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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 11 janvier 2011 à 15h00
Hommage de l'assemblée — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Vous faites exactement l'inverse dans la loi organique que vous nous proposez ! Ce projet est non seulement décevant mais inquiétant parce que vous nourrissez un arbitraire que nous essayons, avec nos moyens, de combattre.

Pourquoi votre loi organique est-elle décevante ? Parce qu'elle est en retrait des propositions du comité Balladur.

Pour justifier le consensus possible et rendre à César ce qui est à César, je rappelle que la première proposition de loi constitutionnelle n'a pas été déposée à l'Assemblée nationale mais au Sénat – une assemblée que vous connaissez bien, monsieur le ministre –, le 12 juillet 2007, par le président du groupe socialiste, Jean-Pierre Bel.

Rendons-lui cette paternité. Le 8 février 2007, avant même de déposer la proposition de loi, il avait proposé de « transformer le médiateur de la République en Défenseur du peuple, doté d'un statut constitutionnel. »

Cela étant, le comité Balladeur avait fait une proposition très intéressante que vous avez abandonnée : la saisine du Conseil constitutionnel par le Défenseur des droits dans les conditions prévues à l'article 61 de la Constitution.

Ce contrôle a priori de la constitutionnalité des lois apparaissait pourtant comme un pouvoir très intéressant dont disposent les human rights ombudsmen qui existent à l'étranger : le Défenseur du peuple espagnol, le chancelier du droit estonien, l'avocat du peuple roumain et le procureur de la justice portugais. Tous possèdent ce pouvoir suivant des modalités diverses et nous disent qu'il constitue un outil essentiel de leur action. Et l'introduction dans notre système juridique de la question prioritaire de constitutionnalité ne fait pas perdre son intérêt à une telle disposition.

Refuser de donner ce pouvoir au Défenseur réduit donc substantiellement son rôle, d'autant qu'il peut exister, comme le souligne Olivier Schrameck dans sa contribution au rapport Balladur – et comme nous le savons bien – des « arrangements politiques qui expliquent que telle ou telle loi, bien que posant des problèmes juridiques, ne soit pas soumise au Conseil constitutionnel ».

Selon la Défenseure du peuple espagnole, le fait de pouvoir saisir le tribunal constitutionnel espagnol est l'un de ses moyens les plus efficaces. Il est donc très décevant de ne plus retrouver cette possibilité dans votre projet de loi organique.

Votre texte est d'autre part inquiétant du fait de la nomination du Défenseur des droits par le Président de la République. Je sais bien que nous ne pouvons en débattre à nouveau : c'est inscrit dans la Constitution. Mais ce n'est pas ce que proposait le comité Balladur. Celui-ci envisageait de faire élire le Défenseur par l'Assemblée nationale statuant à la majorité des trois cinquièmes. Ce n'était pas très original, puisque c'est le mode de désignation utilisé dans les autres parlements, mais c'est très efficace.

Monsieur le rapporteur, vous avez fait référence, dans votre intervention, à l'audition de Mme Maria Luisa Cava de Llano, la Défenseur du peuple espagnol, et souligné le fait qu'elle a déclaré être compétente de par les recommandations qu'elle émet. Elle a également précisé – j'assistais comme vous à cette audition – qu'elle tirait sa force de son élection par les Cortes Generales. Ancienne députée du parti populaire espagnol, c'est-à-dire du parti conservateur espagnol, elle a été élue aussi par les députés du PSOE, le parti socialiste ouvrier espagnol, si bien que, quand elle s'adresse au pouvoir exécutif, elle a la légitimité du Parlement derrière elle.

Ce mode de nomination conduit à une obligation du consensus qui garantit, sinon l'objectivité, du moins l'indépendance ou, en tout cas, la crédibilité de l'institution. L'homme ou la femme qui obtient ainsi la confiance ne peut être qu'une personnalité dotée d'une influence morale de nature à transcender les clivages partisans.

Vous n'avez pas eu cette audace. Vous avez préféré le confort d'une nomination présidentielle, ce qui fait douter de l'autonomie du Défenseur vis-à-vis du pouvoir. Peut-être vous faisons-nous un procès d'intention, mais notre inquiétude vient de ce qu'il vous est arrivé de nommer des personnalités dont l'indépendance est discutable.

Vous avez ainsi fait appel à un ancien secrétaire général du RPR pour présider la commission sur le redécoupage. Vous avez nommé une ancienne députée de l'UMP pour présider la HALDE et, dernièrement, vous avez fait rentrer au Conseil constitutionnel deux anciens parlementaires de votre majorité qui réunissent certes d'éminentes qualités, mais dont la caractéristique première était l'engagement.

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