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Intervention de Henri Nayrou

Réunion du 27 octobre 2010 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Nayrou, Rapporteur spécial :

Dans ce projet de loi de finances, la mission Sport, jeunesse et vie associative dispose, en autorisations d'engagement, de 409,4 millions d'euros – 197 millions pour le sport et 212,4 millions pour la jeunesse et la vie associative –, contre 829 millions d'euros en 2010, et en crédits de paiement, de 420,9 millions d'euros, contre 849,4 millions d'euros en 2010.

Plusieurs éléments contribuent à cette évolution : principalement la fusion du programme 210, l'ancien programme support de la mission, au sein du programme 124, programme support de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ; la suppression du dispositif du droit à l'image collective des sportifs professionnels (DIC) au 30 juin 2010, qui entraîne une diminution de 24,7 millions d'euros par rapport à 2010 ; en sens inverse, la poursuite des expérimentations en faveur de la jeunesse, avec une enveloppe annuelle de 25 millions d'euros en 2011 ; enfin, la montée en charge du service civique, doté d'une enveloppe de 97,4 millions d'euros pour 2011, contre 40 millions en 2010.

Au sein de la mission, c'est le programme Jeunesse et vie associative qui est privilégié cette année, avec des crédits en progression de 10 %, alors que le programme Sport voit ses crédits diminuer de 14 %, soit de 35 millions d'euros, par rapport à la LFI 2010 retraitée – après prise en compte des transferts opérés du programme 210 vers le programme 219. Le budget du sport se trouve ainsi pour la première fois inférieur à celui de la jeunesse et de la vie associative.

En ce qui concerne le sport, il faut aussi examiner l'évolution du budget consolidé. En agrégeant les crédits de l'État et ceux du Centre national pour le développement du sport – le CNDS –, soit respectivement 208,5 millions et 247,4 millions d'euros, on arrive à un total de 455,9 millions d'euros, montant pratiquement équivalent à celui de l'an dernier soit 454,8 millions. Avec les 16,5 millions d'euros de transferts internes à la mission et les 10 millions d'euros dont a bénéficié le CNDS en 2010 au titre du plan de relance qui ne seront pas reconduits, on aboutit à une diminution des moyens consacrés au sport de plus de 26 millions d'euros.

Heureusement, un peu plus de 19 millions d'euros de fonds de concours sont attendus, dont 16 du CNDS et 3 de collectivités territoriales pour les CREPS. Ainsi, la diminution ne sera plus que de 7 millions d'euros. Mais ce genre de rattrapage in extremis ou de tour de passe-passe pourra-t-il durer longtemps ?

J'en viens au programme Jeunesse et vie associative.

Les crédits demandés s'élèvent à 212,4 millions d'euros en autorisations d'engagement ainsi qu'en crédits de paiement, soit une augmentation de plus de 10 %. Mais cette progression a un caractère artificiel car elle est essentiellement due à l'augmentation des crédits destinés au service civique. Le périmètre historique du programme, c'est-à-dire hors service civique et fonds d'expérimentation, subit en effet une baisse de ses crédits de 16,8 %, avec 90 millions d'euros contre 108,1 en 2010.

Permettez-moi maintenant de mettre l'accent sur quatre points.

L'architecture budgétaire, tout d'abord.

Elle est profondément modifiée par le transfert des crédits du programme support de la mission dans celui de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Au cours des années précédentes, j'avais critiqué le regroupement de la moitié des crédits de la mission sur son programme de soutien, au mépris de la lettre et de l'esprit de la LOLF. Allant plus loin encore dans la globalité, donc la confusion, ce projet de loi de finances déplace ces dotations sur une autre mission.

L'intervention humaine et logistique est donc désormais occultée dans le budget de la mission, en dehors de quelques données figurant en dernière page de la présentation de chaque programme et visant, au titre de l'analyse des coûts, à une consolidation dite « pragmatique » de l'action de l'État.

Quant au nouveau programme support, Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative, il assure la gestion des ressources humaines et du fonctionnement de 9 directions d'administration centrale, de 5 délégations interministérielles ou ministérielles, des inspections générales des affaires sociales, de la jeunesse et des sports, ainsi que d'un réseau constitué de services déconcentrés, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale et de 26 opérateurs, les ARS (agences régionales de santé). Autant dire qu'il s'agit d'un ensemble fourre-tout, qui se prête mal à l'analyse des objectifs, de la performance et de l'évolution des crédits.

Je déplore que la représentation nationale n'ait finalement plus à se prononcer sur les moyens humains et les crédits budgétaires qui sont spécifiquement alloués à la mise en oeuvre des politiques de la mission.

Deuxième point : le financement de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Le budget prévisionnel pour 2011 présenté par l'agence s'établit à 9,29 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2010 – 8,75 millions d'euros.

Les ressources propres de l'agence pourront difficilement augmenter. Pour équilibrer son budget 2011, elle souhaiterait une subvention de l'État de 8,3 millions d'euros, ce qui représenterait une augmentation de 540 000 euros, soit de 6,9 %.

