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Intervention de Jean Launay

Réunion du 8 novembre 2010 à 15h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay, rapporteur spécial pour Pouvoirs publics :

Depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, la mission « Pouvoirs publics » donne l'occasion d'apporter un éclairage sur les crédits relatifs au fonctionnement des différents pouvoirs publics constitutionnels. Elle recouvre sept dotations : celles de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale, du Sénat, de La Chaîne parlementaire, des indemnités des représentants français au Parlement européen – qui n'est pas abondée cette année –, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République. La Haute Cour de justice figure pour mémoire, mais n'est traditionnellement pas dotée.

La Commission des finances a souhaité, pour le premier semestre 2010, engager des activités de contrôle en sus de la traditionnelle évaluation de la performance, qui ne concernait pas les pouvoirs publics.

Je le rappelle chaque année, la particularité de la mission « Pouvoirs publics » tient au fait que les dépenses qu'elle englobe ne font pas l'objet d'une évaluation de la performance, ce dispositif assurant « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs », ainsi que l'a indiqué le Conseil constitutionnel dans sa décision de 2001 relative à la LOLF. Si je tiens bien évidemment compte de cette spécificité, je suis également convaincu de la légitimité et de la primauté du contrôle parlementaire et je tiens donc à apporter à l'Assemblée nationale l'information la plus complète possible.

J'ai ainsi choisi cette année d'axer le programme de contrôle de la mission sur la thématique du développement durable et ses trois piliers : écologique, social, et économique. Les différents acteurs de la mission se sont tous volontiers prêtés à ce nouveau contrôle. La rencontre des principaux acteurs de chacun des pouvoirs publics que j'avais souhaité instaurer depuis que je suis en charge de la mission est ainsi assez naturellement devenue biannuelle, et je ne peux que m'en féliciter !

Le résultat de ce contrôle est retracé, pour chaque pouvoir public, dans chacun des chapitres du présent rapport. Je ne reviendrai d'ailleurs pas en détail sur le contenu du projet de rapport qui est à votre disposition, l'encadré de synthèse qui figure à la page 13 vous rappelant les principaux chiffres.

Avant d'en venir à mes questions, monsieur le ministre, je souhaite faire deux remarques liminaires.

En vertu du principe de la séparation des pouvoirs, la première ne s'adresse pas à vous puisqu'elle a trait aux dotations des assemblées parlementaires qui, pour la troisième année consécutive, sont stabilisées en euros courants et réduites en euros constants à proportion du niveau d'inflation, et ce bien que les disponibilités financières de l'Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas identiques.

Comme je l'ai indiqué l'année dernière, je comprends cette volonté d'affichage, dans un contexte économique et social difficile. Il n'en demeure pas moins que la démocratie a un coût qui doit être assumé, et que cette stabilisation des dotations du Parlement aurait pu tout aussi bien être faite en euros constants.

D'une manière plus générale, je suis perplexe face au comportement vis-à-vis des parlementaires du Président de notre assemblée, qui a annoncé de manière unilatérale sa décision de diminuer la retraite des parlementaires de 8 % huit jours avant la réunion du Bureau qui était supposé prendre cette décision. Outre que l'on aurait pu espérer, dans un souci démocratique, que cette décision soit annoncée après et non avant le vote du Bureau, on voit bien qu'il s'agit encore d'une simple volonté d'affichage, puisque cette annonce correspond ne constitue en réalité que la fin de cette anomalie qu'était le treizième mois de retraite.

Ma seconde remarque a trait au principe de la transparence.

Depuis que j'ai en charge la mission « Pouvoirs publics », tenant compte de leur spécificité et de l'autonomie financière de chacun d'entre eux, j'ai souhaité avant tout favoriser la transparence et faire vivre le principe posé par l'article 15 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en vertu duquel « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ». À cet égard, j'ai accepté que le budget de l'Élysée soit plus que triplé suite à l'élargissement de son périmètre et à la consolidation de la dotation de la Présidence de la République intervenue en 2008. La contrepartie était d'obtenir la garantie que l'ensemble des dépenses supportées par la Présidence de la République soit désormais retracé dans le budget de l'Élysée. Cela était également supposé permettre de rationaliser certaines dépenses, grâce à une vision claire de l'ensemble des frais engagés par l'activité présidentielle.

Aujourd'hui, je ne peux que constater l'échec de ce processus et la tentation d'un retour en arrière. Pire, il semble que, derrière les déclarations d'intention, les choses n'ont finalement jamais véritablement changé. En effet, la lisibilité du périmètre de la dotation de la Présidence de la République est cette année insuffisante en raison de l'externalisation d'un certain nombre de dépenses, dont vous trouverez le détail dans mon rapport. J'y reviendrai en partie dans mes questions.

Encore une fois, si je me félicite des progrès substantiels obtenus depuis trois ans en matière de transparence de cette dotation, je rappelle que deux conditions doivent être remplies pour que l'on obtienne les effets escomptés : le périmètre de la dotation doit d'une part demeurer constant dans le temps, afin de permettre la comparaison d'une année sur l'autre ; d'autre part être exhaustif de manière à pouvoir effectivement retracer l'ensemble des dépenses relevant de la Présidence de la République. Ces deux conditions ne sont actuellement pas remplies.

