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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 21 décembre 2010 à 16h45
Commission de la défense nationale et des forces armées

Alain Juppé, ministre d'état, ministre de la défense et des anciens combattants :

Je suis complètement d'accord avec vous, madame Lebranchu : la défense nationale, ce sont des hommes et des femmes, et le moral des troupes est absolument essentiel. Je voudrais à ce stade tirer un coup de chapeau à l'institution militaire. Alors qu'on dit souvent que la France est incapable de se réformer, voilà un corps qui depuis quinze ans fait preuve d'une capacité d'adaptation extraordinaire. Interrogés dans le cadre d'une enquête lancée par mon prédécesseur, les deux tiers des personnels d'encadrement ont exprimé leur adhésion aux objectifs de la réforme – tout en considérant qu'elle était difficile à mettre en oeuvre. Cette adhésion se traduit par une grande efficacité, puisque la réforme n'a pas pris de retard : nous sommes même un peu en avance sur son calendrier.

Je ne veux pas dire par là qu'elle se déroule dans la sérénité la plus totale et sans difficulté, et j'ai conscience qu'elle suscite les interrogations de beaucoup de militaires, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il y a peu, alors que je présidais le Conseil supérieur de la fonction militaire, j'ai été interrogé sur l'impact de la réforme des retraites sur la condition militaire, sur la mobilité que la fermeture de certaines unités leur impose, et dont je sais qu'elle peut être extrêmement douloureuse pour les militaires et leurs familles. Il faut, dans ces conditions, faire preuve d'une très grande attention à leur égard, et trouver des réponses aux problèmes matériels. Je me suis ainsi engagé à prendre quelques mesures, telles que l'allocation d'une indemnité compensatrice afin d'assurer la transition avec l'allongement à dix-sept ans de la durée de service nécessaire pour l'obtention d'une pension. J'ai par ailleurs entamé un dialogue avec les organisations représentatives des personnels civils du ministère.

En ce qui concerne la prise en charge de nos soldats blessés, je peux vous dire que nous sommes vraiment exemplaires. Nous avons le devoir absolu de n'en laisser tomber aucun et de les accompagner, ainsi que leurs familles, dans leur reconversion. Ma visite à l'hôpital Percy m'a permis de constater, avec surprise et admiration, que beaucoup d'entre eux, même mutilés, voulaient repartir au combat. Notre devoir est de trouver des postes adaptées à leur situation, dans les armées ou à l'extérieur. En ce domaine, notre dispositif est assez performant, et je veillerai à ce qu'il le demeure.

Je suis toujours frappé de trouver les gardiens les plus vigilants de la doctrine gaulliste au parti socialiste ! Je voudrais d'abord, monsieur Michel, rétablir un point d'histoire : je n'ai pas exprimé, il y a deux ans, une opposition de principe au retour de la France dans le commandement intégré de l'OTAN, d'autant que c'est une démarche que j'avais moi-même entreprise en d'autres temps ; j'ai simplement douté que toutes les conditions fussent réunies. Je pense aujourd'hui que nous avons pris la bonne décision : nous n'avons rien perdu de notre capacité d'indépendance, notamment dans le domaine de la dissuasion nucléaire, et nous avons en outre obtenu des postes de responsabilité dans l'Alliance qui nous permettent de nous exprimer. J'ai pu constater à Lisbonne que le Président de la République était écouté dans le Conseil de l'Atlantique Nord. Certes c'était déjà le cas auparavant, mais je crois que notre présence à l'intérieur de cette instance nous donne encore plus de poids.

Je partage en partie votre sentiment sur la défense européenne. Je ne dirais pas cependant que nous n'avons fait aucun progrès depuis 1995 : l'Union européenne dispose aujourd'hui des groupements tactiques d'intervention, unités de 1 500 militaires théoriquement prêtes à intervenir.

Je pense par ailleurs que c'est notre retour dans les structures intégrées de l'Alliance qui, en recréant un climat de confiance avec nos partenaires britanniques, a permis la signature du traité franco-britannique. Certes, il y a encore beaucoup de progrès à faire. L'Agence européenne de défense est embryonnaire. À Bruxelles, il y a dix jours, nous avons été obligés de nous rallier à la position de consensus, qui n'était pas favorable à une augmentation des crédits de l'Agence, les Britanniques n'étant pas disposés à la financer davantage. Cependant, un directeur exécutif devrait être nommé à la tête de l'Agence dans les prochains jours – j'espère qu'il s'agira d'une Française : Mme Arnould. En outre, les pays du Triangle de Weimar ont adressé à Mme Ashton une lettre par laquelle nous lui demandons de s'investir davantage et de faire en sorte en particulier que l'Agence européenne de défense puisse être un instrument de la mutualisation ainsi que du partage des charges et des compétences auxquels nous n'échapperons pas.

Même si vous ne partagez pas mon enthousiasme, monsieur Michel, je considère que je n'ai pas mangé mon chapeau !

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