Outre les dépenses de fonctionnement habituelles, le complément nécessaire à l'agence est destiné à satisfaire trois évolutions requises depuis l'adaptation de notre code du sport au code mondial : augmentation des investigations lors des contrôles, mise aux normes des analyses, charges supplémentaires du fait de la judiciarisation grandissante des affaires.

Mais c'est malheureusement une dotation de 7,8 millions d'euros qui est inscrite dans ce PLF, soit un montant identique à celui de l'an dernier. Cela ne permettra pas à l'AFLD de maintenir un niveau de prestations conforme aux règles nationales et internationales, ni de procéder aux investissements nécessaires pour lutter contre le fléau du dopage. À ce moment de mon intervention, je tiens à rendre hommage à M. Pierre Bordry, qui a démissionné de la présidence de l'AFLD et a été remplacé par M. Bruno Genevois. Je veux également saluer la mémoire du professeur Jacques de Ceaurriz, décédé en janvier 2010, dont l'action aura été remarquable.

Troisième point : les crédits du CNDS et le financement de la réalisation et de la rénovation des grands stades de football nécessaires à l'organisation de l'Euro 2016.

Les recettes affectées par la loi de finances au CNDS ont été évaluées à 247 millions d'euros pour 2011. Il s'agit, bien entendu, d'évaluations et non de recettes effectives. Il n'est pas certain, en particulier, que le produit de la contribution de 1,5 % sur les paris sportifs atteigne le montant souhaité : il faudrait en effet que les mises dépassent 2 milliards d'euros ; or selon le premier bilan présenté par l'ARJEL pour l'année 2010, effectué sur la base de quatre mois, les mises jouées sont plutôt de l'ordre d'un milliard d'euros sur une année. On peut se demander si le plafond de 170,8 millions d'euros du prélèvement de 1,8 % sur les sommes misées à la Française des jeux sera atteint, un glissement pouvant se produire vers les paris en ligne. Le produit de la taxe sur les droits de retransmission risque également de connaître une baisse significative en raison de la renégociation du contrat avec la Ligue de football.

Il y a donc lieu de s'interroger. Le CNDS, que l'on appelle de plus en plus à la rescousse, ne pourra pas tout faire. C'est la raison pour laquelle, afin de satisfaire l'ensemble des besoins, je vous proposerai en séance publique un amendement tendant, pour les jeux exploités par la Française des jeux, à porter le taux de prélèvement de 1,8 % à 2,1 % et à faire passer le plafond de 170,1 millions à 200 millions d'euros.

De plus, il est annoncé que le financement de la création et de la rénovation des grands stades pour l'Euro 2016 sera imputé sur les crédits du CNDS à raison de 150 millions d'euros sur la période 2011-2015. Cela ne doit pas se faire au détriment du développement du sport pour le plus grand nombre et de l'aide aux clubs locaux. C'est pourquoi je vous proposerai un second amendement, visant à instaurer, pour une durée limitée à 5 ans, un taux de prélèvement complémentaire de 0,3 % ; cela permettrait de dégager 30 millions d'euros de ressources nouvelles par an, soit les 150 millions d'euros nécessaires à ces opérations – qui concernent 12 stades. En comparaison, je rappelle que seulement 10 millions d'euros ont été accordés dans le cadre du plan de relance pour la réhabilitation du parc d'équipements sportifs.

Enfin, dernier point : la politique du gouvernement en direction de la jeunesse et du monde associatif.

Elle se résume désormais à deux dispositifs : le fonds d'expérimentation pour la jeunesse et, surtout, le service civique. Ils « siphonnent » à eux seuls le peu de crédits qui, auparavant, servaient au développement de l'éducation populaire, au soutien, à l'engagement et à l'initiative des jeunes, à la promotion de la vie associative, à la formation des animateurs… Il ne restera que des miettes pour ces actions, quand elles n'auront pas disparu, comme c'est le cas pour les dispositifs Envie d'agir et quasiment le cas pour les Projets éducatifs locaux (PEL), regroupés avec d'autres actions partenariales locales sous l'appellation générique Politiques partenariales locales – de 14,5 millions d'euros en 2009 pour les seuls PEL, on passe pour 2011 à 12,67 millions d'euros pour l'ensemble de la ligne Politiques partenariales locales.

Les missions d'insertion sociale et professionnelle des jeunes ne seront pas totalement soutenues avec le remplacement du programme Envie d'agir par celui du Service civique.

La part des crédits alloués au service civique s'établissait en 2010 à 20,7 % des crédits du programme 163 ; ce pourcentage va atteindre 45,9 % en 2011 et 65,2 % en 2012. On avance le chiffre de 15 000 volontaires dès 2011 – mais M. Martin Hirsch annonce 7 000 missions et 22 000 candidatures – et, à terme, de 10 % d'une classe d'âge. Cet objectif n'est-il pas un peu ambitieux ? Justifie-t-il la suppression de dispositifs qui ont fait leurs preuves ? Il est légitime de s'interroger.

Au vu de ces divers éléments, j'émets un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

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