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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 26 octobre 2010 à 9h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires culturelles et de l'éducation, commission des affaires économiques, commission du développement durable et de l'aménagement

Valérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche :

Monsieur Garrigue, vous m'interrogez, comme M. Lasbordes, sur le taux de pression de l'ANR. Je ne comprends pas l'origine de ces inquiétudes car ce taux de pression n'augmente en rien. On a seulement supprimé les programmes de l'ANR redondants avec ceux du grand emprunt. Quant à la programmation triennale, elle n'est destinée qu'à permettre d'étaler les projets dans le temps. Il n'est absolument pas question d'augmenter le taux de pression à 15 % de projets, ce qui serait absurde. Une telle évolution serait d'ailleurs des plus improbables quand sont aujourd'hui lancés divers appels à projets pour un montant de 17 milliards d'euros. Les laboratoires trouveront largement matière à se porter candidats sur d'autres appels à projets que ceux de l'ANR. Je ne comprends décidément pas comment en décuplant les moyens de l'Agence, on pourrait augmenter le taux de pression !

Pour ce qui du préciput à 20 % – pourcentage qui, je le souligne, vient en plus et n'ampute donc en rien les crédits des laboratoires –, c'est moi qui ai tenu à le porter à ce niveau, pour se rapprocher de ce qui se fait dans les autres pays. Ces 20 % doivent permettre d'enclencher une logique vertueuse. Il sera très incitatif pour les établissements d'avoir un laboratoire se portant candidat sur un projet à l'ANR puisqu'il obtiendra 20 % de crédits supplémentaires chaque fois que l'un d'entre eux sera retenu pour un projet ANR, somme qu'ils pourront utiliser pour couvrir leurs coûts de fonctionnement mais aussi renforcer leur stratégie globale. Il est vrai que nous avons choisi de verser le préciput à l'hébergeur, le plus souvent l'université, moins souvent l'organisme de recherche qui affecte des moyens dans une unité mixte, mais c'est logique. L'un des gros problèmes réside en effet dans l'entretien des bâtiments, des matériels, des services communs. Or, il en va des conditions de travail et de vie des chercheurs. Une utilisation exclusive des crédits de l'ANR pour les projets de recherche conduirait à une impasse. Une certaine mutualisation au profit des infrastructures des établissements hébergeurs paraît bienvenue.

Au niveau européen, il est vrai que nous coopérons peu avec l'European Research Council, mais cela tient à son mode actuel de fonctionnement. Il n'existe pas aujourd'hui, à ma connaissance, de programmation thématique de l'ERC liée aux stratégies nationales de recherche. L'ERC privilégie l'approche par projets, réservant son aide aux meilleurs d'entre eux. On pourrait creuser pour aller dans le sens de la coopération que vous appelez de vos voeux, mais ce n'est pas sur ce modèle que fonctionne pour l'instant l'ERC.

S'agissant d'Universciences, je vous rassure : tous les crédits restants de mon ministère en matière de culture scientifique et technique seront bien transférés au nouvel établissement public dirigé par Claudie Haigneré. Universciences a vocation à être l'opérateur de l'État en matière de diffusion de la culture scientifique. Il devra travailler avec d'autres villes que Paris et animer un véritable réseau national : le ministère y veillera. Un appel à projets de 50 millions d'euros sera prochainement lancé par Claudie Haigneré sur le thème de la culture scientifique. Tous les CCSTI, y compris ceux des villes moyennes, devront y être associés. Nous aurons l'occasion d'en reparler lors de la fixation des règles de cet appel à projets.

Monsieur Gaudron, nous travaillons sans relâche à valoriser les métiers de la recherche. Pour ce qui est des carrières et des métiers stricto sensu, nous avons dégagé 280 millions d'euros sur la période 2009-2011 ; nous avons augmenté de 12 % à 25 % les salaires d'embauche des maîtres de conférence ; nous avons valorisé toutes les activités des enseignants-chercheurs, en sus de l'enseignement et de la recherche, ce qui n'était pas fait jusqu'à présent ; nous avons doublé la prime pédagogique versée aux chercheurs qui parallèlement enseignent ; nous avons créé la prime d'excellence scientifique ainsi que les chaires d'excellence ; nous avons doublé le nombre des places à l'Institut universitaire de France ; nous avons largement multiplié le nombre de promotions possibles et ouvert la possibilité aux équipes d'un intéressement collectif. Mais il faut aller plus loin encore. Cette valorisation des métiers de la recherche ne prendra tout son sens que lorsque les chantiers de l'opération Campus auront été lancés, car l'environnement de travail des chercheurs n'est bien entendu pas indifférent. À mon arrivée au ministère, on dénombrait 38 % de locaux vétustes, ce qui inévitablement donnait une mauvaise image des métiers de la recherche et ne contribuait pas à l'épanouissement des personnels !

M. Lecou m'a justement interrogée à propos de l'opération Campus. Nous avons abondé la dotation issue de la vente de titres EDF par des crédits issus du grand emprunt. Tous les chantiers prévus seront lancés d'ici à la fin de l'année. Le Président de la République inaugure demain une remarquable exposition à la Cité de l'architecture, que je vous invite tous à visiter. Y sont présentés nos projets pour les 46 établissements concernés par ce plan.

