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Intervention de Brice Lalonde

Réunion du 24 novembre 2010 à 9h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique :

Cette dernière question dépasse largement le champ climatique. Elle sera abordée au prochain sommet de la Terre de 2012. L'urgence des problèmes liés au climat, et l'importance accordée par les médias, ont eu tendance à faire passer à l'arrière-plan d'autres défis cruciaux pour notre écosystème, comme celui de l'accès à l'eau. Il est vrai que la surpopulation n'a pas été abordée. On espère que l'amélioration du niveau de vie et de la condition des femmes permettra d'infléchir la tendance. La seule question est de savoir s'il serait possible d'aller plus vite, et comment.

Les négociations ne se limitent pas au cadre de la CCNUCC. L'impulsion n'est pas donnée dans les instances onusiennes, mais par les initiatives et les partenariats locaux. Les Nations unies devraient d'ailleurs faire preuve de modestie : elles ne sont que le lieu où se légitime tout ce qui est entrepris ici et là.

Que va-t-il se passer aux États-Unis après le revers subi par les démocrates ? L'administration Obama va recourir au vecteur réglementaire, qui n'aura pas la même portée qu'une loi. La question climatique se trouve malheureusement l'otage de l'affrontement entre républicains et démocrates. Alors que tous s'accordent en Europe à reconnaître l'importance du problème, les désaccords éventuels ne portant que sur leur traitement, le constat lui-même ne fait pas l'unanimité outre-Atlantique. Heureusement, beaucoup d'États y prennent les choses en mains ;.certaines villes sont parvenues à réduire leurs émissions au niveau de 1990 ; les initiatives de la société civile, des autorités locales et même d'entreprises y foisonnent.

Taxe carbone ou marché du carbone, l'alternative n'est pas nouvelle. Les deux peuvent avantageusement coexister. La taxe présente l'avantage de donner un prix à l'émission de carbone, voire de pénaliser son rejet dans l'atmosphère ; elle ne permet pas en revanche de connaître le résultat. Le système des quotas fixe, lui, un plafond d'émissions. On débat en Europe de l'institution d'une taxe carbone. Le projet au niveau mondial n'est pas plus réaliste – ou plus irréaliste – que celui de relier l'ensemble des marchés du carbone en une place internationale unique. La Chine elle-même réfléchit à la mise en place d'une taxe carbone intérieure, peut-être d'ailleurs pour éviter que des pays tiers, notamment l'Union européenne, ne mettent en place un mécanisme d'ajustement aux frontières.

L'état d'esprit général est crucial. Il n'est pas facile de faire s'accorder 190 pays, et avec eux, le paysan andin, le pêcheur mauritanien, le commerçant chinois. Rien ne sera possible sans une volonté des peuples. Un sondage a montré que le changement climatique est une préoccupation pour la jeunesse française, beaucoup moins pour la jeunesse américaine. Un effort de communication est nécessaire, de même qu'une diffusion des données scientifiques, afin d'inciter chacun à participer par des gestes quotidiens. Les collectivités locales aussi jouent un rôle très important. L'un des objectifs de Cancún est précisément de mieux associer tous les partenaires à la discussion.

S'agissant des MRV, l'expérience nous a appris que le mécanisme fonctionne. La Chine serait la moins encline à s'engager, mais le Brésil et l'Inde ont formulé des propositions auxquelles elle devrait se rallier : elle ne peut pas s'isoler. Elle demande d'ailleurs de l'aide sur ce point, ne sachant pas ce qui se passe dans ses provinces les plus reculées où les pouvoirs locaux ne rapportent pas au pouvoir central. L'ambassadeur de Chine en France résume bien la situation dans son pays où s'opposent d'un côté des conservateurs nationalistes, de l'autre des modernistes plus ouverts. Ceux-ci, disposés à s'engager dans la lutte contre le changement climatique, expliquent qu'il est contre-productif de se montrer trop pointilleux avec la Chine, les conservateurs excipant alors des obligations imposées pour tout bloquer. Mieux vaut jouer la carte de l'incitation que celle de la contrainte. En visite à Shanghaï, j'ai pu constater l'enthousiasme des modernistes. La grande qualité des ingénieurs urbanistes et leur véritable passion pour les bâtiments verts m'ont impressionné.

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