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Intervention de Frédéric Oudéa

Réunion du 3 novembre 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société Générale :

Je ne pense vraiment pas.

Quelques mots d'abord sur la rémunération des opérateurs de marché. Les dispositions qui ont été prises vont dans la bonne direction ; mon seul souhait est que les règles s'appliquent à tous, et avec la même rigueur qu'en France. Pour ma part, en tant que patron de banque, agissant pour le compte de mes clients et de mes actionnaires, je n'ai absolument aucun intérêt spécifique à verser des rémunérations très élevées aux opérateurs. Les dispositifs visant à différer la rémunération, à la verser pour partie sous forme d'actions ou, si une prise de risque inconsidérée est décelée, à pouvoir remettre en cause la rémunération différée, vont dans le bon sens. Mais, il ne suffit pas de régler la question de la rémunération pour régler celle du risque : chez Lehman, les collaborateurs étaient payés quasiment exclusivement en actions Lehman ; le fait qu'ils soient si directement exposés à l'évolution du cours de l'action n'a pas empêché la faillite.

S'agissant de la rémunération des dirigeants, les stock-options constituent-elles un outil efficace ? Elles sont à mon sens une assez bonne incitation, en ligne avec l'intérêt des actionnaires, dès lors que l'on s'inscrit dans la durée. On est loin de gagner à chaque fois : les stock-options de la Société Générale accordées au cours des années 2004 à 2008 ont des prix d'exercice qui reviennent à leur ôter leur valeur aujourd'hui. En outre, en ce qui concerne les dirigeants, l'exercice des stock-options est soumis à une double condition de performance : non seulement il faut, pour qu'il y ait rémunération, que le cours de l'action soit supérieur au prix d'exercice, mais il faut aussi que l'entreprise satisfasse à un critère de performance – par exemple, concernant la Société Générale, se trouver dans le premier quartile des banques européennes.

Par ailleurs, les dirigeants sont tenus de conserver un nombre important d'actions. J'ai moi-même l'obligation de conserver une fraction importante des actions levées dans le cadre du mécanisme de stock-options, et au total je dois garder un stock de 30 000 actions Société Générale. Mon patrimoine serait donc très directement exposé en cas d'accident sur l'action.

En pratique, en 2009 et en 2010, les mandataires sociaux de la Société Générale n'ont eu ni part variable en espèces ni stock-options. En ce qui me concerne, je suis un dirigeant sans filet de sécurité puisque j'ai appliqué strictement les règles du code AFEP-MEDEF : j'ai démissionné de mon contrat de travail. Je n'ai pas de retraite chapeau – c'est à moi d'épargner pour financer mon complément de retraite. Je pense qu'il serait sain, indépendamment de mon cas personnel, que je retrouve une incitation financières inscrite dans la durée, que ce soit sous forme de stock-options ou d'actions gratuites.

Enfin, vous me demandez mes propositions pour assainir les marchés financiers.

Au-delà de ce que j'ai déjà indiqué, il me paraît important d'avoir une vision exhaustive du sujet. Les banques ne sont pas les seuls acteurs. Enlever des activités aux banques, que l'on sait contrôler, pour qu'elles se déploient ailleurs ne me paraît pas être le meilleur moyen de renforcer la sécurité du système. Si l'on retient cette logique, il faut au moins faire en sorte que l'univers qui se développe hors des banques soit un peu contrôlé.

En ce qui concerne les banques, la réglementation qui se met en place est, je l'ai dit, extrêmement contraignante. Elle conduit la Société Générale à de profondes transformations, comme toutes les banques européennes. Il ne faut pas aller trop loin pour ne pas trop peser sur leur capacité à financer l'économie et pour ne pas aboutir, paradoxalement, à les pénaliser davantage alors que l'Europe s'en est mieux sortie que les États-Unis. Une stabilisation de la réglementation est en tout cas souhaitable, afin de redonner aux banques la visibilité nécessaire.

Enfin, il faut traiter le sujet des plates-formes de compensation et des mécanismes de transparence sur les transactions. La question prioritaire est celle des CDS, mais on peut s'intéresser aux swaps et à d'autres instruments. Encore une fois, il ne faut pas s'occuper seulement des banques.

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