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Intervention de Sadek Beloucif

Réunion du 1er décembre 2010 à 14h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Sadek Beloucif, président du Conseil d'orientation de l'Agence :

En ce qui concerne le transfert d'embryons port mortem, il est difficile de se prononcer car il ne s'agit pas de choisir entre le bien et le mal, mais entre deux biens. À titre personnel, j'aurais tendance à partager l'avis du CCNE, qui recommandait de prendre en compte les circonstances particulières entourant la demande des femmes qui souhaitaient ce transfert après le décès de leur conjoint et de fixer un délai raisonnable pour qu'elles mènent à bien leur projet de grossesse. Il serait en effet incompréhensible que la loi autorise à détruire cet embryon, à le donner à un autre couple ou à en faire un objet de recherche, et interdise de le réimplanter chez la veuve. Mais je suis incapable de dire ce qui serait le mieux pour elle.

Plus généralement, l'éthique appliquée naît, à chaque fois, d'un conflit entre les principes et les pratiques. Notre pays, où ce qui est moral tend à se confondre avec ce qui est légal, aime à inscrire dans la loi de grands principes, dont les pratiques découlent, à la différence des pays anglo-saxons, où la jurisprudence a plus de force que le droit écrit.

Un des premiers dossiers de demande d'autorisation d'un protocole de recherche sur l'embryon sur laquelle le conseil d'orientation a été appelé à se prononcer avait été déposé par une grande société française de cosmétiques. Celle-ci demandait l'autorisation d'étudier les cellules souches embryonnaires de peau pour améliorer l'efficacité de ses crèmes antirides. L'autorisation a été évidemment refusée, mais on peut imaginer qu'un projet de ce type nous soit présenté de façon plus insidieuse en faisant valoir que cette recherche peut aussi, à terme, aider à traiter les brûlures graves ou éviter l'apparition de cancers cutanés.

Autre exemple, quoique moins grave, d'éthique appliquée : la question de la gestation pour autrui a divisé le conseil d'orientation, même si ceux qui y sont opposés ont été finalement les plus nombreux, en raison du risque d'instrumentalisation des mères porteuses. Le conseil d'orientation s'est également demandé si les pouvoirs publics pouvaient développer l'information sur le thème de la baisse de la fertilité avec l'âge sans empiéter sur le domaine de la vie privée.

Dans le domaine de la recherche sur les embryons, la loi de 2004, qui pose un interdit fondateur et prévoit que celui-ci puisse être transgressé dans certains cas précis, procède de la même démarche que celle de la loi de 1975 sur l'interruption volontaire de grossesse. Si poser un interdit tout en l'assortissant de dérogations et autoriser dans certaines conditions revient au même dans la pratique, ce n'est pas la même chose sur le plan symbolique. De même, certains établissent entre l'embryon in toto et des cellules souches issus de cet embryon une différence, non pas seulement de degré, mais de nature, proposant que le principe d'interdiction assorti de dérogations soit maintenu pour le premier, alors que l'utilisation des secondes serait autorisée. Ce n'est pas à nous, mais à vous, législateurs, de trancher sur ce point, mais nul doute que ces points seront au centre des débats, comme ils l'ont été lors des États généraux de la bioéthique.

Une simple logique d'harmonisation avec les autres dispositions du code de santé publique devrait commander le choix entre le terme « médical » et le terme « thérapeutique ».

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