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Intervention de Jean-Luc Hees

Réunion du 17 novembre 2010 à 10h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Jean-Luc Hees, président de Radio France :

Merci de me recevoir. Il est toujours intéressant pour une entreprise comme la nôtre d'échanger avec les parlementaires qui garantissent la continuité du service public, surtout dans un contexte financier difficile.

Pour commencer, les engagements pris dans le précédent contrat d'objectifs et de moyens 2006-2009 ont été tenus – ayant pris mes fonctions le 12 mai 2009, je n'en assume que sept mois et demi mais j'avais trouvé en arrivant une maison très bien gérée. Les objectifs formulés par la précédente équipe autour de deux axes – réaffirmer la spécificité du service public radiophonique et accompagner l'évolution d'un environnement concurrentiel – ont été globalement remplis.

Pour ce qui est du nouveau contrat, je voudrais, et ce n'est pas une formule de politesse, remercier l'ensemble des partenaires qui ont participé à son élaboration au cours d'un travail qui a duré plusieurs mois. Ce contrat d'objectifs et de moyens, qui couvrira cette fois cinq années, est particulièrement important, car ce sera une période charnière pour notre industrie. Nous avons pu nous faire entendre des parlementaires, que ce soit ici ou au Sénat, et faire comprendre les ambitions que nous avions pour cette maison. Au terme des négociations, et malgré le contexte financier difficile, la société Radio France a les moyens d'assumer l'intégralité de ses missions et même de développer ses activités de façon raisonnable. C'est un vrai soulagement pour les dirigeants de la maison, surtout dans une période très dure pour l'industrie des médias. Merci donc d'avoir compris et accompagné nos ambitions.

Quant à notre audience, monsieur Martin-Lalande, je suis un peu frustré puisque nous ne connaîtrons que demain matin le résultat de l'étude 126 000 Radio de Médiamétrie, qui donne le classement et surtout l'état de santé de toutes les radios de France. Tout au long de ce sondage, qui dure deux mois, nous avons eu des soucis liés à ce qui s'est passé sur France Inter, avec notamment l'éviction de deux humoristes. Il y a eu d'importants réaménagements en juin, et on nous avait promis un effondrement de l'audience. Mais nos propres outils de mesure nous ont rassurés sur l'avenir de France Inter, comme de toutes nos chaînes d'ailleurs. Il faut par ailleurs tenir compte des conséquences des mouvements de grèves des deux derniers mois : six jours d'interruption de l'antenne sur quarante-cinq et un préavis de grève d'un mois au total auront forcément un impact sur les mesures de Médiamétrie.

Tout bien considéré, la journée de demain sera sans doute assez bonne pour l'ensemble de la maison. Or, c'est bien la fonction principale de Radio France que de tenir des antennes au service du public. Je ne me suis jamais considéré comme un obsédé du sondage et pourtant, je le suis devenu. Nous sommes une entreprise et nous essayons de nous enorgueillir de bons résultats – les mauvais, c'est un cauchemar, y compris pour le service public. Je suis donc satisfait que nous parvenions à conserver nos positions, dans un environnement difficile et un contexte de mutations technologiques. Cela dit, j'ai toujours cru à l'importance du contenu. Les antennes de Radio France ont une forte valeur ajoutée. Elles diffèrent par leur contenu de la plupart des autres. Et j'ai tendance à penser que si la qualité est là, et qu'on l'améliore sans cesse, malgré toutes les difficultés, cela donne la valeur ajoutée qui fait la différence dans la compétition.

France Inter a donc conservé ses positions. France Info aussi, à laquelle je veille particulièrement puisqu'elle subit de plein fouet les bouleversements technologiques en cours – elle était il y a encore peu de temps le seul média à délivrer les alertes info que vous recevez tous aujourd'hui sur vos téléphones intelligents. On assistait depuis plus de deux ans à une érosion d'audience spectaculaire, que certains semblaient considérer comme inéluctable. Mais nous avons pris le taureau par les cornes. Le format a été sensiblement modifié à la rentrée 2009, et l'on verra sans doute demain que l'érosion a été stoppée. Ce qui ne veut pas dire que France Info échappe par miracle à la concurrence d'internet : le chantier doit se poursuivre, sachant par ailleurs que les auditeurs des France Info sont les mieux équipés en matière d'informatique et de nouvelles technologies. C'est donc un marché assez complexe, sur lequel nous travaillons beaucoup.

