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Intervention de Pierre Lévy-Soussan

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre :

Sur le plan juridique, on a toujours recherché un équilibre entre liens du sang et liens sociaux et psychiques. Il y a une grande ambivalence : certaines jurisprudences privilégient les premiers, d'autres les seconds.

À ceux qui prétendent que la levée de l'anonymat du don de gamètes n'aurait pas de conséquences juridiques, je ferai observer que la loi de 2002 instituant le CNAOP a eu des incidences importantes en matière de filiation adoptive. Plusieurs jugements d'adoption ont été cassés après le vote de cette loi, comme dans la désormais célèbre affaire Peter. La personnification du gamète ne serait pas non plus sans conséquences. Tout d'abord, elle pourrait donner un statut au donneur. Le Québec a ainsi décidé que le nom du donneur figurerait sur le livret de famille dans le cas de couples de même sexe s'engageant dans une procréation. Cela ouvre la voie à une pluriparentalité, laquelle peut être multiple avec un donneur de sperme, une donneuse d'ovocyte, une prêteuse d'utérus… Jusqu'à présent, la référence dans l'AMP a toujours été un couple hétérosexuel, infertile, dont les deux membres sont vivants et en âge de procréer. Il suffit de changer un seul de ces paramètres pour que l'édifice s'effondre et que la construction de la filiation ne soit plus possible. La personnification du gamète saperait la construction psychique du parent. Même anonyme, certains parents ont déjà du mal à se l'approprier. Quand des pères stériles nous disent en consultation qu'ils ne pourront jamais être « tout à fait le père » de cet enfant, nous essayons de les aider à dépasser ce fantasme du biologique, hélas extrêmement prégnant dans la société. Ce ne pourrait qu'être encore plus difficile si le gamète était personnifié. L'anonymat dans les IAD est un rouage essentiel de la réappropriation indispensable par le couple.

Ne faisons pas croire à une catégorie d'enfants que leurs origines sont extérieures à leur famille car l'origine de l'enfant est toujours portée par son père et sa mère. Tous les enfants, conçus naturellement, avec don ou adoptés, sont un jour confrontés à la question de leurs origines. L'important en l'espèce n'est pas l'information, mais bien la mise en parole de leur histoire. Et si la filiation a pu s'établir comme il faut, la réponse est que c'est à leur père et à leur mère, et à eux seuls, qu'ils doivent d'être nés.

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