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Intervention de Nathalie Homobono

Réunion du 14 décembre 2010 à 16h00
Commission des affaires économiques

Nathalie Homobono, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes :

Je vais tenter de répondre à vos questions par grandes thématiques. Je solliciterai également l'appui de Sylvain Leclerc au sujet de certains sujets. Je vous prie par avance d'excuser tout oubli, qui ne serait en aucun cas volontaire.

Je débuterai, monsieur le président, par la question de la médiation que vous venez d'évoquer. Il s'agissait d'un thème particulièrement cher à Hervé Novelli. Pour cette raison, lors des Assises de la consommation, en octobre 2009, il avait fortement incité les professionnels à suivre la voie de la médiation. Certains secteurs disposaient déjà de dispositifs adéquats. La réforme de l'Institut national de la consommation et des commissions de médiation qu'il a souhaité mettre en place prévoit ainsi une commission de la médiation exclusivement dédiée à la consommation. Sa mission n'est pas de mener des actions de médiation, mais de procéder à des évaluations des dispositifs existants, de recenser les bonnes pratiques en matière de médiation et éventuellement de contribuer à mettre fin à celles qui ne paraîtraient pas satisfaisantes. Elle a été créée par des dispositions législatives et réglementaires, et, si ses travaux débuteront réellement l'an prochain, une réflexion concernant ses modes d'action a déjà été entamée. Par ailleurs, en complément de cette commission chargée de superviser les dispositifs de médiation, Hervé Novelli a souhaité que les professionnels mettent en place des dispositifs de médiation dans les secteurs qui en étaient dépourvus, comme celui du tourisme et du voyage. L'objectif est qu'en 2012, tous les secteurs de la consommation disposent d'un dispositif de médiation, sectorielle ou par entreprise. Nous avons d'ores et déjà prévu plusieurs rendez-vous à la fin de l'année 2011 et en 2012, afin de dresser les premiers bilans. Nous travaillons déjà avec les structures de médiations existantes, par exemple dans le secteur de l'énergie ou celui des télécoms, afin d'échanger sur les techniques de médiation et l'évolution de la nature des litiges. Nous avons bien évidemment nos propres critères afin de cibler nos enquêtes sur certains secteurs ou opérateurs.

J'en viens à présent aux questions concernant la réforme territoriale. Vous avez été nombreux à m'interroger sur ce point. M. Jean Gaubert m'a notamment interpellé au sujet du rôle du préfet, au-delà de sa contribution à l'identification des priorités de la directive nationale d'orientation (DNO). Vous avez évoqué l'inquiétude de certains, qui craignent que le préfet soit un frein au cours des opérations d'investigation.

En ce qui me concerne, je n'ai pas constaté la moindre difficulté au cours des douze derniers mois. Nous avons des relations régulières avec les préfets de région ou de département, afin de leur expliquer les raisons du déclenchement de certaines enquêtes et de faciliter le travail au quotidien. De plus, j'ai demandé aux directions départementales de m'avertir de toute difficulté constatée, et ce afin d'assurer la fluidité du travail sur le terrain.

S'agissant de nos moyens, je dois rendre des comptes au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi concernant l'utilisation des ressources que le Parlement nous attribue. Je ne souhaite pas qu'elles soient utilisées pour d'autres missions que celles dont nous avons la charge. Jusqu'à présent, nous utilisions un dispositif informatique spécifique afin de suivre l'activité de nos services. Nous sommes toujours très vigilants à ce sujet. Néanmoins, nous travaillons également de concert avec le ministère de l'agriculture, et en particulier la direction générale de l'alimentation, afin que nos agents respectifs au sein des directions départementales rendent compte de leur activité sur l'outil informatique relevant du donneur d'ordre. Ainsi, si un agent des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (CCRF) travaille sur une mission « agriculture », il rend compte de son activité sur l'outil « agriculture », et inversement. Cette coopération permet de disposer d'une certaine traçabilité de l'activité de nos agents et de voir si une synergie se développe entre nos services. Les deux ministères partagent ainsi une approche cohérente au service de la transparence.

Permettez-moi à présent d'évoquer la perception de la réforme, sujet qui a suscité lui aussi de nombreuses questions. Mme Massat m'a interrogée sur le périmètre d'action des directions départementales et le rapprochement des services. Cette thématique n'est pas propre aux services CCRF, mais concerne également d'autres ministères. Nous avons expliqué à nos équipes les grandes lignes de la réforme, à savoir une meilleure lisibilité de l'action publique et de son organisation. Nos efforts de pédagogie ont vraisemblablement été insuffisants puisque la compréhension de la réforme a pris du temps.

Je voudrais vous rassurer : il n'y a eu aucune mutation forcée. Il s'agissait d'un engagement écrit de Christine Lagarde vis-à-vis des agents CCRF. Nous l'avons respecté. Ainsi, 95 % de nos agents travaillent sur les mêmes missions, exercées au même endroit. Certes, quelques agents CCRF ont dû choisir entre le lieu de leur résidence personnelle et le contenu de leur mission, mais nous avons tenu compte des situations individuelles. De plus, nous avons mis en place une cellule d'accompagnement des cadres au niveau national. En effet, du fait du resserrement des équipes d'encadrement, certains cadres n'ont pas trouvé de missions les satisfaisant.

Le système informatique ne fonctionne pas encore de manière optimale. Nos outils de reporting et de gestion ainsi que les sites intranet fonctionnent, mais il existe un problème d'interconnexion entre les différents supports. Je reconnais un petit retard à ce sujet.

