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Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 8 novembre 2010 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement :

Je répondrai d'abord à M. Bourguignon, s'agissant du décalage entre les plafonds d'ETP travaillés et les effectifs réels dans les tribunaux administratifs, que les moyens du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » ont été sensiblement augmentés au cours des dernières années, ce qui a permis de continuer à améliorer les délais de jugement, et ce dans un contexte de forte progression du contentieux.

Toutefois, les capacités de recrutement de la juridiction administrative ne permettaient pas, jusqu'à présent, de pourvoir à toutes les créations de postes de magistrat inscrites en PLF, de sorte que quarante emplois vacants environ étaient constatés en début d'année juridictionnelle. Ces vacances étaient particulièrement sensibles dans les juridictions les plus importantes, qui sont soumises au turn-over. Grâce à une politique de recrutement plus dynamique, le niveau des vacances a été mieux maîtrisé. Ainsi, au 1er octobre 2010, les juridictions ne comptaient plus que seize postes vacants : deux en moyenne par juridiction, à l'exception du tribunal administratif de Versailles, qui en compte cinq. Même si la situation risque de se dégrader légèrement en cours d'année, l'ensemble des postes vacants devraient être pourvus après la prochaine vague d'affectations, qui interviendra le 1er juillet 2011. En effet, il est prévu de recruter dès le début de l'année prochaine quatre-vingt-dix nouveaux magistrats : neuf issus de l'ENA, treize au tour extérieur, vingt-six au titre des détachements, deux militaires, et quarante dans le cadre de concours complémentaires. Après une formation de six mois, ils seront affectés au centre de formation de la juridiction administrative. Le nombre de magistrats en activité dans le corps devrait alors permettre de porter de manière pérenne l'effectif des juridictions à hauteur de leur plafond d'emplois.

On m'a également demandé si les moyens humains étaient suffisants. La Cour nationale du droit d'asile, rattachée au programme depuis le 1er janvier 2009, a, depuis cette date, été confrontée à une croissance de plus de 15 % par an du contentieux, sans parler de la multiplication des demandes d'aide juridictionnelle. La conséquence directe est que le délai moyen de jugement de la Cour nationale du droit d'asile a atteint quinze mois en 2009, alors qu'il était prévu de le ramener à six mois en 2011. Dans la mesure où, comme le révèle le rapport d'information remis au mois d'octobre par vos collègues sénateurs MM. Bernard-Reymond et Frécon, cette progression du contentieux devrait durer, un plan d'action spécifique a donc été élaboré pour les années 2011-2013. Un protocole d'accord a été signé avec l'ensemble des représentants du personnel de la Cour nationale du droit d'asile pour répondre aux inquiétudes exprimées et inscrire les efforts engagés dans une perspective consensuelle. Le plan d'action doit permettre de revenir, à la fin de 2013, à un délai moyen de jugement de six mois. Il prévoit, d'une part, un renforcement significatif des moyens de la juridiction, d'autre part, une évolution des méthodes pour juger mieux, et davantage d'affaires.

Dès 2010, la Cour nationale du droit d'asile a bénéficié du concours de dix magistrats siégeant à titre permanent, et les effectifs des rapporteurs ont été portés de soixante-dix à quatre-vingt-quinze. le Gouvernement a prévu, par dérogation à la règle du non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, de poursuivre le renforcement des moyens alloués à la Cour, en créant dix emplois d'agent et dix emplois de magistrat en 2011, puis vingt emplois d'agent en 2012 et dix en 2013.

L'installation immobilière et les outils informatiques ont également été adaptés ; un audit sera mené au début de l'année prochaine afin de définir des modalités d'enrôlement des affaires plus efficaces, celles-ci requérant la présence simultanée des interprètes et des avocats. Comme le relève le rapport Bernard-Reymond et Frécon, la mobilisation des avocats est d'ailleurs une condition sine qua non du redressement de la situation de la Cour. L'ensemble de ces mesures doivent permettre de porter le nombre des décisions rendues chaque année de 20 000 en 2009 à 45 000 en 2013, et partant de ramener le délai moyen en deçà de six mois.