France Bleu nous apporte aussi de grandes satisfactions. C'est un réseau qui a plus de vingt ans et qui a pris son rythme de croisière. Il ne dessert pour l'instant que 70 ou 72 % du territoire et nous avons l'ambition de poursuivre son développement, dans la mesure des moyens prévus par le contrat d'objectifs et de moyens. C'est au fond la deuxième radio généraliste de France sur son bassin d'audience, ce qui est considérable. Elle tourne autour de sept points d'audience, soit trois millions et demi de personnes qui fréquentent assidûment ses antennes, et cela augmentera en fonction du développement que nous pourrons obtenir dans les années qui viennent. Une 43è station de France Bleu devrait ouvrir dans les prochaines semaines à Toulouse. La région Midi-Pyrénées est la plus vaste de France, c'est une région extrêmement dynamique – dix mille personnes s'installent à Toulouse chaque année. Il nous semble donc essentiel, au nom de la continuité du service public, que cette station voie le jour – nous aurons la fréquence dans les semaines qui viennent. Ce réseau est d'autant plus important que France Bleu est aussi une façon de désenclaver la parole des régions. Ainsi, par le biais de notre dernière station, qui s'est ouverte le 1er juin, la ville du Mans et le département de la Sarthe trouvent un écho sur les antennes nationales. C'est très important pour la vie publique et politique des lieux où France Bleu est installée.

France Culture est une maison extrêmement stable, qui continue de remplir parfaitement sa mission. Elle a changé de directeur il y a peu de temps, Bruno Patino ayant été appelé à France Télévisions, mais Olivier Poivre d'Arvor a pris la relève depuis début septembre avec des idées qui me conviennent. L'audience est stable. France Musique, elle, rencontre quelques difficultés. Je verrai demain, avec le sondage Médiamétrie, si les options prises à la rentrée sont satisfaisantes mais j'ai tendance à penser qu'il faut continuer à affiner l'offre. FIP a fait l'objet comme les autres d'un certain nombre de réformes. Bien nous en a pris manifestement, puisque son audience a augmenté de 10 %. C'est une niche, certes, mais la satisfaction des gens que nous servons – les citoyens de ce pays – reste primordiale.

Enfin, j'aimerais insister sur une antenne qui m'est chère : Le Mouv', treize ans maintenant, qui était installée à Toulouse et qui n'a pas, comme on dit pudiquement, rencontré son public au fil des années. La dernière étude Médiamétrie faisait état d'environ 300 000 auditeurs, ce qui n'est pas convenable pour une radio qui a l'ambition de s'adresser aux « jeunes ». Je pense qu'il est possible d'attirer du monde vers une station qui soit autre chose qu'un robinet à musique – il y a une concurrence infinie dans ce domaine. Il était temps de lui donner un contenu éditorial, tout en lui conservant une forte densité musicale. Les jeunes de ce pays n'ont pas besoin d'un gadget de plus dédié au rap ou au rock. Ce ne sont pas des citoyens de seconde catégorie.

Nous avons donc pris un pari extrêmement risqué. D'abord, nous avons fait venir la station à Paris. La vie culturelle est très dense à Toulouse mais on admettra qu'il est plus facile, si l'on prend une option culturelle très forte, de voir des gens du cinéma, du théâtre, de la chanson ou de la littérature à Paris. En outre, c'est beaucoup plus économique puisque la station finissait par fonctionner selon une bipolarisation coûteuse. Enfin, le Mouv' est une radio exclusivement urbaine. Après avoir mis tous ces aspects dans la boîte à idées, nous avons fini par décider d'afficher clairement les couleurs, même de façon caricaturale – nous affinerons à l'antenne au fil des semaines. Il y a chaque jour un magazine culturel de deux heures, de très haute tenue. C'est risqué, mais la culture n'est pas un gros mot quand on a 18 ans. Ensuite, si l'on se plaint que la jeunesse s'écarte des isoloirs et porte un regard négatif sur la vie politique, il faut essayer de l'éduquer. Nous nous activons donc pour que les politiques viennent s'exprimer sur cette antenne – plusieurs d'entre vous l'ont déjà fait. Il y a une tranche de débat tous les soirs de 18 à 20 heures – imparfaite par définition, mais on sent que quelque chose se passe et qu'on peut aborder tous les sujets. La tranche du matin est assez rock, avec deux animateurs à forte personnalité – tout cela dans une absolue liberté : à nous d'être responsables – et il y a une tranche d'information et de service à l'heure du déjeuner. Pardon d'être un peu long, mais c'est un des chantiers que je considère comme prioritaires dans notre activité de service public.

