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Intervention de Augustin de Romanet

Réunion du 27 octobre 2010 à 17h00
Commission d'enquête sur les mécanismes de spéculation affectant le fonctionnement des économies

Augustin de Romanet, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

C'est toute la tragédie de la directive sur les marchés d'instruments financiers, dite « MIF », qui, en libéralisant les marchés réglementés, visait à y rendre les transactions moins coûteuses. Résultat : les pratiques de spot trading se sont multipliées, avec des taux de commission tellement ridicules que plus personne ne gagne d'argent, cela sans parler des fameuses chambres de compensation « sauvages », les dark pools. Bref, on ne contrôle plus rien, et l'opérateur particulier n'y a rien gagné.

Voilà trois domaines dans lesquels la régulation pourrait être améliorée. Je vous ai, comme promis, épargné les développements sur la nécessité de la spéculation au regard de la liquidité des marchés, de la délivrance gratuite de l'information et de l'ajustement des prix. Je ne citerai qu'un exemple, qui intéresse la Caisse des dépôts, pour illustrer le fait que des marchés organisés peuvent être le moyen – et peut-être le seul – d'atteindre certains objectifs de politique publique : l'exemple du marché carbone. Aux États-Unis, la pollution atmosphérique urbaine au dioxyde de soufre a été résorbée grâce au « cap and trade », système de plafonnement et d'échange de quotas que l'on essaie de mettre en place au niveau mondial pour le CO2. Cette spéculation, bien organisée et à condition de se prémunir contre les fraudes à la TVA, me semble bénéfique au regard des objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre ; les pouvoirs publics, qui ont confié un rapport à Michel Prada, ainsi que l'AMF, en sont d'ailleurs conscients.

J'ajouterai un mot sur une question à laquelle, en tant que président du directoire du Fonds de réserve des retraites, je n'ai jamais eu de réponse bien que je l'aie souvent posée : l'achat de matières premières agricoles – sous forme de produits dérivés, bien entendu – a-t-il un impact négatif sur les prix ? J'avais l'intuition que oui ; mais aucune des études que nous avons commandées ne l'a confirmée.

La seule spéculation qui me semble devoir nous inquiéter est celle qui porte sur les terres agricoles en Amérique latine et en Afrique : que diraient les paysans de la Beauce si le fonds souverain chinois y achetait des hectares de blé ? L'intérêt de celui qui possède des actifs agricoles sur un continent étranger ne me paraît pas nécessairement convergent avec celui des populations ou des exploitants locaux : si par exemple les seconds peuvent avoir intérêt à développer une culture respectueuse de l'environnement, le premier peut tirer avantage de cultures polluantes, qui nuisent à ces populations.

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