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Intervention de Cécile Dumoulin

Réunion du 15 décembre 2010 à 9h45
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Dumoulin, rapporteure :

Le projet de loi n° 2789 vise à satisfaire à l'obligation constitutionnelle d'application du droit communautaire et de transposition des directives européennes découlant de l'article 88-1 de la Constitution.

Ce texte compte onze articles au contenu varié, portant sur la santé (titre Ier), sur certaines professions et activités réglementées (titre II) et sur les communications électroniques (titre III). Leur point commun réside dans leur objectif : mettre le droit national en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire et, en particulier, réduire le retard pris par la France dans la transposition de plusieurs directives.

En effet, la France a accumulé un retard global important dans la transposition des directives, s'élevant à 1,2 %, alors que l'objectif fixé par la Commission européenne est de 1 % de déficit maximal. Il faut rappeler que cet objectif est respecté par dix-huit États membres sur vingt-sept.

S'agissant en particulier des directives que prévoit de transposer le projet de loi, la situation apparaît critique pour deux d'entre elles et très tendue pour les trois autres.

La France a déjà été condamnée, en octobre 2009, pour son retard de transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. La Commission européenne a adopté, en juin dernier, un avis motivé à l'encontre de la France au sujet de la transposition de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de mise en oeuvre a expiré en décembre 2009 : c'est la dernière étape avant un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne.

Par ailleurs, les différentes mesures de transposition des deux directives du 25 novembre 2009 du troisième « Paquet télécoms » doivent être rapidement prises, car leur délai de transposition s'achève en mai 2011.

De même, le délai de transposition de la directive du 31 mars 2004 concernant l'enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes expire en avril 2011.

Il convient donc de combler le retard pris par la France dans la transposition des directives que je viens d'évoquer, d'autant que ce retard peut entraîner des sanctions financières lourdes à l'encontre de notre pays, en plus de l'insécurité juridique qu'il crée. Le traité de Lisbonne a, en effet, modifié les règles de contrôle de la transposition des directives. Les États membres peuvent désormais être condamnés à payer des amendes et des astreintes dès le recours en manquement intenté par la Commission européenne. Je rappelle que le montant minimal de l'amende pouvant être infligé à la France a été fixé à 10 millions d'euros et celui des astreintes journalières à plus de 12 000 euros.

Le projet de loi vise donc à transposer, en droit français, cinq directives.

Il s'agit tout d'abord, pour ses articles 1er à 4 et 6 à 8, de poursuivre la transposition de la directive 2006123CE « Services » du 12 décembre 2006, dans différents secteurs d'activité.

Cette directive a pour objectif de promouvoir le libre établissement et la libre prestation de services au sein du marché intérieur. À cette fin, elle impose aux États membres des conditions strictes de validité des régimes d'autorisation d'activité et une obligation générale de simplification administrative.

Pour favoriser le libre établissement des prestataires, la directive interdit aux États membres d'édicter des régimes d'autorisation qui ne soient pas, d'une part non discriminatoires, d'autre part nécessaires, c'est-à-dire justifiés par l'une des raisons impérieuses d'intérêt général définies par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et enfin proportionnés, ce qui implique que l'objectif poursuivi ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante.

Au-delà de ces trois exigences fondamentales, tout régime d'autorisation d'une activité de service doit reposer sur des critères clairs et objectifs, lesquels ne peuvent faire double emploi avec les exigences et les contrôles équivalents auxquels sont déjà soumis les prestataires des autres États membres.

Il faut, enfin, rappeler que tout prestataire de services européen, qui s'établit dans un autre État membre, se trouve soumis aux règles de droit social en vigueur dans ce pays.

Pour favoriser la libre prestation de services, la directive interdit aux États membres d'édicter des régimes d'autorisation qui ne soient pas discriminatoires et soient nécessaires – c'est-à-dire justifiés par des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de santé publique ou de protection de l'environnement – et proportionnés, c'est-à-dire propres à garantir l'objectif poursuivi sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Les critères de validité des régimes d'autorisation sont donc plus stricts que pour le libre établissement. Rappelons néanmoins que les prestataires européens intervenant en libre prestation de services doivent exercer leur activité dans le cadre des règles du détachement transnational des travailleurs. Cela signifie qu'en France les employeurs européens doivent respecter les règles françaises, en particulier en matière de libertés individuelles et collectives, de durée du travail et de congés annuels payés, de salaire minimum, de santé et de sécurité au travail.

