Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche :

Je ne peux m'empêcher de trouver paradoxal que des personnes, pour lesquelles j'éprouve un immense respect, qui se sont par le passé battues pour que des parents n'aient plus à subir la naissance d'enfants non désirés, se mobilisent aujourd'hui pour qu'on continue d'interdire à certains parents d'avoir des enfants infiniment désirés.

Je suis choqué qu'on puisse assimiler la gestation pour autrui à la prostitution ou faire des comparaisons, hasardeuses, avec l'usage de drogues. Pour ma part, je la rapprocherais plutôt de l'adoption, les deux démarches traduisant un désir d'enfant. Elle me paraîtrait aussi plus proche du don d'organes : porter un enfant pour une autre, c'est bien faire don de son corps temporairement. J'aimerais que nous soyons plus optimistes. Oui, il peut exister une éthique du don et certains de nos concitoyens peuvent faire preuve d'un authentique altruisme.

Vous l'aurez compris, je suis favorable à la légalisation et à l'encadrement de la gestation pour autrui en France. Mais il me choque de pouvoir être tenu de ce seul fait pour quelqu'un qui ne réprouverait pas la marchandisation et l'instrumentalisation du corps féminin. J'ai le plus grand souci, comme nous tous ici et tous nos invités, que ces risques soient prévenus. Certains pensent que le seul moyen d'y parvenir est de prohiber la pratique – je respecte leur position – quand d'autres, dont je suis, pensent qu'à l'ère de la mondialisation, seule une légalisation encadrée le permettra.

Pour ce qui est des dérives financières, pourquoi stigmatiser ainsi la gestation pour autrui quand d'autres pratiques aussi généreuses que l'adoption ou le don d'organes, n'en sont, hélas, pas toujours exemptes ? Il semble simplement que l'on soit plus enclin à fermer les yeux.

La législation varie beaucoup d'un pays européen à l'autre. L'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, le Portugal interdisent la gestation pour autrui. La Belgique, le Danemark, les Pays-Bas la tolèrent sans avoir légiféré sur le sujet. La Grande-Bretagne et la Grèce l'autorisent en l'encadrant. Je pense que nous devrions légiférer en ne pointant pas du doigt les « mauvais » pays où cette pratique est autorisée, quand c'est le cas de tant de pays voisins, aux sociétés et aux cultures très proches de la nôtre.

Lors des travaux de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants, que j'ai eu l'honneur de présider et dont Valérie Pécresse était la rapporteure, nous avons largement traité de l'intérêt supérieur de l'enfant. Où plaçons-nous cet intérêt quand dans notre pays, les enfants nés à l'étranger d'une maternité pour autrui n'ont jamais qu'une filiation paternelle, seul leur père pouvant les reconnaître ? La question vaut d'être posée alors que nous avons fêté l'an passé le vingtième anniversaire de la signature par la France de la convention internationale des droits de l'enfant.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion