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Intervention de Serge Letchimy

Réunion du 12 janvier 2010 à 10h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur :

Nous vivons un moment important pour les départements et les régions d'outre-mer, mais aussi pour la nation elle-même. En effet, tout visiteur passant en Martinique, en Guadeloupe ou en Guyane peut constater à quel point la situation du logement y est inacceptable. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité participer aux débats menés sur le sujet, mais aussi répondre, en avril 2009, à la demande des ministres de la santé, du logement, de l'outre-mer et de l'intérieur de réaliser une étude sur l'habitat indigne et insalubre. En tant qu'urbaniste de profession, je ne pouvais en effet refuser.

Avec l'aide d'experts comme Mme Nancy Bouché, qui m'accompagne aujourd'hui, et de représentants de l'administration centrale, j'ai donc fait le point sur la situation du logement insalubre en Martinique, à la Réunion, en Guyane et en Guadeloupe. Puis, à la demande du ministère de l'outre-mer, la problématique a été étendue à Mayotte et à Saint-Martin. Le président Patrick Ollier a bien voulu que je présente les conclusions de mon rapport devant cette Commission, le 14 octobre 2009.

Une autre raison pour laquelle il s'agit d'un moment important, c'est que les questions relatives à l'outre-mer sont souvent examinées en annexe des textes de loi. Aujourd'hui, nous abordons un texte de fond, le premier peut-être depuis la loi organique pour le développement économique de l'outre-mer (LODEOM).

La proposition de loi met plus particulièrement en exergue trois problématiques. Tout d'abord, celle du droit au logement dans les territoires d'outre-mer, sachant qu'il se pose également au niveau national, puisque la France compte 3 millions de mal-logés et que la solidarité nous impose de traiter globalement de la question de l'habitat indigne, au moyen d'opérations d'ampleur – comme en métropole dans les années soixante-dix –, mais aussi de façon continue.

La deuxième problématique est, en dehors de l'habitat informel, celle de l'habitat indigne imposé dans les pays d'outre-mer.

Enfin, il se pose un problème d'équité et de justice sociale. En effet, à partir du moment où la question du logement se pose avec une telle ampleur, les conséquences se font sentir sur la vie humaine, dans l'éducation, la santé, etc.

Nous avons relevé entre 50 000 et 60 000 maisons relevant de l'habitat informel et précaire en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion, dont une grande partie peut être qualifiée de totalement indigne. Cela représente 10 à 12 % du patrimoine bâti de chaque département – et même 20 % en Guyane où le rythme de bidonvilisation s'est accéléré en raison de l'immigration provenant du Brésil et du Surinam voisins. À Mayotte, la situation est encore plus grave : 40 % de l'habitat est considéré comme précaire – soit 23 000 logements. En incluant cette collectivité d'outre-mer, on peut donc estimer à 83 000 le nombre de logements indignes, abritant environ 200 000 personnes – soit l'équivalent de la population de la Guyane. Une grande part – 80 à 90 % – de l'habitat précaire constitue de l'habitat informel, c'est-à-dire autoconstruit, sans permis, et dans 85 % des cas sur le terrain d'autrui. C'est pourquoi nous avons voulu préciser dans le texte la notion d'habitat informel et celle d'habitant sans droit ni titre.

La proposition de loi est rendue nécessaire par une situation de blocage. En effet, certaines opérations d'urbanisme comme celle qui concerne en Guadeloupe le quartier de Boissard durent depuis vingt-sept ans ; d'autres, comme Volga plage ou Texaco en Martinique, depuis vingt-cinq ans. Il faut en moyenne douze à quinze ans pour réaménager un ensemble de 400 logements. À ce rythme, nous n'aurons pas réglé le problème dans deux cents ans !

Une telle situation conduit à une paupérisation dans la paupérisation, à la relégation urbaine au sein même de la ville. Dans ces sous-quartiers informels, les habitants n'ont aucun titre, ils ne peuvent ni transmettre leur logement, ni le vendre, ni le louer dans de bonnes conditions, alors que la construction est réalisée depuis dix, vingt, voire quarante ans.

En droit, la propriété du sol l'emporte sur ce qui est au-dessus. C'est le coeur du problème. À cet égard, les situations juridiques sont extrêmement variées. Une grande partie des constructions sans droit ni titre – entre 70 et 80 % – occupent des terrains publics, qu'ils appartiennent à l'État, à la commune, au département ou à la région. D'autres sont situées sur des terrains privés, soit que le terrain ait été donné en location à des personnes ayant construit un bâtiment dessus, soit qu'il soit illégalement occupé. Par ailleurs, dans certains quartiers, on observe une évolution de l'autoconstruction vers la location de résidences principales. Des commerces de proximité sont également présents.

Un paradoxe est que de nombreuses personnes ayant bâti sur le terrain d'autrui payent régulièrement, non seulement la taxe d'habitation, mais aussi la taxe sur le foncier bâti, alors qu'ils ne sont pas propriétaires.

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