Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-Pierre Marcon

Réunion du 21 décembre 2010 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Marcon :

Sur le sujet de la responsabilité, il y a beaucoup à dire. L'innovation a commencé en 1972, avec l'institutionnalisation de la responsabilité de l'État du fait des services judiciaires. C'était un grand progrès car le système traditionnel permettait, en théorie, la mise en cause individuelle du magistrat par la voie – qui n'aboutissait jamais – de la prise à partie, mais pas celle de l'État.

Un deuxième pas a été accompli par le législateur organique en 2007 lorsqu'il a créé, dans l'émotion qui a légitimement suivi l'affaire d'Outreau, une nouvelle sanction disciplinaire – l'interdiction d'exercer des fonctions à juge unique pour une durée maximale de cinq ans –, augmenté le nombre de sanctions disciplinaires pouvant être assorties du déplacement d'office et fait prévaloir la nécessité de mettre au point un recueil des obligations déontologiques des magistrats.

Un troisième pas, je pense, va être accompli par le Conseil supérieur de la magistrature, dans des conditions qui n'ont pas d'équivalent dans le passé de notre pays et qui font la part belle aux personnalités extérieures au corps judiciaire. Celles-ci, désormais majoritaires, sont censées être davantage à l'écoute de la société et moins sensibles à des préoccupations corporatives. Sur ce plan, tout est à faire ; il m'est donc difficile de donner des détails sur ce qui pourrait être fait, mais c'est à mon avis l'une des fonctions les plus importantes qui attendent les membres du nouveau Conseil supérieur.

À l'époque de la IIIe République, on ne peut pas dire que le magistrat était moins critiqué qu'aujourd'hui : je crois au contraire qu'il l'était beaucoup plus. On ne peut pas dire qu'il était plus indépendant : je crois au contraire qu'il l'était beaucoup moins. Il faudrait, bien sûr, nuancer le propos selon les périodes et les catégories de magistrats mais, d'une façon générale, la proximité extrême du magistrat avec le monde politique ne le mettait pas à l'abri des critiques quant à son indépendance. Cette proximité venait de son statut, qui restait celui voulu par Napoléon. On parlait beaucoup de réforme de la justice, mais finalement celle accomplie par la loi de 1883 n'était pas une réforme profonde. Du point de vue statutaire, le juge souffrait dans son indépendance, par exemple des multiples échelons pour l'avancement. En effet, pour être indépendant, il faut n'avoir rien à demander : ni décorations, ni avancement, ni primes, ni indemnités. Cet héroïsme n'a jamais pu être le fait des juges, tout simplement parce qu'il n'a jamais pu être le fait de quiconque.

Sous la IIIe République, les critiques à l'égard de la magistrature n'étaient pas seulement formulées par des écrivains de gauche ou d'extrême gauche contestant le système existant, comme Anatole France. Elles le furent sur tous les bancs, à toutes les époques. Je vous renvoie à la pièce d'Eugène Brieux, La Robe rouge, extrêmement sévère pour la magistrature. Ce décri était-il justifié ? Je me garderai bien de répondre à cette question.

Quoi qu'il en soit, nous sommes aujourd'hui dans un tout autre contexte. Le statut est beaucoup plus protecteur de l'indépendance de la magistrature. Toutes les réformes qui sont intervenues depuis maintenant bien des années vont dans le même sens et tendent à conforter cette indépendance, qui ne doit pas être non plus comprise comme incompatible avec la responsabilité. Il ne peut pas s'agir d'une responsabilité civile, même si, en théorie, elle pourrait être envisagée par le biais d'une action récursoire. Il peut s'agir dans certains cas, que l'on peut supposer exceptionnels, d'une responsabilité pénale. Mais il s'agit surtout d'une responsabilité disciplinaire. Voilà pourquoi le rôle du Conseil supérieur de la magistrature sera si important à partir du mois de janvier prochain.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion