de l'action de la Caisse des dépôts pendant la crise : elle a été extrêmement appréciée. Cela étant, à un moment où les entreprises n'étaient pas sûres de voir se renouveler leurs lignes de crédit et hésitaient à continuer à déposer leurs avoirs dans les banques, l'essentiel de l'aide en liquidité qu'a reçue le système bancaire a résulté d'abord d'une action conjuguée de l'eurosystème qui a complètement modifié ses mécanismes de refinancement, ensuite de l'État qui a permis d'apporter des ressources de long terme à une période où les marchés, notamment celui des obligations foncières, étaient fermés, enfin de l'action de la Caisse des dépôts et consignations qui a donné un « coup de pouce » important et immédiat parfaitement opportun.

Mes propos ne se veulent surtout pas une critique ni des mécanismes ni de l'action de la Caisse des dépôts. Mon seul souci est que les paramètres fixés soient suffisamment prudents pour que la collecte ne recule pas. En effet, entre la fin 2008 et la fin 2010, l'épargne réglementée a connu un effritement non négligeable puisqu'elle est passée de 21,5 % de l'épargne des ménages à 20,3 %, notamment en raison du développement très rapide de l'assurance-vie. Mais cette dernière forme d'épargne constitue une source de financement long qui peut être prêté ensuite aux collectivités territoriales, à l'État, aux entreprises pour leurs investissements.

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