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Intervention de Brice Lalonde

Réunion du 24 novembre 2010 à 9h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Brice Lalonde, ambassadeur chargé des négociations internationales sur le changement climatique :

La France a une position forte dans les négociations internationales sur le climat, d'une part parce que son Gouvernement est très engagé sur le sujet, d'autre part parce qu'elle possède un réseau diplomatique fort et influent. Elle peut également s'appuyer sur des organismes reconnus, appréciés et très actifs, comme l'Institut de recherche pour le développement ou l'Agence française de développement.

Pour ce qui est des attributions ministérielles, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre chargée de l'écologie et du développement durable, qui a la responsabilité des négociations sur le climat et c'est à elle que je me réfère.

La France a fait des propositions innovantes, lançant notamment avec la Norvège un partenariat mondial pour la forêt, dans le cadre du processus Paris-Oslo, qui permet d'éviter la déforestation. C'est elle encore qui, lors de la conférence de Bali, a introduit la notion de déforestation évitée, afin d'empêcher la récompense des pays les moins vertueux par le critère de la réduction de la déforestation : les pays ayant déjà sacrifié leur forêt pouvaient bien sûr plus facilement limiter le déboisement supplémentaire. La France travaille également avec le Kenya à un projet, qu'elle essaie de faire partager, de contribution volontaire des entreprises d'électricité au financement de l'électrification des zones rurales en Afrique.

Une question suscite toujours le débat au sein de l'Union européenne. Faut-il attendre que tous acceptent des obligations gravées dans le marbre d'un texte international ou, par pragmatisme, ne peut-on se satisfaire d'engagements au niveau domestique ? La France fait confiance aux nations ; il n'est pas indispensable que tout figure dans un accord international, sauf à attendre encore des décennies. Les pays les plus rétifs de l'Union sont les nouveaux membres d'Europe centrale et orientale, parmi lesquels la Hongrie et la Pologne, qui assureront la présidence tournante en 2011.

Une autre difficulté est apparue dans la représentation de l'Union dans les négociations. Il est arrivé qu'on se demande qui devait parler au nom de l'Europe. Mais là n'est pas le plus important. Le véritable problème est que l'Union européenne a du mal à exister politiquement sur la scène internationale. Si elle instaurait un mécanisme d'ajustement aux frontières sur ses importations, nul doute que son poids serait mieux reconnu. Les diplomates européens, très au fait des sujets pour avoir consacré beaucoup de temps à des négociations internes aux Vingt-Sept, arrivent exténués dans les sommets internationaux.

Il existe effectivement des groupes de pression hostiles à tout accord, contre lesquels il faut livrer bataille. Beaucoup d'associations, aux États-Unis notamment, qui considéraient qu'on pouvait coopérer avec les entreprises, commencent à revoir leur position. Si certaines sociétés, celles qui pensent tirer profit de l'économie verte surtout, sont favorables à la lutte contre le changement climatique, d'autres sont résolument opposées à toute action. Les choses évoluent cependant : en Californie, grâce à l'action sans relâche des gouverneurs successifs, on consomme déjà en moyenne 40% de moins d'énergie par tête que dans les autres États américains. Les électeurs californiens ont repoussé la proposition référendaire qui leur était soumise de quitter le Western Climate Initiative, futur marché du carbone.

S'agissant de ma modeste personne, si j'ai été désigné auprès des Nations-Unies pour organiser le prochain Sommet de la Terre à Rio en 2012, cela n'a rien à voir avec le remaniement ministériel. La décision a été prise depuis longtemps. Au-delà de la question du climat, seront également abordées à cette occasion les relations Nord-Sud ou la gouvernance mondiale en matière d'environnement.

Les crédits promis à Copenhague sont bien additionnels. Je reconnais qu'il peut y avoir des difficultés de traçabilité. D'une part, le label « financement d'actions précoces » a été donné à des crédits dont le principe avait déjà été décidé. En outre, lorsque ces crédits vont au Fonds mondial pour l'environnement, on ne sait pas exactement à quels projets précis celui-ci les affectera. Mais soyez assurés qu'ils sont bien engagés.

J'ignore quelle suite donnera l'Union aux propositions de financements innovants. Elle doit de donner l'exemple. Même si les États-Unis et la Chine ne la respectent pas en tant que puissance politique, chacun se tourne vers elle lorsqu'il s'agit d'avancer sur le climat. Le projet de réduire les émissions de plus de 20% n'est pas encore partagé. En revanche, l'idée d'une deuxième période d'engagement, au-delà de 2012, au titre du protocole de Kyoto, fait son chemin. Gagne-t-on davantage, dans la compétition mondiale, à s'engager plus que les autres dans l'économie verte et les énergies alternatives ? La question est à la fois politique et économique.

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