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Intervention de Béatrice Pavy

Réunion du 27 octobre 2010 à 9h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Pavy, Rapporteur spécial :

Les crédits demandés pour l'année 2011 au titre de la mission Immigration, asile et intégration atteignent 563,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 561,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit un niveau équivalent aux crédits initiaux pour 2010, voire une légère diminution.

Ce budget s'inscrit dans la droite ligne de ceux des années précédentes et confirme plusieurs priorités : maîtriser les flux migratoires, avec un rééquilibrage au profit de l'immigration professionnelle ; conduire une politique d'intégration fondée sur l'institution d'un véritable parcours individuel d'intégration, portant notamment sur l'apprentissage de la langue française et des valeurs de la République ; conforter la politique séculaire d'accueil des réfugiés politiques, dans le respect de la tradition républicaine de l'asile ; poursuivre une politique de concertation avec les pays d'émigration, ces actions étant rattachées au programme 301 Développement solidaire et migrations de la mission Aide publique au développement, qui sera présentée par notre collègue Henri Emmanuelli.

La hausse des crédits affectés à l'asile – 327,8 millions d'euros en 2011 –, du fait de la progression constante des demandes, est compensée par une réduction des crédits de la plupart des autres actions, particulièrement au sein du programme 104 Intégration et accès à la nationalité française, dont les dotations sont diminuées de plus de 8 %, ce qui les porte à 72,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement.

Le nombre de demandes d'asile ne cesse de croître. 47 686 demandes ont été enregistrées en 2009, dont 42 118 nouvelles demandes et 5 568 demandes de réexamen ; en 2010, l'augmentation est de 8,5 % sur le premier semestre. Selon le ministère de l'Immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS), l'accélération constatée les années précédentes devrait s'atténuer. Le ministère attend d'autre part d'importantes réductions des délais procéduraux – actuellement 13 mois pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et 4 mois pour l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Enfin, la nouvelle loi de programmation des finances publiques devrait conduire à la poursuite de la baisse des crédits consacrés à la mission sur les deux prochains exercices, afin de contribuer à l'effort général de réduction des dépenses de l'État.

Dans ce contexte, le Rapporteur spécial que je suis ne peut que saluer et encourager les efforts du ministère et de ses opérateurs pour rationaliser leurs procédures et leur gestion afin de réduire sensiblement les crédits affectés à la lutte contre l'immigration irrégulière – 92,7 millions d'euros en AE, soit une diminution de 10,6 % – tout en portant les dotations allouées à la garantie d'exercice du droit d'asile à 327,8 millions d'euros en AE, soit une augmentation de 3,8 %.

Ce budget traduit l'effort de rationalisation des procédures et de la gestion en vue d'une meilleure maîtrise des dépenses.

Tout d'abord, la déconcentration de l'instruction des demandes de naturalisation, généralisée depuis juillet à l'ensemble du territoire, supprime le double niveau d'instruction, ce qui réduit les délais tout en préservant l'égalité de traitement.

En deuxième lieu, l'externalisation du recueil des demandes de visa – accueil téléphonique, prise de rendez-vous, collecte des dossiers – améliore l'accueil, supprime les files d'attente et permet une constitution plus rapide des dossiers. L'externalisation du recueil des données biométriques constitue la dernière phase de ce chantier.

Enfin, la simplification et l'automatisation des contrôles aux frontières progressent, avec la mise en place de sas automatiques de contrôle. Il s'agit du dispositif PARAFES (Passage automatisé rapide aux frontières extérieures Schengen), dont un bilan sera réalisé fin 2010 pour décider de la poursuite de son déploiement sur la période 2011-2013.

De même, conformément à l'une des préconisations de la RGPP, le titre Visa long séjour valant titre de séjour (VLS-TS), d'une durée de validité comprise entre 4 et 12 mois, instauré en juin 2009 et réservé aux conjoints étrangers de ressortissants français, étudiants et travailleurs salariés, sera étendu à de nouvelles catégories de bénéficiaires afin de contribuer au rééquilibrage des flux en faveur de l'immigration professionnelle.

Le MIIINDS favorise également le développement, la maintenance, l'exploitation et la mise en convergence d'applications interministérielles. Les crédits correspondants, en progression de 26,74 %, atteignent 16,4 millions d'euros. Ces systèmes d'information visent à renforcer l'efficacité des politiques de gestion de la circulation des étrangers, de contrôles aux frontières et de lutte contre les fraudes. Il s'agit de Visabio, du Visa information system européen (VIS), de PARAFES, de l'AGDREF 2 – pour les titres de séjour et les éloignements – et d'EURODAC – relevés d'empreintes des demandeurs d'asile. Ces dispositifs permettront de limiter les doublons et de réduire le travail de contrôle, donc d'optimiser les moyens en personnels. Ils permettront également d'identifier plus rapidement, grâce à EURODAC, les étrangers qui ont déjà sollicité l'asile dans un autre pays ou, avec OSCAR (outil de statistique et de contrôle de l'aide au retour), ceux qui ont bénéficié d'une aide au retour.

Quant à l'OFPRA, il a fait, après la signature du contrat d'objectifs et de moyens, de gros efforts de productivité. L'évolution des indicateurs reflète cependant la constante augmentation des premières demandes. Le nombre de dossiers en stock ne cesse de croître : il est passé de 8 411 fin 2006 à 16 532 au 1er juillet 2010. Le MIIINDS a donc autorisé le recrutement de 30 officiers de protection supplémentaires pendant dix-huit mois pour renforcer les équipes – le plafond d'emplois restant fixé depuis 2009 à 412 ETP. La subvention pour charge de service public est fixée pour 2011 à 34,5 millions d'euros, soit une augmentation de 2,5 millions d'euros par rapport à 2010. Ces moyens supplémentaires permettront également de numériser les dossiers pour faciliter leur archivage et les échanges avec la CNDA.