Le protocole d'accord signé le 22 octobre dernier avec l'ensemble des représentants du personnel inscrit cette démarche dans une perspective consensuelle. Les difficultés auxquelles la Cour nationale du droit d'asile est confrontée en raison de l'explosion du contentieux, et les évolutions liées à la réorganisation de la juridiction ont suscité, comme on peut le comprendre, l'inquiétude des agents, qui s'est notamment traduite par une grève le 19 octobre, suivie par quatre-vingt-neuf agents, soit 35 % du personnel. Le protocole signé le 22 octobre permet de répondre à leurs craintes et d'inscrire la démarche engagée dans une perspective nouvelle, qu'il s'agisse des possibilités d'évolution de carrière ou de l'organisation du travail.

Les effectifs sont-ils suffisants, notamment dans les tribunaux administratifs d'Île-de-France ? Afin de répondre à leurs difficultés toutes particulières, il a été décidé de créer, dans le projet de loi de finances pour 2009, un tribunal administratif ayant pour ressort la Seine-Saint-Denis, compte tenu, notamment, de la forte augmentation du contentieux dans ce département – plus 73 % entre 2002 et 2007, soit un taux de croissance annuelle de 11,5 %. Le tribunal administratif de Montreuil a ainsi accueilli ses équipes dès le 1er septembre 2009 et ouvert ses portes le 1er novembre. Dans le même immeuble ont été installés deux services du secrétariat général du Conseil d'État : le centre de formation de la juridiction administrative et la direction des systèmes d'information.

La création du tribunal administratif de Montreuil a permis de décharger, dès la fin de 2009, le tribunal de Cergy-Pontoise, donc de mieux répartir le contentieux via un redécoupage géographique des ressorts entre ce dernier tribunal et celui de Versailles. Compte tenu du plafond d'emplois de la juridiction administrative en 2009, le tribunal de Montreuil a commencé son activité avec sept chambres ; mais il en compte dix depuis le 1er septembre 2010 et des renforts supplémentaires sont encore prévus l'année prochaine. Cette montée en puissance de la juridiction devrait lui permettre de ramener son délai moyen de jugement d'un an et six mois à environ un an.

Les effets de la création de ce tribunal se font également sentir au sein des autres juridictions franciliennes. Dans les tribunaux administratifs de Cergy-Pontoise et de Versailles, les délais de jugement ont respectivement été réduits de plus de cinq mois et d'un mois ; quant aux stocks d'affaires, ils ont respectivement baissé de 45 % et de 20 %. Le redressement du tribunal administratif de Paris est lui aussi en bonne voie, puisque les délais de jugement ont été ramenés d'un an et six mois à neuf mois en 2009 et devraient atteindre huit mois en 2010. Le stock d'affaires a, pour sa part, été réduit de 60 % pendant la même période. La situation la plus délicate est celle du tribunal administratif de Melun, qui n'a pu que stabiliser ses délais de jugement aux alentours d'un an et deux mois. La création d'une chambre supplémentaire est prévue en 2011.

La situation, bien que difficile, a donc tendance à s'améliorer. Quant à l'évolution des recrutements, les besoins en personnels pour 2011-2013 ont été estimés – hors projet de réforme – sur la base, d'une part, de l'évolution des missions de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, de l'autre, des départs en retraite. Cette analyse révèle l'importance déterminante du recrutement des magistrats des juridictions financières à l'issue de la scolarité à l'ENA, ainsi que l'importance du recrutement des personnels d'appui au contrôle, lesquels sont, pour l'essentiel, accueillis en détachement.

Depuis plusieurs années, les missions des juridictions financières n'ont cessé de s'élargir : réforme budgétaire et comptable, certification des comptes de l'État, développement des contrôles communs à la Cour des comptes et aux chambres régionales, développement des missions de conseil auprès du Gouvernement et du Parlement, contrôle élargi des organismes faisant appel à la générosité publique. Le projet de loi portant réforme des juridictions financières étend encore ces missions, notamment en matière d'évaluation des politiques publiques.

