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Intervention de François Gin

Réunion du 9 décembre 2010 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

François Gin, directeur général de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole :

Comme vous le savez, la Mutualité sociale agricole gère l'ensemble des branches de la protection sociale pour la population agricole, salariée ou non salariée : c'est un guichet unique. À ce titre, elle détient dans une seule base de données l'ensemble des informations permettant d'identifier les bénéficiaires, d'appeler les cotisations et de verser les prestations, en matière de santé, de famille ou de retraite. Une première originalité du régime de la Mutualité sociale agricole par rapport au régime général est donc qu'il n'est pas nécessaire, pour opérer certains contrôles ou vérifications, de croiser différents fichiers entre eux.

Il s'agit non seulement d'un régime unique, mais aussi d'un régime « fermé » : pour relever du régime agricole, il faut remplir des conditions précises en termes d'activité professionnelle. Un premier filtre est donc appliqué dès le départ quant à l'identification des bénéficiaires.

La caisse centrale joue un rôle primordial dans le pilotage et le contrôle des politiques concernant l'ensemble du réseau. Elle n'exerce toutefois ces responsabilités que depuis les trois dernières lois de financement de sécurité sociale que vous avez votées, pour 2008, 2009 et 2010. Nous sommes donc dans une phase de transition. Jusqu'à présent, les dirigeants d'organisme étaient plutôt préoccupés par des questions de délais à respecter, de prestations de services ou d'accompagnement de personnes en difficulté – notamment quand une filière agricole était confrontée à une catastrophe économique ou naturelle. La Mutualité sociale agricole doit désormais assimiler une nouvelle culture et comprendre la nécessité d'établir des contrôles internes, des actions de vérification et de lutte contre la fraude. Nous nous sommes donc organisés en conséquence.

En 2008, nous avons mis en place une direction de l'audit, dont l'objectif était de mettre en oeuvre les actions sur l'ensemble du réseau pour que nos comptes soient certifiés. Comme vous le savez, ils ne l'ont pas été jusqu'à présent. Alors que, pour le régime général, la nouvelle procédure en matière de certification a été instituée par un texte de 1993, en ce qui nous concerne, les règles n'ont été connues qu'en 2003. En matière de contrôle interne, nous avons donc un retard de dix ans à rattraper. Nous nous y employons, notamment avec le concours des commissaires aux comptes qui nous suivent.

En 2009, nous avons mis en place une direction de la maîtrise des risques, pilotée par Mme Françoise Vedel. Elle comprend deux pôles, l'un concernant le contrôle interne, l'autre regroupant – pour être en phase avec les structures nationales comme la Délégation nationale à la lutte contre les fraudes (DNLF) – la lutte contre le travail illégal et la lutte contre la fraude.

En ce qui concerne la prévention, nous avons créé en 2009 un dispositif de contrôle interne et d'actions de « parade » : nous avons identifié les fraudes et recensé les actions possibles pour les éviter. Nous avons également établi un guichet unique virtuel, équivalent du répertoire national des bénéficiaires (RNB). Ainsi, n'importe quel agent de n'importe quelle caisse de la Mutualité sociale agricole peut aujourd'hui savoir si un assuré bénéficie d'une prestation déjà versée par une autre caisse. Ce dispositif ne concerne pour l'instant que la branche Famille, mais il sera progressivement étendu aux autres branches.

En 2009, nous avons également lancé une expérimentation concernant le paiement des indemnités journalières. Aujourd'hui, l'assurance maladie effectue ce paiement à partir d'une attestation de salaire délivrée par l'employeur, mais nous avons, nous, la possibilité de consulter nos bases afin de connaître, sans attendre de recevoir l'attestation, les déclarations trimestrielles effectuées par les employeurs pour chaque salarié concerné.

Nous avons également organisé un échange de données avec Pôle Emploi. Ce n'était pas une première, puisque nous procédons depuis fort longtemps au recouvrement des cotisations des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC). Toutefois, cette démarche d'échanges reste à approfondir.