J'en viens à mes questions.

La première concerne la dotation de la Présidence de la République. Si cette dernière s'est lancée dans un programme de réduction de ses effectifs, il semble que des personnes mandatées par l'Élysée soient en réalité prises en charge par d'autres ministères.

À ma demande, inscrite dans le questionnaire budgétaire annuel, de fournir la liste des personnes en charge, en 2009 et en 2010, d'une mission pour le compte de la Présidence de la République et de préciser, le cas échéant, le montant brut et net de leur rémunération, de celle de leurs éventuels collaborateurs, ainsi que leurs divers avantages en nature, la Présidence de la République a répondu : « néant ».

Pour ne citer que cet exemple, les médias se sont pourtant largement fait l'écho de la mission relative à la dimension sociale de la mondialisation confiée par le Président de la République à Mme Christine Boutin. Bien que cette dernière ait en l'espèce renoncé à sa rémunération, elle travaille en pratique pour le compte de la Présidence mais est, en théorie, officiellement rattachée à un autre ministère, voire au premier d'entre eux.

Monsieur le ministre, une personne travaillant pour le compte de l'Élysée, même non rémunérée, doit être rattachée à la dotation de la Présidence de la République. Pouvez-vous nous indiquer combien de personnes se trouvent dans cette situation ? Quelles dispositions comptez-vous prendre pour faire respecter ce principe à l'avenir ?

Ma deuxième question porte encore sur la dotation de la Présidence de la République.

Vous vous souvenez sans doute que la problématique des sondages avait revêtu une importance particulière l'an passé. Un référé de la Cour des comptes relatif au contrôle de la gestion du Service d'information du Gouvernement, le SIG, indique qu'« aujourd'hui, les commandes lancées par le SIG tant en matière d'études et de sondages que d'actions de communication sont décidées par d'autres (la Présidence de la République, notamment depuis 2007) et souvent à la dernière minute » Je rejoindrai donc Jean-Pierre Brard dans la conclusion de son paragraphe consacré au SIG ; « activité ne poursuivant pas un but d'intérêt général, mais servant principalement à informer l'exécutif de l'état de l'opinion des Français ». Et je compléterai mon propos par cet autre extrait du référé : « La cellule communication du chef de l'État intervient dans le processus de choix » – du plan de commandes d'études et de sondages.

La Présidence a bien réduit ses coûts en matière de sondages mais, en réalité, ce sont d'autres qui les prennent en charge. Monsieur le ministre, à chaque fois qu'un problème est soulevé au grand jour, il n'y est mis fin que par un effet d'optique et au prix d'un retour en arrière du point de vue de la transparence. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter pour faire cesser cet état de fait ?

Cela me permet de faire le lien avec ma troisième question, qui concerne la dotation de la Cour de justice de la République. Cette dernière est victime d'un mauvais procès puisque, bien qu'elle soit un pouvoir public locataire d'un bailleur privé, elle fait l'objet d'une tentative de délocalisation forcée, qui est une « commande » de Matignon exécutée par les ministres successifs de l'économie et des finances, par M. Baroin et avant lui par M. Woerth, ce dernier frôlant d'ailleurs les portes de la Cour pour deux dossiers qui le concernent…

Au-delà du fait qu'une délocalisation n'est pas la solution la plus judicieuse et que les arguments avancés ne tiennent pas sur le fond, je ne peux que m'interroger sur les motivations de cette requête, voire de cette injonction faite à la Cour de justice de la République, dans la mesure où les locaux du Service d'information du Gouvernement, rattaché au Premier ministre, jouxtent ceux de la Cour de justice de la République.

Je ne conçois pas que l'on délocalise une juridiction d'exception voulue comme telle par le législateur ni que soit affaiblie la portée de son autonomie, afin d'étendre les services du Premier ministre où d'y implanter une société travaillant en partenariat avec le SIG. On ne peut pas comparer la Cour de justice de la République à une autorité indépendante ni à un service de l'État.

Monsieur le ministre, soutenez-vous cette volonté de délocaliser la Cour de justice de la République – alors que son déménagement se fera naturellement d'ici quatre à cinq ans, lorsque les locaux de la Justice seront installés aux Batignolles et qu'elle-même pourrait rejoindre l'actuel Palais – afin d'implanter en son lieu et place des services ou sociétés relevant du SIG, mais en réalité on l'a bien compris, chargés de réaliser des sondages – pour le compte de l'Élysée ?

Ma quatrième et dernière question est plus générale. Monsieur le ministre, vous êtes chargé des relations avec le Parlement. Les quelques exemples que je viens de mettre en exergue montrent bien que celui-ci n'est pas pris en compte, voire qu'il est méprisé, soit qu'on lui promette la transparence et que l'on se joue en réalité de lui, soit que l'on veuille sans lui demander son avis défaire ce qu'il a fait, en créant la Cour de justice telle qu'elle fonctionne actuellement. Quelles mesures comptez vous prendre afin de soutenir la primauté de l'institution parlementaire ?

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