M. Martin-Lalande a parlé de flou à propos de la radio numérique terrestre. C'est une situation parfois très inconfortable pour une maison comme Radio France, même si je peux comprendre les réticences des autres entreprises du secteur. Pour notre part, nous nous sommes résolument engagés sur la voie de la RNT, nous nous sommes préparés, nous avons notre multiplex. J'y vois d'infinies vertus pour un service public. La gratuité, d'abord – et il faut se battre pour que la radio reste gratuite. L'anonymat ensuite. Pensez qu'après le 18 juin 1940, personne ne pouvait savoir quels étaient les Français qui écoutaient la radio chez eux ! La référence est grandiloquente, mais la radio sous IP – le fait que ce soient des opérateurs internet ou de télécommunications qui gèrent notre diffusion – fait courir ce risque de perte d'anonymat. Ce sont des choses dont on parle peu, mais qui sont pour moi fondamentales. Enfin, la radio numérique pourrait conforter nos bassins d'audience. Nous avons trois chaînes qui couvrent entre 85 et 90 % du territoire, et d'autres comme le Mouv' ou France Bleu qui en sont loin. Or, nous sommes un service public. Je suis donc pour une couverture de 100 %. Si on paye une redevance, on a droit au service correspondant. Nous avons aussi des obligations de continuité du service public, en matière de défense par exemple, qui ne peuvent être assurées que si nous sommes entendus par tous. Je suis donc un défenseur de la radio numérique terrestre. C'est sur le mode de démarrage qu'on peut discuter : nos amis du privé veulent une aide de l'État, et je comprends leur souci dans un marché vraiment difficile.

Quant à la renégociation de notre convention collective, nous avions souhaité procéder rapidement mais la Cour d'appel ne l'a pas permis. Je n'ai pas de commentaire à faire sur une décision de justice. Si nous voulions aller très vite, c'est que ce chantier est un outil de modernisation de l'entreprise. Nous avons toujours dit que nous ne voulions pas seulement conserver les positions de l'ancienne convention collective, mais faire mieux. Je crois que le personnel le sent. La négociation dure depuis plusieurs mois, et ce n'est pas fini puisqu'elle doit aboutir en février 2011 pour les journalistes et en 2012 pour le personnel technique et administratif. Mais la direction est pressée parce que nous pensons que la période est propice à une véritable modernisation de la maison. Quant au surcoût qu'une nouvelle convention collective entraîne toujours, en tout cas la première année, vous comprendrez que je saboterais les négociations si je vous exposais nos marges de manoeuvre…

Enfin, les travaux de réhabilitation de la maison ont démarré avec quatre ans de retard. Nous avons signé les contrats avec les entreprises le 8 juin 2009, un mois après notre arrivée, ce qui n'a pas été sans créer un léger stress. Le chantier se déroule très bien, dans de bonnes conditions de transparence financière et de suivi – je rends hommage à la compétence des gens de la maison, et notamment à Christian Mourougane. C'est un chantier extrêmement compliqué, et qui peut entraîner des tensions dans l'entreprise, puisque nous continuons notre activité en même temps, mais je suis très satisfait de son déroulement. Il y a de légers retards, deux mois par exemple pour le parking, à cause de la nature du terrain et des intempéries de l'hiver dernier, mais qui n'ont pas de conséquence pour la suite du phasage. Pour l'instant, nous restons dans les temps et dans l'enveloppe financière.

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