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Intervention de Joseph Maïla

Réunion du 17 novembre 2010 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Joseph Maïla, directeur de la prospective du ministère des affaires étrangères :

C'est un grand honneur pour moi d'être reçu pour la deuxième fois par cette commission.

La situation des chrétiens dans les pays de la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient est inquiétante, d'autant plus que les menaces se sont récemment multipliées, accentuant ainsi les raisons qui les poussent au départ.

L'attaque de l'église syriaque catholique, la basilique Notre-Dame du Salut, à Bagdad est à considérer avec beaucoup de sérieux. La France a réagi très vite, le ministre Bernard Kouchner a aussitôt écrit à sa Béatitude Mgr Delly, le Patriarche des Chaldéens d'Irak. Nous avons envoyé très vite un avion pour rapatrier les blessés, une démarche qui s'inscrit dans un programme qui existe depuis 2007 au titre des rapatriements d'urgence et qui a concerné déjà 1 300 personnes. Le ministère de l'immigration a mis à notre disposition les visas nécessaires et les personnes rapatriées ont pu demander le statut de réfugié.

Dans le même temps, la France a saisi le Conseil de sécurité des Nations unies au sein duquel s'est tenu il y a quelques jours un débat qui a donné lieu à une déclaration conjointe à la presse. Les consultations ont pour la première fois été explicitement consacrées à la question des chrétiens d'Orient, inscrite dans une actualité plus large concernant l'Irak et la protection des lieux de culte. Plusieurs orateurs se sont exprimés en ce sens au Conseil de sécurité. Notre représentant permanent, l'Ambassadeur Gérard Araud, a pu faire valoir le sens de cette démarche et notre position qui ne concerne pas uniquement les chrétiens d'Orient mais s'applique à toutes les minorités persécutées de cette région.

Les évènements récents et les départs qu'ils ont entraînés s'inscrivent dans un processus de lent déclin des populations chrétiennes dans les pays du Moyen-Orient. Sur un plan démographique, avant tout : les chrétiens sont environ 20 millions – dont 5 millions de catholiques, le reste relevant des églises orthodoxes autocéphales – sur une population globale de 356 millions d'habitants. La plus grande communauté chrétienne de la région est constituée par les coptes d'Egypte qui seraient entre 6 et 8 millions – il est difficile d'être plus précis en l'absence de données parfaitement fiables – et qui représentent à eux seuls près de la moitié des chrétiens d'Orient. Au Liban, la part des chrétiens – toutes dénominations confondues - a beaucoup diminué et ils ne représentent plus que 38 à 40 % de la population.

La situation la plus dramatique et la plus urgente est celles des chrétiens d'Irak, qui étaient estimés entre 800 000 et 1 million avant la chute de Saddam Hussein et qui ne seraient plus maintenant qu'autour de 300 000 à 400 000. La moitié des chrétiens est partie en sept ans seulement et la lente érosion s'y accélère de façon spectaculaire et dramatique ; les chrétiens – et leurs églises – sont devenus en tant que tels les cibles directes des terroristes d'Al Qaïda et c'est là un fait nouveau. La position de la France, maintes fois exprimée, n'est pas de prendre parti pour les chrétiens parce qu'ils sont chrétiens mais de défendre toutes les minorités confessionnelles discriminées. C'est l'évolution brutale de la situation qui justifie notre implication pour venir en aide aux chrétiens d'Irak.

En Syrie, aujourd'hui, les chrétiens seraient entre 5 et 10 % d'une population totale de 22 millions. En Jordanie, ils représentent environ 3 à 4 % de la population. Le départ des chrétiens de Palestine, qui ne dépassent pas 2 %, nous inquiète beaucoup. Dans les États du Golfe, on dénombre plus de 3,5 millions de chrétiens mais il s'agit pour la plupart d'immigrants économiques : travailleurs philippins, chrétiens syro-libanais et cadres occidentaux, européens ou américains.

Globalement, on peut affirmer que la question des chrétiens d'Orient ne se réduit pas à l'aménagement de leur présence mais, de plus en plus, à leur effacement progressif et désormais accéléré de cette région.

La première raison de cette émigration était plutôt d'origine économique ; elle s'est ensuite accélérée en raison d'un climat général marqué par la montée de l'islamisme et peu favorable aux chrétiens, qui a conduit à une absence de perspectives d'avenir pour des minorités qui ne voient pas quelle peut être leur place dans cette région. La troisième raison a trait aux mécanismes de participation ; hormis dans quelques pays où des quotas ont été mis en place comme au Liban, ou même en Irak où les chrétiens disposent de cinq députés au Parlement, la situation est généralement caractérisée par l'absence de mécanismes d'association et de participation au pouvoir. Dans la plupart des pays de la zone, les chrétiens dépendent, pour leur statut et pour la place qu'on réserve à leur communauté dans le partage du pouvoir, de la situation politique et du bon vouloir du Prince. Leur existence n'est souvent pas mentionnée dans les Constitutions, plus ou moins teintées d'islam, de ces pays et, dans les faits, leur présence est oubliée et s'efface avec le temps.

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