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Intervention de Henriette Martinez

Réunion du 21 décembre 2010 à 16h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenriette Martinez, rapporteure :

J'ai en effet contacté de nombreux organismes. L'avis de la CNIL est particulièrement important : il est possible de solliciter les services sociaux – caisse d'allocation familiale et sécurité sociale –, à condition que la législation leur permette de prendre les informations dans le registre national inter-régimes des bénéficiaires de l'assurance maladie. Il convient donc de veiller à inscrire ces dispositions dans la proposition de loi, ce que je vous proposerai de faire par amendement. La CNIL souligne que la protection des enfants est un objectif prioritaire et qu'elle relève du secret professionnel partagé, déjà inscrit dans la loi de 2007. Elle rappelle à ce propos les termes de la loi, qui dispose que « le partage des informations relatives à une situation individuelle est strictement limité à ce qui est nécessaire à l'accomplissement de la mission de protection de l'enfance » et que « les personnes soumises au secret professionnel peuvent partager entre elles des informations à caractère secret afin de mettre en oeuvre les actions de protection et d'aide dont les mineurs peuvent bénéficier ».

Notre collègue Patricia Adam, qui préside avec compétence et brio le service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger et qui n'a malheureusement pas pu être parmi nous aujourd'hui, pourra sans doute évoquer plus précisément ce service lors de l'examen du texte en séance publique. Le SNATED me semble bien fonctionner. Je rappelle qu'il a traité 489 511 appels en 2009, accordé 21 481 « aides immédiates », c'est-à-dire des conseils permettant de résoudre les problèmes rencontrés, et assuré 9 235 transmissions aux départements, qui concernaient 16 000 enfants en danger ou en risque de l'être – soit 25 à 26 transmissions par jour – dont 80 % validées par les enquêtes sociales. Ce service, qui n'a pas vocation à protéger directement les enfants, est destiné à transmettre l'information aux départements et à recueillir les bonnes pratiques, en s'efforçant de les harmoniser entre les différents départements, ce qui n'est actuellement pas le cas, même si la loi de 2007 impose la création des cellules de recueil des informations préoccupantes. De telles cellules, réunissant tous les professionnels de l'enfance, ont été créées dans 80 % des départements. Elles ont pour objet d'examiner les signalements et de distinguer les informations réellement préoccupantes, qui méritent une aide sociale, et celles qui relèvent plutôt d'une certaine forme de délation – sachant par ailleurs que l'erreur est toujours possible.

La communauté éducative est invitée, souvent par l'intermédiaire des inspecteurs d'académie ou de leurs représentants, à participer à ces cellules, qui permettent de suivre les familles et les enfants en danger au sein du département. Bien que les résultats ne soient pas encore pleinement satisfaisants, la pratique du secret professionnel partagé est en train de se mettre en place. Les enseignants sont souvent les mieux placés pour recueillir les informations sur les enfants maltraités dans leur famille – lesquels, par définition, ne savent pas à qui en parler hors de celle-ci. Sans doute aurez-vous observé comme moi, chers collègues, qu'à la suite des interventions que nous sommes parfois amenés à faire dans les classes sur les droits des enfants, les enseignants nous informent que certains enfants font ensuite état des sévices qu'ils subissent – situation d'ailleurs statistiquement inévitable, puisqu'elle touche en moyenne deux enfants par classe. Chaque fois que l'on parle aux enfants de leurs droits et, surtout, de la manière dont les adultes doivent se comporter à leur égard, on fait apparaître des souffrances et des maltraitances.

L'association La Voix de l'enfant indique en outre que, même lorsque les cas sont signalés, il est fréquent que les enfants se rétractent par peur de leurs parents. Ainsi, alors que les enseignants de la petite Marina avaient signalé à plusieurs reprises des maltraitances dont elle était victime, l'enfant, convoquée à la gendarmerie avec son père, a déclaré qu'elle était tombée dans l'escalier et s'était fait des bleus toute seule. Il est difficile pour un enfant de parler en présence de son tortionnaire. Au Québec, où nous nous sommes rendus dans le cadre de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant, un enfant qui fait l'objet d'un signalement est immédiatement retiré à sa famille pour la durée de l'enquête sociale, afin d'être soustrait aux pressions, et il fait l'objet, pendant quarante-huit heures, d'un premier diagnostic hors du milieu familial. Peut-être ne faut-il pas aller aussi loin, car cette situation peut être également traumatisante pour l'enfant. C'est en tout cas la revendication de l'association La Voix de l'enfant.

Le rôle des enseignants est prioritaire, mais la loi fait obligation à toute personne qui constate un danger potentiel visant un enfant à le signaler, sous peine d'être punie pour non-assistance à personne en danger. Il reste vrai que le voisinage a souvent peur des conséquences d'un tel signalement.

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