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Intervention de éric Molinié

Réunion du 8 décembre 2010 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

éric Molinié :

La question du nombre d'affaires traitées et du coût du traitement des dossiers est essentielle, monsieur Vanneste, mais on ne saurait y répondre sans considérer la nature de ces affaires, qui exige des enquêtes de longue haleine, des démarches multiples de nos juristes pour obtenir des pièces, les vérifier et les étudier. La lutte contre les discriminations suppose une expertise spécifique et l'élaboration progressive d'une jurisprudence. Il est normal dans ces conditions que ce traitement prenne plus de temps et soit plus coûteux que la résolution d'un litige entre administré et administration.

Je répète en outre que le nombre des affaires examinées par le collège ne constitue que la partie émergée de notre travail : il ne faut pas oublier tous les cas qui ont fait l'objet d'un règlement amiable – 1 300 sur les 40 000 réclamations reçues par la HALDE, à rapporter aux 1 800 qui ont été examinées par le collège. Cela aussi a nécessité du travail.

En ce qui concerne la question immobilière, la Cour des comptes a pris acte de notre volonté de rechercher une solution juridiquement viable. Cela étant, si on ne tient compte que des espaces de bureaux, chacun des agents de la HALDE dispose de onze mètres cinquante par personne, ce qui correspond aux normes de l'administration. Ce n'est que si on prend en compte l'espace occupé par les couloirs ou par ce hall d'entrée qui a fait couler tant d'encre, que le taux d'occupation monte à dix-huit mètres carrés par agent, ce qui est effectivement excessif.

Le relevé de conclusions définitives de la Cour des comptes souligne également, contrairement à son prérapport, que les dépenses de communication avaient permis d'accroître la notoriété de la HALDE, de la faire reconnaître comme un outil de lutte contre les discriminations. De plus, ce budget n'a fait que décroître, ce qui prouve bien que son importance était justifiée par le lancement de la « marque » HALDE. Travaillant à EDF, je sais qu'un changement de logo a toujours un coût pour une entreprise mais que ces dépenses sont utiles, mêmes si elles sont mal admises.

Pour ce qui est du testing, j'ai le sentiment que cette approche a été peu comprise et mal perçue par les entreprises, et il doit être clair que cela ne figurera pas au nombre des premières actions que je mènerai si je suis nommé à la tête de la HALDE. Il faudra organiser au préalable un retour d'expérience entre le monde de l'entreprise et la haute autorité.

Sur nos quelque quatre-vingts agents, 51 relèvent en effet de la direction des affaires juridiques, mais il ne faut pas oublier la seconde mission de la HALDE, la promotion de l'égalité, qui en mobilise douze. C'est une mission essentielle, puisqu'il s'agit du volet préventif de l'action de la haute autorité. Ce sont donc 63 personnes qui assurent ces deux missions, auxquelles s'ajoutent une documentaliste et huit agents chargés de la gestion administrative et financière, ce qui est tout à fait raisonnable.

Quant à la composition du comité consultatif, monsieur Vanneste, je retiens votre proposition : dans cet esprit de fertilisation croisée que je prône, je ne verrais que des avantages à ce que d'autres acteurs, de l'entreprise ou du logement, rejoignent les représentants des associations militantes au sein de cet organe.

En ce qui concerne l'affaire de la crèche Baby Loup, monsieur Dosière, nous avons estimé lundi que, dans cette situation transitoire, nous n'avions ni le temps, ni le recul, ni la légitimité nécessaires pour prendre position, d'autant que nous n'avons eu connaissance que tout récemment d'éléments nouveaux. La décision des prud'hommes devant tomber le 13 décembre, nous avons décidé d'attendre ce jugement et l'appel dont il sera inévitablement frappé, à la demande de l'une ou de l'autre des parties, pour délibérer à nouveau sur cette affaire. Cela nous donnera le temps et la sérénité nécessaires pour émettre un avis responsable sur une question de laïcité à laquelle je ne peux qu'être sensible. Nous pourrions être amenés à pointer des « vides juridiques » à propos de la législation sur le port de signes religieux, comme nous l'avons fait à propos de la réforme des retraites. Je pense à la proposition de Manuel Valls d'étendre cette législation à tous les lieux où il y a des enfants, mais il y a d'autres pistes possibles.

Vous m'interrogez, monsieur Dosière, sur le futur Défenseur des droits. Je répète que la collégialité constitue à mes yeux la meilleure protection des personnes contre les discriminations, et l'affaire Baby Loup en est une nouvelle preuve : une prise de position commune, dépassionnée et républicaine suppose, non seulement du temps, mais aussi la confrontation de points de vue différents, par le dialogue. C'est ce que permet la variété de la composition de notre collège, où se côtoient hauts fonctionnaires, représentants de la haute fonction publique ou de la diversité.

J'ai relevé quelques points positifs dans ce projet de loi et dans les propositions de votre Commission, notamment celle d'ouvrir au Défenseur la possibilité d'une action collective devant la juridiction administrative. Dans son état actuel, cependant, ce projet ne laisse de me poser question.

Quant à la perspective de devenir un simple collaborateur du Défenseur des droits, sachez que je n'ai aucun plan de carrière, et que je continuerai quoi qu'il arrive à remplir ma mission : traiter les dossiers individuels et renforcer la promotion de l'égalité en mutualisant les compétences. Notre collège apportera sa contribution aux réflexions sur la réforme en cours. On verra par la suite si je dois m'effacer au profit de quelqu'un d'autre. Pour l'heure, je n'ai qu'un objectif : faire fonctionner la HALDE de façon efficace, et sortir l'institution des polémiques médiatiques dont elle est l'objet, afin qu'elle aborde l'année 2011 dans la plus grande sérénité.

Vous me demandez, monsieur Morel-A-L'Huissier, ce que je pense de la création de cette nouvelle autorité. Tout ce qui peut permettre de mutualiser les compétences et d'assurer des fertilisations croisées, sur le modèle de ce qui se fait dans d'autres pays, me paraît une bonne chose. La question est de choisir le bon mode opératoire. Qu'en sera-t-il notamment de la collégialité, qui me semble, je le répète, un atout dans la lutte contre les discriminations ? D'une façon générale, les questions de discrimination me semblent différer de nature des problèmes qui relèvent du Médiateur. L'intégration de la HALDE dans ce regroupement n'était d'ailleurs pas prévue initialement : elle a été ajoutée au dispositif en cours de discussion.

Vous avez raison, monsieur Blisko, cet outil doit être préservé, en raison de l'expertise technique de ses équipes et de leur savoir-faire incontestables en matière de lutte contre les discriminations, et de son rôle au service de la cohésion sociale et du développement durable. Dans les prochains mois, je veillerai, non seulement à préserver la collégialité de la HALDE, mais à concentrer l'action de l'institution sur les grands enjeux de société, en évitant les sujets anecdotiques, qui pourraient être mal perçus par l'opinion. Mais je veillerai aussi à préserver cette compétence unique, constituée depuis cinq ans, cette expertise technique, non seulement de nos juristes mais aussi de l'équipe en charge de la promotion de l'égalité des chances, qui devra être un élément fort du futur dispositif, quelque forme que celui-ci puisse revêtir.

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