J'en viens au logement étudiant. Nous sommes désormais en phase avec les objectifs du plan Anciaux. Nous construisons 5 000 logements par an et en réhabilitons largement plus de 7 000 par an – 8 500 l'ont été cette année. En quatre ans, ce sont 44 000 chambres neuves ou réhabilitées qui auront été mises à la disposition des étudiants. Cela peut paraître peu, mais c'est 25 % du parc du CROUS qui ne comporte que 160 000 chambres. En dépit de l'augmentation substantielle des budgets, la solution ne peut pas passer exclusivement par le CROUS. Il faut faire feu de tout bois. Nous allons réaffecter d'anciennes casernes militaires à Arras et Versailles ; nous construirons d'autres logements modulaires, comme nous l'avons fait au Havre et à Compiègne. Cela étant, rien ne pourra se faire sans les collectivités territoriales ni les acteurs locaux du logement social. Tous doivent faire du logement étudiant une priorité. Avec mon collègue chargé du logement, Benoist Apparu, nous lancerons d'ici à la fin de l'année une conférence nationale du logement étudiant. On ne peut pas en ce domaine tout attendre de l'État. Nous avons besoin d'avoir à nos côtés les grandes villes universitaires, où les tensions en matière de logement étudiant sont les plus vives.

Monsieur Gaudron, vous m'avez demandé quand l'Université Paris XIII instituerait, comme le demandent les étudiants, des passerelles entre la filière biologie et celles des métiers de la santé. Je vous réponds : dès 2011.

Monsieur Charasse, vous avez évoqué, à juste titre, le sujet des IUT. Nous avons alloué aux universités autonomes des budgets globaux, qu'elles doivent apprendre à gérer de manière globale, tout en garantissant un juste équilibre entre leurs diverses composantes. Je le redis ici, les IUT sont une composante essentielle des universités. Les budgets de ces filières, qui offrent un excellent taux d'insertion professionnelle, doivent être au moins maintenus, sinon accrus. Après qu'une charte des bonnes pratiques a été élaborée, les présidents d'université s'y sont engagés. Ils doivent tenir leur engagement. Des contrats d'objectifs ont été signés, et les IUT, comme toutes les autres filières, doivent bénéficier de l'exceptionnelle augmentation de 18 % des crédits des universités. La circulaire explicitant les règles d'attribution des crédits à leur profit doit être respectée. Si des problèmes se posent ça ou là, j'enverrai des représentants du ministère sur place afin de tout tirer au clair. Et si des points noirs persistent, les décisions illégales éventuellement prises, au mépris des circulaires ministérielles, seront déférées au tribunal administratif. Je me veux garante de la tenue des engagements pris de part et d'autre.

Monsieur Marc, en même temps que nous cherchons à faire émerger des pôles universitaires à visibilité mondiale, nous souhaitons consolider les pôles universitaires de proximité. Nous travaillons ainsi à la mise en place d'un premier cycle universitaire fondamental qui réunirait les classes préparatoires, les classes de BTS, les IUT, les licences, jusqu'à la licence professionnelle, et aurait vocation à dynamiser l'enseignement supérieur dans les villes moyennes. C'est toute la logique de l'expérimentation en cours avec les BTS, du plan de sauvegarde et de développement des IUT, du plan de développement des licences professionnelles, de la création de classes préparatoires dans des villes qui jusqu'à présent n'en avaient pas. Nous avons besoin de ces pôles de proximité, qui seront des pôles de professionnalisation et devront travailler en réseau avec les grands centres universitaires régionaux, dont ils seront une émanation. Nous travaillons à l'élaboration des schémas universitaires régionaux avec les conseils régionaux, les préfets et les recteurs. Nous espérons pouvoir vous en rendre compte d'ici à la fin de l'année.

Madame Girardin, une Fondation de coopération scientifique pour la recherche sur la biodiversité a été créée, dont nous avons doublé le budget. Elle doit être un interlocuteur privilégié pour les projets de préservation de la biodiversité partout sur le territoire. Elle y travaille, portant, je le sais, une attention toute particulière à l'outre-mer et à la gestion du plateau continental. Dites-moi, si besoin, ce que je peux faire pour faciliter vos relations avec cette fondation.

M. Lecou et M. Priou ont tous deux évoqué l'IFREMER. L'IFREMER présentera plusieurs projets dans le cadre du grand emprunt, un concernant la flotte pour les équipements d'excellence, un autre concernant les énergies marines. Mon ministère y prête la plus grande attention, de même que celui de Jean-Louis Borloo, pour qui ces projets sont également une priorité. Comme vous le savez, pour le grand emprunt, mon ministère ne décide pas, ne faisant qu'accompagner les porteurs de projets. Dès lors, même si un projet n'est pas retenu dans ce cadre, il aura toujours été utile pour l'organisme qui l'aura soumis de s'être ainsi projeté dans l'avenir et d'avoir construit une stratégie autour de ses points d'excellence. Le budget de l'État ou celui du contrat d'établissement pourra éventuellement prendre le relais. Soyez pleinement rassuré, monsieur Priou, le projet nantais SEM-REV est jugé tout à fait intéressant à ce stade des auditions.

