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Intervention de Henri Emmanuelli

Réunion du 26 octobre 2010 à 17h00
Commission élargie : commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Emmanuelli, rapporteur spécial :

pour la mission « Aide publique au développement ». Votre présence nous est d'autant plus précieuse, madame la ministre, que ni M. Kouchner ni M. Besson ne sont là. Quant au secrétariat d'État à la coopération et à francophonie, il s'est perdu corps et bien, M. Joyandet n'ayant pas été remplacé. Dans ce contexte, vous avez beaucoup de mérite, Madame, à laisser un instant de côté le commerce extérieur pour vous pencher sur les heurs et malheurs de l'aide publique au développement. Je déplore l'absence des deux ministres – dont j'ai du mal à croire que, écrasante soit leur charge de travail, ils n'aient pu, en six mois, trouver les deux heures nécessaires pour répondre à nos questions. Je la regrette d'autant plus que nous sommes confrontés cette année à un phénomène inédit : pour la première fois, nous n'avons pas reçu les documents nécessaires à l'examen de ce programme. Le Parlement n'est donc pas complètement informé. En particulier, nous ne disposons toujours pas du document de politique transversale, annexe principale en ce qui concerne l'aide publique au développement, puisque c'est là que figurent les pourcentages et montants en valeur absolue. Seule cette annexe nous permettrait d'apprécier où l'on en est par rapport à l'objectif de consacrer 0,7% du revenu national brut à l'aide publique au développement.

À titre personnel, je pense que, même si cela n'est pas dit, cet objectif n'en est plus un pour le Gouvernement . Comment interpréter autrement le document de programmation annuelle ? Sa lecture montre que le montant de l'aide publique au développement est constant jusqu'à la fin 2013. Il aurait fallu l'augmenter notablement pour arriver à 0,5% du revenu national brut, et je suppose que ce ne sera pas le cas. Je sais que le contexte budgétaire est défavorable, mais je constate, comme le président de la Commission des affaires étrangères, que d'autres pays, tel le Royaume-Uni, maintiennent leur effort.

Par ailleurs, nous n'avons aucune information sur la répartition des crédits alloués à l'Agence française de développement pour l'aide aux projets. Cette information, qui figure habituellement dans le bleu budgétaire, ne nous est jamais parvenue en dépit de mes demandes réitérées et de promesses non moins répétées. Nous avons seulement connaissance d'une dotation globale, qui concerne en bloc le Fonds de solidarité prioritaire, l'aide-projet de l'Agence française de développement et l'aide déléguée aux ONG. Ce montant global est en augmentation, et je m'en félicite car j'ai déploré sa faiblesse les années passées. Mais j'observe qu'un important retard doit être rattrapé : la crise des crédits de paiement de 2009 n'a pas été compensée, et pour le faire, il faudrait renoncer à tout nouveau projet pendant un an. Selon le directeur général de l'Agence française de développement, les arbitrages ne sont toujours pas faits. Or, la ventilation de ces crédits est d'autant moins anodine que le Fonds de solidarité prioritaire et l'Agence française de développement soutiennent des secteurs distincts : le premier s'attache à la gouvernance, la seconde aux questions d'agriculture, d'éducation, de santé et d'eau. Telles sont les informations qui ne nous ont pas été fournies.

Notre commission n'a pas davantage reçu copie de la version définitive du document cadre de coopération au développement adopté le 15 octobre dernier. La version provisoire de ce document définissait une politique de développement visant quatre objectifs complémentaires : dans l'ordre, la préservation de la stabilité et de la sécurité ; la croissance partagée durable ; la lutte contre la pauvreté et les inégalités ; et enfin la préservation des biens publics mondiaux. Dans la version finale, la préservation de la stabilité et de la sécurité figure-t-elle toujours comme objectif premier de l'aide publique au développement? Cela me paraîtrait assez préoccupant : la priorité absolue de l'aide publique au développement n'est-elle pas la lutte contre la pauvreté ?

J'en viens aux annulations de dette, comptabilisées dans l'aide publique au développement pour lui donner un niveau plus convenable - de la sorte, de 1 à 2 milliards par an viennent gonfler le volume de l'aide publique au développement depuis une dizaine d'années. Mais l'initiative « Pays pauvres très endettés » va venir à son terme. Pendant combien d'années encore le volume de l'aide publique au développement sera-t-il maintenu par les annulations de dette ? Comment seront-elles compensées par la suite ? Le Gouvernement y songe-t-il ? Je dois dire le scepticisme que m'inspirent à ce sujet les financements dits innovants, et particulièrement l'hypothèse d'une taxe sur les transactions financière à l'échelon international. À titre personnel, j'appellerais une telle taxe de mes voeux mais, considérant que les Européens ne parviennent pas à s'entendre à ce sujet, je doute que cette solution voie le jour.

Ma dernière question porte sur l'orientation de l'aide qui, ces dernières années, est allée aux pays émergents. Elle serait mieux utilisée dans les pays les plus pauvres. Je ne mésestime pas l'intérêt qu'il y a pour la France à manifester sa présence en finançant des projets dans les pays émergents, mais il faut réserver les crédits permettant des bonifications de prêts aux pays qui en ont le plus besoin. L'aide publique au développement de la France n'est pas à la hauteur de ce qui serait nécessaire. L'Afrique, connaissant une explosion démographique, comptera sous peu 1,3 milliard d'habitants – un chiffre bien peu apparent dans les documents budgétaires relatifs à l'aide publique au développement – au moment même où l'on constate le reflux de notre présence. Pour moi, c'est un choix malencontreux.

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