La France a opté pour une transposition sectorielle, et non transversale, de la directive « Services ». Si de nombreuses mesures d'adaptation ont déjà été prises, il subsiste un certain nombre de régimes d'autorisation qui ne répondent pas encore aux critères de la directive. Il s'agit :

– du régime d'autorisation de la vente de boissons, que l'article 1er vise à rendre conforme à la directive en simplifiant et en harmonisant les différentes obligations administratives des débits de boissons à consommer sur place ou à emporter, et des restaurants.

– du régime des organismes agréés intervenant dans la certification et la revente des dispositifs médicaux, que l'article 2 vise à rendre conforme à la directive en reconnaissant la certification opérée par les organismes compétents des autres États européens, et en encadrant la revente de ces produits.

– du dispositif d'habilitation des organismes d'évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, que l'article 3 permet de rendre conforme à la directive en facilitant l'exercice temporaire et occasionnel par les opérateurs européens de cette activité d'évaluation ;

– de la procédure d'agrément des organismes de contrôle des installations techniques et des véhicules funéraires, que l'article 4 tend à rendre conforme à la directive en remplaçant le dispositif actuel d'agrément par un régime d'accréditation ;

– des licences d'entrepreneurs de spectacles vivants, que l'article 6 vise à rendre conforme à la directive en clarifiant le régime des licences et titres équivalents obligatoires pour s'établir en France et en facilitant l'exercice temporaire et occasionnel par les opérateurs européens de cette activité ;

– des règles relatives aux sociétés d'architecture, que l'article 7 prévoit de rendre conforme à la directive en permettant aux architectes européens qui peuvent déjà exercer temporairement et occasionnellement dans notre pays, de constituer et de participer à des sociétés en France ;

– enfin, des licences d'agences de mannequins, que l'article 8 permet de rendre conforme à la directive en simplifiant le régime de la licence obligatoire pour les agences établies en France, et en créant un régime de déclaration pour les agences européennes intervenant temporairement et occasionnellement sur le territoire national.

Au-delà de la directive « Services », le projet de loi vise à modifier la transposition de la directive 200424CE du 31 mars 2004, relative aux médicaments traditionnels à base de plantes, telle qu'opérée par l'ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007. En effet, le calendrier prévu par cette ordonnance pour la mise en oeuvre de l'enregistrement simplifié des médicaments actuellement sur le marché ne semble pas approprié. L'article 5 tend en conséquence à modifier ce calendrier afin de prolonger les délais et d'obliger les laboratoires à déposer l'ensemble des dossiers d'enregistrement de leurs médicaments avant le 30 avril 2011. À défaut de ce dépôt, les médicaments devront être retirés du marché à cette date, les autres pouvant demeurer en circulation jusqu'à la fin de leur autorisation de mise sur le marché ou jusqu'à une décision de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) à leur égard.

Le projet de loi vise également à compléter la transposition de la directive 200536CE du 7 septembre 2005 sur la reconnaissance des qualifications professionnelles. En effet, l'ordonnance n° 2008-507 du 30 mai 2008, qui l'a transposée aux professeurs de danse et aux assistants de service social, comporte un oubli que visent à combler les articles 9 et 10. Il s'agit d'une exception concernant l'exigence de deux années d'expérience professionnelle pour les ressortissants d'un État européen souhaitant s'installer en France et détenant un titre de formation dans un État membre où la profession n'est pas réglementée, mais où la formation l'est.

Enfin, l'article 11 tend à autoriser le Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnance, le nouveau cadre réglementaire européen des communications électroniques, adopté le 25 novembre 2009 et communément dénommé troisième « Paquet télécoms ». La Commission des affaires économiques s'est saisie pour avis de cet article.

Le choix d'une transposition par ordonnance est justifié par la faible marge de manoeuvre possible pour la transposition de ces directives, et par les délais très courts qui sont impartis.

D'une manière plus générale, il est urgent de transposer l'ensemble des directives que je viens d'évoquer, car la France pourrait se voir rapidement condamnée à des sanctions financières importantes.

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