En matière de formation, nous avons, avec le concours de la Délégation nationale à la lutte contre les fraudes, formé cent trente personnes sur les sujets traités habituellement par la direction nationale, comme la fraude documentaire ou les poursuites pénales. Par ailleurs, une trentaine de stagiaires ont bénéficié de formations propres à la Mutualité sociale agricole sur des dispositifs nouveaux relatifs notamment au droit de communication ou à la prise en compte des éléments du train de vie. Notre objectif est de former des formateurs, de façon à placer autant de relais au sein des différentes caisses.

En incluant le travail illégal, le montant de la fraude représentait 8 millions d'euros en 2009. Ce chiffre est relativement stable par rapport aux années précédentes. Notre objectif – nous le négocions dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion – est bien entendu d'améliorer la détection des fraudes. Jusqu'à présent, notre organisation – et même notre système d'information – ne permettait pas d'être exhaustif. Par exemple, dans le cadre du contrôle de la tarification à l'activité (T2A), des rappels importants sont chiffrés par l'Assurance maladie, tous régimes confondus : je ne suis pas certain que les caisses de Mutualité sociale agricole concernées aient le réflexe de faire remonter les renseignements nous concernant.

Des procédures ont été engagées devant des juridictions pénales ou civiles en fonction des branches concernées. Je pourrai y revenir en détail si vous le souhaitez.

Notre plan pour 2010 s'inscrit dans le prolongement des actions effectuées en 2009. Nous souhaitons ainsi poursuivre les échanges de fichier entre la Mutualité sociale agricole et Pôle Emploi et avoir un accès intégré aux données des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC). En 2010, nous avons également fait partie des premiers régimes à alimenter le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS). Par ailleurs, nous avons prévu un certain nombre d'actions relatives à la domiciliation bancaire ou postale ou concernant la fraude à la résidence. Nous avons demandé aux caisses de vérifier plus précisément la situation des individus ayant changé de relevé d'identité bancaire (RIB) plus de six fois dans l'année ; de comparer les noms des bénéficiaires des paiements avec celui figurant sur les relevés d'identité bancaire ; de vérifier les adresses comportant la mention « chez Untel » ; de contrôler l'utilisation d'un même relevé d'identité bancaire pour des allocataires différents ; de croiser les données concernant les relevés d'identité bancaire avec nos propres informations ; d'opérer des vérifications complémentaires lorsque des virements sont effectués à l'étranger. Nous allons par ailleurs généraliser l'accès au fichier des comptes bancaires et assimilés (FICOBA). Enfin, en 2010, nous avons commencé à étudier la situation des retraités âgés pour lesquels il n'y a pas eu versement de prestations maladie au cours de l'année ou au cours des années précédentes ; certains cas mériteraient un approfondissement, voire une procédure de recouvrement d'indus.

Pour prévenir la fraude interne, c'est-à-dire une fraude qui serait effectuée au bénéfice du personnel de la Mutualité sociale agricole ou de ses administrateurs, l'agent comptable a adressé aux agents des caisses un plan de vérification réclamant qu'un contrôle précis et plus dense soit opéré sur les dossiers du personnel.

Bien entendu, nous poursuivrons le partenariat avec la Direction nationale de la lutte contre les fraudes et avec la Direction de la sécurité sociale.

Nous poursuivons également les actions de lutte contre le travail illégal en appelant les caisses à porter une attention particulière sur trois types d'entreprises : celles qui déclarent le même jour un salarié et un accident du travail ; celles qui se déclarent prestataires de services après qu'on leur a refusé une immatriculation ; et les entreprises à activité saisonnière qui présenteraient de fortes variations dans leurs déclarations de main-d'oeuvre.

En termes de prévention, nous avons travaillé sur la qualité de l'identification des adhérents et des entreprises. Plus nous l'améliorerons en amont, plus nous limiterons le risque d'anomalies, voire de fraude.

Enfin, en 2010, la caisse centrale, en tant que tête de réseau, s'est appliquée à renforcer l'accompagnement des trente-cinq caisses locales, notamment en ce qui concerne la qualification de la fraude. Il importe que tous les régimes adoptent la même approche en ce domaine.

Nous avons également lancé des actions de communication dans plusieurs directions : vers nos agents ; vers les professionnels, pour rappeler aux employeurs les démarches à accomplir et les points de vigilance à respecter ; vers les particuliers. À partir de 2011, nous agirons en direction des partenaires opérationnels et institutionnels.

Je terminerai en revenant sur un dossier qui a défrayé la chronique, celui du rachat des cotisations retraite. À la suite d'une inspection menée en 2008 par l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), l'agriculture et son régime de protection sociale ont été injustement mis en cause. Je ne prétends pas que le régime agricole est à l'abri de toute critique, mais comme l'ont montré les opérations de contrôle menées ultérieurement, ce n'est pas là que les dérives constatées sont les plus nombreuses. En outre, les bénéficiaires de rachats frauduleux n'étaient pas des agriculteurs et avaient un lien ténu, voire inexistant, avec le monde agricole.

À la suite des investigations de l'Inspection générale des affaires sociales, 12 000 dossiers de rachat des cotisations, concernant le régime général et le régime agricole, ont été identifiés comme présentant des risques de fraude. Par ailleurs, 2 000 dossiers ont été sélectionnés de manière aléatoire pour subir un contrôle. En tout, ce sont donc 14 000 dossiers qui ont été réexaminés. L'application de filtres successifs a permis de réduire ce nombre à 6 763 – dont environ 4 000 concernaient le régime de la Mutualité sociale agricole. Puis, des investigations complémentaires ont permis d'identifier 1 196 dossiers potentiellement à risques, dont 641 concernaient le régime général et 555 celui de la Mutualité sociale agricole – soit respectivement 25 % et 13 % du total.

On voit que le taux de dossiers sensibles est moitié moindre pour la Mutualité sociale agricole que pour le régime général. Il ne s'agit pas de s'exonérer de toute responsabilité : des fraudes ont bien été identifiées et sanctionnées. Mais lors d'une demande de rachat de cotisations, les demandeurs font état d'une activité en relation avec une exploitation agricole. Or nos fichiers gardent la trace de toutes les exploitations existantes ou ayant existé. Cela permet des vérifications qui seraient plus difficiles à effectuer dans le régime général : lorsque l'on évoque des cotisations liées à une activité professionnelle exercée dans un hôtel ou un restaurant dans les années 1970, je ne suis pas sûr qu'il soit possible de retrouver la trace de cette activité commerciale. Quoi qu'il en soit, l'organisation de la Mutualité sociale agricole permet de limiter la fraude, même si elle ne permet pas de l'éviter tout à fait.

L'inspection, ainsi que certaines alertes, nous ont conduits à réagir rapidement en plusieurs points du territoire, et les fraudes ont été sanctionnées. Dans la foulée, la Mutualité sociale agricole d'Île-de-France a procédé au licenciement de cinq membres de son personnel, tandis que la caisse centrale licenciait une personne. Indépendamment de la procédure de réexamen des dossiers, soixante-quatorze cas ont fait l'objet de plainte au pénal pour fraude au rachat de cotisations. Les dossiers jugés à risque sont soumis quant à eux à une procédure précise comprenant un envoi de courrier aux demandeurs ainsi qu'aux témoins. En cas de rétractation, nous considérons qu'il y a fraude avérée. Dans le cas contraire, nos contrôleurs se rendent sur place. Selon l'analyse effectuée par la caisse, la procédure débouche soit sur un classement sans suite, soit sur l'annulation du rachat, voire la suspension du versement des pensions. Pour éviter un traitement hétérogène des dossiers par les différentes caisses, nous avons mis en place une cellule nationale destinée à harmoniser l'examen des dossiers.

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