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Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 19 décembre 2007 à 15h00
Pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristiane Taubira :

En revanche, vous ne savez pas leur inventer un conte de Noël, comme celui que vous servez aux fonctionnaires et aux salariés des petites et moyennes entreprises, avec des promesses de patrons, qui n'attendraient que les oukases du Gouvernement pour verser un pécule gagné en travaillant. Les outre-mer, vous le savez, sont placés sous le régime de l'identité législative. Ils sont donc totalement concernés par ces mesures, à ceci près que les dispositifs spécifiques qui ont été mis en place jettent un éclairage impitoyable sur les impossibilités et les freins qui s'opposeront à vos voeux pieux. Vous auriez pu énoncer, évaluer et surtout neutraliser ces obstacles, puisque gouverner, c'est prévoir.

Sur la question du logement, par exemple, en Guyane, l'État, qui s'est déclaré propriétaire à titre privé de 90 % du territoire, provoque une rareté foncière artificielle et induit un enchérissement du coût des terrains, que ce soit pour la construction individuelle, les lotissements ou les constructions d'équipements publics. Tant que vous n'aurez pas modifié la politique foncière, quels que soient les subterfuges incitatifs que vous imaginerez, les blocages resteront rédhibitoires. Quant à la LBU, la ligne budgétaire unique, et le FRAFU, ce fonds régional où se pratique la fongibilité des dotations d'acquisitions foncières, d'équipements et de constructions, tant que l'État prendra ses aises sur le versement des budgets, qui sont pourtant affichés, nous serons confrontés à des retards et à des engorgements. Les déclarations d'intention n'ont jamais eu d'effet sur la réalité. Nous l'avons constaté : la loi de défiscalisation n'y change pas grand-chose. Tant que vous n'imposerez pas le respect de la loi SRU, vous serez réduits à des querelles pour savoir quel gouvernement en a fait le moins pour les mal-logés, les sans-abri, voire pour les classes moyennes.

Parlons de ces semblants de sommations enjoignant les entreprises de verser une prime exceptionnelle équivalant à la réserve de participation, à une hauteur maximale de 10 % de ce que vous croyez dû aux salariés des grandes entreprises. Si vous aviez voulu ajouter des malentendus aux relations entre les citoyens et les entreprises, vous n'auriez pas procédé différemment. En effet, vous ne tenez aucun compte de l'environnement financier des entreprises ni du fait que leurs réserves de trésorerie sont souvent réduites, faute de solutions pérennes à leurs besoins de haut de bilan, a fortiori quand les TPE, les très petites entreprises, constituent 80 % du tissu économique.

Enfin, pour des économies dépendant à 85 % de l'importation, il serait étonnant que des mesures aussi convenues s'avèrent efficaces. La question centrale du pouvoir d'achat n'est-elle pas la redistribution ? Hélas ! Le Gouvernement considère sans doute qu'il s'agit d'un gros mot, sauf lorsqu'il s'agit d'alimenter le paquet fiscal. Traiter du pouvoir d'achat, c'est traiter des inégalités, qu'elles soient liées aux conditions de naissance, de situation économique, de position sociale, aux accidents de la vie ou aux accidents de parcours. Traiter du pouvoir d'achat, c'est s'atteler à réparer les injustices. Il est peu vraisemblable que les tours de passe-passe du Gouvernement y suffisent. Pour cela, il existe deux voies : une politique économique de création de richesses et de prospérité, qui ne saurait se résumer à des invocations mystiques à la croissance, ou une politique de redistribution, dont l'épine dorsale demeure la fiscalité. Vous en êtes là aujourd'hui, parce que vous avez oublié que donner aux plus riches n'a jamais relancé la consommation.

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