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Intervention de François de Rugy

Réunion du 2 décembre 2010 à 15h00
Initiative législative citoyenne par droit de pétition — Discussion d'une proposition de loi organique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Nous avions donc été constructifs dans ce débat.

S'étonner ou se gausser de nous voir aujourd'hui aussi exigeants quant à la mise en oeuvre effective de l'initiative citoyenne par voie de pétition tient donc clairement de la posture ou du jeu politicien.

Mais quittons la forme, si vous le voulez bien, et venons-en au fond. Je vous le dis sans détour : le texte que nous avons rédigé, mes collègues Yves Cochet, Anny Poursinoff, Noël Mamère et moi-même, n'est pas celui que nous aurions voulu vous soumettre. La raison en est simple : il n'est que l'application du vôtre, mesdames et messieurs de la majorité. Sur de nombreux points, il nous semble clairement manquer d'ambition. Nous aurions notamment souhaité qu'il fasse coexister une double initiative – parlementaire et citoyenne – grâce à l'abaissement sensible du nombre de signatures individuelles exigées, et non pas une initiative obligatoirement partagée avec le Parlement.

Malgré nos ambitions, nos idéaux, notre vision idéale de l'initiative référendaire citoyenne, nous avons choisi la voie de la responsabilité et du réalisme législatif. Même restreinte, cette chance d'une participation citoyenne doit être saisie. Nous avons donc traduit fidèlement – c'est l'objet d'une loi organique – le dispositif voté en 2008, en lui apportant cinq types de précisions, à nos yeux essentielles.

La première précision porte sur les délais. Afin de rendre applicable le référendum d'initiative partagée, la présente proposition de loi organique prévoit deux types de délais.

Elle fixe, en premier lieu, un délai maximal d'un an pour collecter les déclarations de soutien des électeurs, ce que l'on appelle les pétitions. Il s'agit à la fois de définir un terme raisonnable pour l'organisation matérielle des opérations de collecte de plus de quatre millions et demie de pétitions, et de fixer une échéance mobilisatrice, seule capable d'emporter l'adhésion rapide et massive de plusieurs millions de citoyens sur un même texte.

De manière similaire, le fait que chaque assemblée ait un délai de trois mois pour se prononcer par un vote, en première lecture, sur une proposition susceptible d'être soumise à référendum vise à empêcher un enterrement, un enlisement de l'initiative par une sorte de grève de zèle législatif, tout en garantissant le respect des procédures et délais d'examen des textes prévus par la Constitution comme par les règlements de nos assemblées.

La deuxième voie de clarification proposée par notre texte tient à l'intervention du Conseil constitutionnel dans le processus. En effet, l'article 61 de la Constitution prévoit seulement que le contrôle de conformité à la Constitution des propositions de loi de l'article 11 intervient « avant qu'elles ne soient soumises à référendum ». Il n'est pas précisé, en revanche, si ce contrôle doit intervenir avant ou après les opérations de collecte des signatures de soutien. Il nous a semblé qu'il serait difficilement compréhensible par les citoyens qu'une déclaration de non-conformité à la Constitution, prononcée par une institution certes indépendante mais dont la légitimité démocratique est régulièrement contestée, fasse obstacle au vote du Parlement, a fortiori à l'organisation d'un référendum, sur une proposition de loi qui aurait déjà recueilli plus de 4,5 millions de soutiens. C'est pourquoi nous proposons que le contrôle préalable de constitutionnalité se fasse dès l'enregistrement de la proposition de loi, et non pas une fois sa recevabilité attestée par les signatures populaires.

Nous avons également souhaité préciser la place des organisations collectives dans le recueil des pétitions. Il nous paraît nécessaire de reconnaître que celui-ci, pour atteindre l'objectif fixé, ne relève pas simplement d'initiatives individuelles.

Afin d'éviter que le référendum d'initiative partagée soit instrumentalisé ou serve soit de plébiscite, soit, inversement, de sanction, et pour qu'il devienne au un véritable instrument de la vie démocratique favorisant l'exercice de la citoyenneté, nous proposons que l'obligation faite au Président de la République d'organiser un référendum dans le cadre de l'article 11 soit suspendue dans les trois mois qui précèdent la tenue d'une élection présidentielle ou législative. J'ai toutefois déposé un amendement visant à permettre que le référendum puisse avoir lieu, en revanche, le même jour qu'une élection nationale.

Enfin, nous souhaitons que soit explicitée la notion d'« examen » par le Parlement, car il y a dans la rédaction de l'article 11 un grand flou sur le sujet. Nous vous suggérons de lever toute ambiguïté en précisant qu'il revient à chacune des deux assemblées, dans le délai de trois mois qui lui est imparti, soit de s'abstenir de faire quoi que ce soit pour permettre l'organisation d'un référendum, soit de se prononcer, en séance publique, par un vote de rejet ou d'adoption, sur le texte qui lui est soumis.

II s'agit là d'une lecture respectueuse, ni plus ni moins, de la lettre de l'article 11. Ni plus, car nous n'avons pas tenté de réintroduire les améliorations que nous appellerions de nos voeux ; ni moins, car nous souhaitons avoir la certitude que les faibles avancées obtenues ne soient pas rabotées par des dispositions d'application trop contraignantes.

Dans ce contexte, qu'est-ce qui pourrait justifier le rejet d'une proposition de loi organique visant à rendre possible l'application d'une disposition constitutionnelle votée par le Parlement réuni en Congrès ?

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