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Intervention de Jean-Pierre Brard

Réunion du 20 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Après l'article 11, amendement 143

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Brard :

Vos propos étaient clairs en effet, monsieur le rapporteur, et c'est pourquoi vous avez rejeté nos amendements. Alors qu'ils auraient dû être votés pour l'image de notre pays à l'étranger, pour que la France retrouve son rayonnement, celui qui jaillit de la France éternelle depuis 1789. Certes, il a connu des ombres, en particulier à partir de 2002, avec Nicolas Sarkozy au ministère de l'intérieur et à quelques autres fonctions depuis lors.

J'en viens à l'amendement. Il précise que, lorsque les conditions de la garde à vue sont réunies, l'officier de police judiciaire peut très bien ne pas prononcer cette mesure qui ouvrirait le droit, pour la personne mise en cause, d'avertir son employeur ou un proche, et de bénéficier de l'assistance d'un avocat et d'un examen médical. Les policiers pourront donc entendre la personne suspectée sans que celle-ci ait le moindre droit – si je me trompe dans l'interprétation de votre amendement, monsieur le garde des sceaux, démontrez-le-moi. Il est vrai que sa déposition ne pourra pas être le seul fondement de sa future condamnation. Mais cette prévention tombe d'elle-même puisque les conditions de la garde à vue étant supposées réunies, il existe déjà plusieurs raisons plausibles de suspecter la personne.

La procédure introduite par le présent amendement est particulièrement dangereuse parce qu'elle n'ouvre aucun droit et n'est pas limitée dans le temps. Le fait que la personne ainsi entendue soit libre de quitter les locaux de la police ne lui est même pas mentionné, ce qui laisse augurer des pressions, des intimidations éventuelles ou des techniques dilatoires diverses de la part des enquêteurs pour la retenir et lui soutirer un maximum d'informations. Les personnes qui ne connaissent pas les procédures et l'état du droit seront lésées. Rien n'est fait pour leur garantir un droit effectif de quitter les locaux.

De plus, l'absence d'un avocat fait perdre aux personnes entendues tous les bénéfices en termes de conditions des auditions. Est-ce qu'elles seront réalisées dans le respect de la dignité de l'accusé ? Qui pourra garantir que celui-ci n'a pas subi de pressions ? De même, si les auditions effectuées sous ce régime sont longues, cela ne permet à la personne mise en cause ni de bénéficier d'un examen médical, ni de prévenir son employeur et un de ses proches, ni d'être assistée par un avocat, ni même de s'entretenir avec lui avant les interrogatoires ou d'avoir accès au dossier.

L'argument selon lequel des procédures d'audition sans garde à vue existent déjà n'est pas pertinent, car il entre en contradiction avec l'injonction de la CEDH selon laquelle nul ne doit pouvoir s'incriminer lui-même sans l'assistance d'un avocat. C'est d'ailleurs explicitement ce qu'admet le rapport : l'audition libre « n'est pas compatible avec les exigences conventionnelles dans la mesure où elle ne prévoit pas de notification des droits de la personne ni son assistance par un avocat ». Autant d'exigences qui ne sont pas respectées par le présent amendement.

J'ajoute que son adoption fragiliserait considérablement le projet de loi au regard de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme.

Nous préconisons donc le rejet de l'amendement du Gouvernement.

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