Mme de Panafieu m'a interrogée sur les droits d'inscription à Paris-Dauphine et Mme Imbert sur le financement des études, deux sujets qui sont liés. Tout établissement universitaire autonome a désormais le droit de délivrer des diplômes d'établissement dont il peut librement fixer les droits d'inscription. Le tribunal administratif a été saisi de la décision de Paris-Dauphine, la question se posant de savoir s'il s'agit réellement de nouveaux diplômes ou seulement d'une transformation de diplômes nationaux en diplômes d'établissement, dans le seul but de les rendre payants. Si tel était le cas, le Conseil d'État, que j'ai saisi, considérerait qu'il y a eu abus de droit. Nous attendons l'issue de l'instance judiciaire. J'ai en tout cas tenu à rassurer les étudiants de Dauphine. Si ces diplômes viennent à être requalifiés en diplôme national, ils seront remboursés de leurs droits d'inscription. S'ils demeurent diplômes d'établissement, ils obtiendront sans problème une équivalence avec un master national, tant la maquette de ces masters est de grande qualité. Je me porte garante en tout cas qu'il n'y aura pas deux catégories de diplômes ni de diplômés.

Madame Imbert, c'est sous la présidence de Nicolas Sarkozy qu'aura été institué le dixième mois de bourse, comme les syndicats étudiants le demandaient depuis des années. Je tiens à souligner ici que les bourses accordées par les régions, notamment pour les formations sanitaires et sociales, sont aujourd'hui de 400 à 600 euros par an inférieures aux bourses d'État. J'appelle donc toutes les régions à suivre l'exemple de l'Alsace en revalorisant le montant de leurs bourses.

Nous allons également plus loin en matière de financement des études en défiscalisant le travail étudiant et en créant des centaines de milliers d'heures d'emplois dans les universités – notamment dans le cadre du plan « Bibliothèque » qui permet leur ouverture tardive ainsi qu'en fin de semaine.

En ce qui concerne les nouveaux diplômes de masterisation, le faible nombre d'étudiants inscrits s'explique par une offre de formation qualitative et quantitative beaucoup plus importante qu'auparavant avec laquelle les étudiants doivent donc se familiariser. Dans la phase transitoire que nous traversons, ces derniers ont joué la carte de la sécurité en se dirigeant vers des diplômes bien répertoriés, mais cela changera avec la réussite de leurs condisciples qui auront choisi ces voies nouvelles.

Alors que la France, monsieur Gaultier, contribue à hauteur de 16 % au budget du 7ème programme-cadre de recherche-développement de la Commission européenne, elle ne bénéficie d'un retour qu'à hauteur de 13 % : outre que notre pays remporte nombre d'appels à projets nationaux compte tenu notamment de l'ampleur des financements de l'ANR ou de la part du grand emprunt dédiée à la recherche, l'excessive bureaucratisation de ce programme est en effet patente. Par ailleurs, j'ai d'autant plus veillé à demander à la présidence belge du Conseil de l'Union européenne la simplification du programme-cadre que nous avons eu des déconvenues avec le dernier d'entre eux, CNRS et CEA s'étant vus demander le versement d'un trop perçu faute d'avoir pu prouver que les chercheurs n'avaient pas pointé les heures effectuées. En outre, présenter plus de dossiers suppose d'accroître l'attractivité des programmes-cadre. Nous privilégions donc quant à nous une logique de programmation conjointe sur des priorités européennes de recherche comme la maladie d'Alzheimer ou les questions relatives à l'alimentation et aux nouvelles énergies – ce qui permettra de mettre enoeuvre une véritable politique de coopération interétatique avec les financements adéquats.

Monsieur Chanteguet, la part respective du financement des secteurs du nucléaire civil et des énergies renouvelables s'est élevée en 2010 à 444 et 460 millions, preuve d'un équilibre particulièrement bienvenu.

Il est par ailleurs exact que le prix d'ITER a été multiplié par trois, mais ce projet ambitieux, coûteux et risqué n'en fait pas moins l'unanimité de l'ensemble de ses partenaires internationaux comme j'ai pu le constater moi-même aux États-Unis, en Chine et au Japon. Si vous me permettez de filer une métaphore énergétique un peu archaïque : l'enjeu en vaut la chandelle. J'ajoute que la France devrait être la dernière à envisager la remise en cause d'un tel projet car elle en sera la première bénéficiaire, notamment la région PACA – les collectivités territoriales ont d'ailleurs déjà beaucoup investi. Je précise, de surcroît, que nous sommes parvenus à financer les surcoûts d'ITER sans augmenter les impôts des contribuables européens au budget de l'Union en utilisant les crédits non consommés de ce dernier. Enfin, le changement de la gouvernance permettra désormais de ne procéder qu'à des dérapages… contrôlés.

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