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Intervention de Jean Hue

Réunion du 9 décembre 2010 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jean Hue, directeur adjoint chargé du contentieux et du contrôle de l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, URSSAF de Paris et de la région parisienne :

Je vous donne un autre exemple précis. Une société de gardiennage avait son siège social de 150 mètre carrés environ près de la Gare de Lyon, à Paris. Avec une secrétaire, une triple comptabilité, 200 ou 300 employés dispersés sur différents sites, la vitrine était parfaitement légale. Constituée sous forme de société à responsabilité limitée (SARL), elle comprenait différents associés – dont des personnes physiques mais… de paille ainsi qu'une entité juridique de droit allemand. Proposant des prix plus qu'attractifs, elle obtenait des marchés importants auprès de différentes collectivités locales ou de services publics : si l'ensemble du personnel était déclaré, la fraude consistait à verser une rémunération en espèces – provenant de la drogue et de la prostitution – en complément du salaire officiel. Les salariés s'estimaient ainsi gagnants puisqu'ils étaient socialement protégés tout en bénéficiant d'une rémunération défiscalisée.

Nous avons donc adressé un procès-verbal de travail illégal à l'entreprise mais la procédure a été systématiquement contestée par des cabinets d'avocats. Les grands fraudeurs se livrent souvent à des procédés d'intimidation via des interventions multiples et variées – y compris, je dois vous le dire, en faisant appel à des parlementaires qui ne savent pas vraiment à qui ils ont à faire. Ne disposant pas de titre exécutoire ni de preuve de la cessation des paiements, nous avons en l'occurrence pris l'initiative, avec le procureur adjoint de Paris, d'assigner en liquidation judiciaire la société. Le jour de l'audience, l'avocat de la partie adverse nous a indiqué que notre assignation visait une société qui n'existait plus en raison d'une transmission universelle de patrimoine ! Les associés s'étaient réunis et avaient transféré toutes les parts dans la société – fictive – de droit allemand. Qui détient donc réellement les fonds ? Nous l'ignorons mais sans doute sont-ce les mafias des ex-pays de l'Est.

Quoi qu'il en soit, même si la publicité de cette transmission a été faite dans L'Auvergnat de Paris sans que nous formions opposition, nous avons développé un certain nombre d'arguments juridiques – fraus omnia corrumpit – et nous avons été suivis par le tribunal de commerce, ce dernier ayant donc considéré que la transmission universelle de patrimoine était frauduleuse. À ce jour, nous ne disposons toujours pas de titre exécutoire et nous ne pouvons récupérer auprès des clients les factures qui n'ont pas été réglées même si j'ai bon espoir que cela se fera. J'ajoute, à ce propos, que si les fraudeurs répugnent à disparaître purement et simplement pour recréer ensuite une nouvelle société c'est que, précisément, des sommes très importantes ne leur ont pas été versées par leurs clients – que nous avertissons. La société allemande essaye donc aujourd'hui de les récupérer. Moralité, si vous me passez l'expression : la mafia n'abandonne jamais de l'argent.

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