Il convient par ailleurs d'anticiper les départs en retraite prévus lors des prochaines années dans ces juridictions, la moyenne d'âge des magistrats de la Cour des comptes étant de cinquante-trois ans et neuf mois, et celle des magistrats des chambres régionales de cinquante et un ans. Avec dix-sept départs en retraite à la Cour des comptes et seize dans les chambres régionales, ce sont donc 6,5 % des membres en fonction dans ces juridictions qui seront partis à la retraite en 2010.

Qui plus est, pour la période 2011-2013, il y aura vingt-cinq départs cumulés à la Cour des comptes et vingt-huit dans les chambres régionales, soit cinquante-trois au total. Pour répondre aux besoins, les moyens budgétaires seront maintenus. Les élèves de l'ENA achevant leur scolarité en mars 2011 se verront offrir quatre postes d'auditeur à la Cour des comptes et quatre postes de conseiller dans les chambres régionales ; deux postes de magistrat à la Cour des comptes et trois postes de magistrat dans les chambres régionales seront également offerts aux officiers. Compte tenu de ses nouvelles missions, la Cour des comptes s'attachera aussi à recruter, par contrat, des experts en certification de haut niveau et à maintenir le niveau de recrutement des rapporteurs à temps complet, au vu de la programmation des travaux des sept chambres.

Afin de faire face à l'extension des mission de la Cour à l'horizon 2011-2012, et de réformer l'organisation de la fonction de greffe, il est enfin prévu de transformer dix emplois de catégorie C en quatre emplois de catégorie A.

J'ajouterai un mot sur la pertinence de la multiplication des missions de certification. Vous le savez, un nouvel article de la Constitution a élargi à l'ensemble des administrations publiques les trois principes posés par l'article 27 de la LOLF concernant l'État, aux termes duquel les comptes « doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle [du] patrimoine et de [la] situation financière » de l'entité qui les produit. Pour ce qui concerne l'État, le cinquième alinéa de l'article 58 de la LOLF confie à la Cour des comptes le mandat permanent de s'assurer du respect de ces principes et d'en rendre compte dans un acte de certification annexé au projet de loi de règlement.

S'agissant des comptes de la sécurité sociale, la Cour des comptes a exprimé neuf positions sur les cinq comptes des branches et les quatre comptes des caisses et agences nationales concernées. Les comptes de 2009 ont fait, de sa part, l'objet d'une certification avec réserves, à l'exception des comptes de la branche vieillesse et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), qui ne sont pas certifiés.

Je n'ignore pas la position de certaines commissions de votre assemblée quant à la certification des comptes de collectivités – assistance publique ou hôpitaux, par exemple. Je crois pouvoir vous dire que l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales n'est pour l'instant pas prévue dans le projet de loi portant réforme des juridictions financières.

Le taux d'annulation par les cours des jugements des tribunaux, monsieur Diefenbacher, sera conforme aux prévisions réalisées lors de l'élaboration du programme pour 2010 ; quant au taux d'annulation par le Conseil d'État des arrêts et décisions des tribunaux administratifs, s'il est légèrement supérieur aux prévisions, il demeurera à peu près identique à ce qu'il était en 2009. Ces taux d'annulation devraient continuer à décroître, pour s'établir à moins de 16 % en 2011 et à moins de 15 % en 2013.

Le taux d'annulation par le Conseil d'État des décisions de la Cour nationale du droit d'asile devrait être en moyenne inférieur à 3 % en 2011, 2012 et 2013, niveau difficilement à améliorer... Il convient toutefois de noter qu'en raison du faible nombre de dossiers portés devant la Cour de cassation, quelques annulations supplémentaires peuvent conduire à une forte variation de cet indicateur.

Enfin, je ne retracerai pas la chronologie du projet de loi portant réforme des juridictions financières : vous connaissez le travail accompli par le président Séguin puis par le président Migaud, ainsi que les délibérations de la Commission des finances et de la Commission des lois de votre assemblée. Le Gouvernement est résolu à faire avancer cette réforme.

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