Le délai moyen de jugement de la CNDA, comme je l'ai déjà indiqué, est de 13 mois, du fait de l'augmentation des demandes d'asile et des contentieux. Le MIIINDS espère qu'un gain de temps résultera de la forte augmentation des équipes du greffe, des rapporteurs et des magistrats, prévue dans le programme 165 Conseil d'État et autres juridictions administratives. Le nombre de rapporteurs à la Cour devrait quasiment doubler en quatre ans, pour atteindre 135 en 2013 contre 70 en 2009, ce qui devrait permettre d'arriver à un délai moyen de jugement de 10 mois en 2011 et de 6 mois en 2013. Il est probable que, même améliorés, les délais d'instruction continueront en 2011 de peser négativement sur le nombre de demandeurs d'asile pris en charge et sur la durée de leur hébergement ou de leur allocation.

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est un opérateur essentiel de la politique d'immigration. Il a signé un contrat d'objectifs et de moyens le 19 juillet 2010. Il lui a été demandé de réaliser d'importants gains de productivité et de réduire encore son plafond d'emplois, pour le ramener de 874 ETP en 2009 à 835 en 2012, voire 825 en 2013, grâce à l'amélioration des moyens informatiques et à la réorganisation du dispositif d'admission au séjour des demandeurs d'asile – une plateforme unique d'accueil est créée par département « point d'entrée » et un référentiel est en cours d'élaboration, pour homogénéiser les pratiques et les prestations.

Afin d'assurer à l'OFII les moyens de mener à bien ses missions essentielles pour l'intégration des étrangers souhaitant s'installer en France, le Rapporteur spécial est favorable à la proposition de revalorisation, à l'article 74 rattaché, des droits de timbre qui lui sont affectés.

Concernant les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), le MIIINDS a développé un logiciel de contrôle de gestion, qui sera généralisé en 2011, afin d'avoir une connaissance plus précise des coûts de fonctionnement des centres. Les 21 410 places sont réparties entre 271 centres. Le prix moyen national est estimé à 25,13 euros par jour, ce qui nécessite pour 2011 une dotation de 199 millions d'euros. Le taux d'occupation des CADA est de 98,7 %, avec une durée d'hébergement de 572 jours en 2009, contre 557 en 2008. Le taux d'hébergement en CADA des demandeurs d'asile en cours de procédure était de 38 % en juin 2010, contre 48,6 % en 2008.

Ce budget tend par ailleurs à rationaliser et optimiser les dépenses de fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA). Si certains centres, notamment en région parisienne, connaissent parfois une saturation, le taux d'occupation au niveau national est de 69 %. Les centres de Vincennes – 116 places – et du Mesnil-Amelot – 242 places – vont ouvrir prochainement. Le lancement de la reconstruction du CRA de Mayotte devrait être décidé à l'échelon interministériel avant la fin de l'année.

Le budget alloué aux CRA est de 15,9 millions d'euros en autorisations d'engagement, contre 24 millions en 2010. Les vingt-six CRA seront sous la responsabilité de la police aux frontières (PAF) en 2011, après le transfert des quatre derniers d'entre eux. Seuls ceux dépendant de la Préfecture de police de Paris resteront hors de son champ de responsabilité. L'objectif est l'harmonisation des méthodes de gestion et d'organisation, grâce en particulier à la mise en place de tableaux de bord de performance. On en arrive ainsi à un coût par personne retenue de 2 924 euros, comprenant les dépenses des personnels affectés aux centres ou intervenant en renfort, réparties entre les programmes 176 Police nationale et 303 Immigration et asile.

Ces mesures de rationalisation devraient permettre de réaliser des économies, tout comme les efforts entrepris pour développer l'utilisation de la visioconférence et la délocalisation des salles d'audience.

En revanche, l'outil ne permet pas d'évaluer le coût de l'accompagnement des personnes retenues par l'OFII et les associations, ni le coût, en amont, des interpellations, ni celui de l'exécution des mesures de reconduite après escorte, ni les coûts incombant au ministère de la Justice. Depuis cet outil, ne sont imputées au programme 303 que les dépenses de restauration, blanchisserie et autres contrats de maintenance ; la dotation est de 31,3 millions d'euros pour 2011.

L'action 3 du programme 303 présente par ailleurs les crédits alloués à la prise en charge sanitaire – 6,8 millions d'euros – et à l'accompagnement social dans les CRA et en zones d'attente.

Pour conclure, le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances donne une vision d'ensemble de la politique menée en matière d'immigration, d'asile et d'intégration, à laquelle participent onze ministères, via dix-huit programmes répartis en treize missions. Le budget de la mission que je vous présente aujourd'hui ne représente que 13,7 % des moyens mobilisés pour l'ensemble de cette politique, évalués à 4,268 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,253 milliards d'euros en crédits de paiement. Le Rapporteur spécial note des progrès en matière de suivi des dépenses, notamment avec le développement des indicateurs de contrôle de gestion et la signature par l'OFII d'un contrat de moyens et de performance, mais elle souhaiterait que ces démarches permettent d'aller jusqu'à la connaissance complète des coûts des politiques menées et à une évaluation réelle de la performance des moyens mobilisés.

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