Concernant la souffrance au travail, nous prêtons une attention particulière aux situations que nous signalent les équipes dirigeantes ou les organisations syndicales. Aucune comparaison avec d'autres situations médiatisées ne serait pertinente, même si, comme dans les autres administrations, nous contribuons à l'effort de réduction budgétaire de l'Etat. Nous suivons la tendance du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette situation, évidemment, est source de quelques difficultés. A propos du département de l'Ariège, je reconnais que dans certains départements, des réductions d'effectifs ont eu lieu. En conséquence, en 2011, nous ajusterons les thématiques d'enquête aux ressources disponibles.

Concernant nos priorités d'action, la DNO définit trois modalités d'actions. Premièrement, il s'agit de nos obligations vis-à-vis de la Commission européenne. Nous avons en effet une mission de surveillance des marchés qui implique quelques missions, comme des plans de surveillance et des plans de contrôle.

Deuxièmement, nous devons opérer un suivi de la mise en application de la loi de modernisation de l'économie (LME). Cela concerne les brigades LME et la recherche des pratiques anticoncurrentielles par les services départementaux. Ces dernières sont identifiées au travers d'enquêtes spécifiques ou par nos équipes de terrains. Ainsi, nos 2 600 agents, quelle que soit leur mission, sont chargés de détecter les pratiques anticoncurrentielles. Par la suite, si les indices sont suffisamment importants, soit nous menons des enquêtes en interne, soit nous déléguons ces affaires à l'Autorité de la concurrence. En effet, il y a un partage des compétences qui découle de textes législatifs. La DGCCRF prend en charge les enquêtes de niveau local tandis que l'Autorité de la concurrence instruit les enquêtes nationales.

Troisièmement, nous veillons au respect de la qualité, de la sécurité et de la loyauté à l'égard du consommateur. Ainsi, nos thématiques d'enquête varient selon deux types d'éléments. D'une part selon les évolutions réglementaires ou législatives. Ce sera ainsi le cas l'an prochain du crédit à la consommation suite à la réforme votée cette année. D'autres part selon les réclamations des consommateurs. Depuis 2007, nous avons mis en place une base de données, le « baromètre des réclamations » ; qui recense près de 100 000 plaintes par an. Cette base de données n'est pas un outil statistique, mais permet de classer les litiges par secteur et type de pratique. A titre d'exemple, à la suite de l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie, nous avons reçu un grand nombre de réclamations concernant les pratiques de démarchages des opérateurs. Les services à domicile, et notamment le prix des réparations du matériel électroménager, est également l'un des sujets les plus litigieux qui nous est signalé.

J'en viens maintenant aux questions relatives à la concurrence. A nos yeux, la politique de concurrence se conçoit pour le bénéficie final du consommateur, qu'il s'agisse d'un bénéfice direct ou indirect. Dès lors, nous essayons de ne pas adopter de position dogmatique. En revanche, concernant le respect du droit de la concurrence, notre approche est différente si nous constatons des pratiques illégales de certains opérateurs, comme des cas d'entente par exemple. Dans ce cas, il est important de ne pas transiger. De manière plus concrète, au sujet du développement durable et de la protection des produits locaux, alimentaires ou non, nous sommes, je tiens à le rappeler, sous le regard permanent de la Commission européenne, dont l'approche des politiques de concurrence peut être qualifiée de « puriste ». Le législateur a essayé de favoriser certains produits, notamment par le biais des circuits courts. Permettez-moi de souligner deux éléments. D'abord, il me semble important de ne pas prêter le flanc à la critique communautaire dès la rédaction des textes. Ensuite, il est selon moi possible de favoriser certains produits par le biais des appels d'offre. Je pense notamment à la restauration scolaire. Même si des limites existent, la rédaction des cahiers des charges - en introduisant certains éléments comme des critères de qualité ou la consommation de produits de saison - pourrait selon moi satisfaire vos objectifs.

En ce qui concerne le chantier de l'application de la LMAP, deux projets de décret relatifs à la contractualisation portant respectivement sur le lait et les fruits et légumes ont été récemment examinés par l'Autorité de la concurrence et vont désormais passer devant le Conseil d'Etat. Nous sommes bien conscients que la contractualisation n'est pas toujours perçue avec beaucoup d'enthousiasme par un certain nombre de professions du secteur agricole qui peuvent douter de son efficacité à résoudre leurs difficultés. La loi prévoit une obligation de proposer un contrat à la charge de l'acheteur et c'est, le cas échéant, le défaut de proposition en ce sens qui pourra être sanctionné par les services de la concurrence.

La DGCCRF a participé à l'élaboration de ces textes avec le ministère de l'agriculture et attend désormais leur mise en application. Sur le fond, je pense que tout ce qui peut renforcer la puissance de vente des producteurs va dans le bon sens même si cela n'est pas de nature à résoudre tous les problèmes. La contractualisation peut être un élément de visibilité, notamment dans un contexte ou le devenir des quotas n'est pas arrêté, mais il est prématuré d'y voir une panacée à l'ensemble des difficultés du monde agricole.

Pour répondre à la question relative à nos homologues européens, on peut schématiquement distinguer trois types d'organisation. Le premier correspond aux cas où les organes en charge de la répression des concentrations et des pratiques anticoncurrentielles sont également en charge des questions de consommation, le second où il s'agit d'autorités distinctes comme c'est le cas dans notre pays et enfin les cas dans lesquels des rapprochements sont en cours. Les autorités n'ont donc pas toujours le même périmètre de compétence et le secteur qui connaît la plus grande harmonisation est celui de la lutte contre les concentrations et les pratiques anticoncurrentielles qui sont le plus souvent confiées à des autorités indépendantes vis-à-vis de l'administration.

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