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Intervention de Sébastien Huyghe

Réunion du 2 novembre 2010 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Huyghe, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour l'administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse :

Monsieur le président, madame le ministre d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l'action de la justice ne s'arrête pas lorsqu'un jugement est rendu : les décisions judiciaires doivent, pour être efficaces et crédibles, être effectivement et correctement exécutées. Cet impératif démocratique fait de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, les deux administrations relevant de la mission « Justice » chargées de l'exécution des décisions de justice, des institutions essentielles dans le bon fonctionnement de la justice et donc de notre société.

L'année 2010 restera pour l'administration pénitentiaire une année déterminante, marquée par l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire mais aussi par l'annonce du lancement d'un nouveau programme immobilier de 5 000 places devant permettre à notre pays de disposer, à la fin de l'année 2017, de 68 000 places de détention.

L'année 2011 verra également l'exécution du programme « 13 200 » se poursuivre et le nouveau programme annoncé commencer à se concrétiser.

Le budget de l'administration pénitentiaire pour 2011 permettra la poursuite de la rénovation du parc immobilier et la mise en oeuvre de la loi pénitentiaire. Cela se traduit, d'une part, par des crédits en augmentation de 6,7 % en autorisations d'engagement et de 4,5 % en crédits de paiement par rapport à 2010, et, d'autre part, par un plafond d'autorisations d'emplois dont l'augmentation se poursuit avec 34 857 ETPT contre 33 860 en 2010 et 33 020 en 2009, soit 997 ETPT supplémentaires en un an et 1 837 en deux ans.

Pour la protection judiciaire de la jeunesse, l'année 2010 a été celle de l'ancrage de la profonde mutation amorcée depuis 2008 tendant à recentrer les missions de la PJJ sur son coeur de métier, à savoir la prise en charge des mineurs délinquants. L'année 2011 devra permettre d'achever cette réforme.

Le budget de la protection judiciaire de la jeunesse pour 2011 sera un budget de performances et de consolidation du recentrage de son action contre la délinquance des mineurs. S'il est globalement en légère diminution, avec une baisse de 1,5 % en autorisations d'engagement et 2 % en crédits de paiement, ce budget est surtout marqué par la poursuite de la hausse des crédits consacrés à la prise en charge des mineurs délinquants, de 2 % en autorisations d'engagement et de 1,6 % en crédits de paiement pour l'action n° 01 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants ».

L'évolution des effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse traduit le souci de la performance dans l'intervention publique, avec une légère diminution des effectifs puisqu'on observe une baisse de 117 ETPT pour un plafond d'autorisations d'emplois fixé à 8 501 en 2011, soit une baisse de 2,4 % par rapport à 2010, évolution conforme à l'engagement qu'a pris le Gouvernement d'améliorer l'efficacité des services publics.

Les crédits de ces deux programmes sont, à mes yeux, satisfaisants et conformes aux besoins de notre pays : j'y donnerai donc un avis favorable.

Au-delà de l'aspect strictement budgétaire, je souhaite évoquer trois sujets qui se trouvent au coeur de l'actualité de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, et que j'ai traités dans mon avis budgétaire.

Depuis plusieurs années, la question de l'administration compétente pour exécuter les missions d'extraction judiciaire ainsi que les missions de garde statique des unités hospitalières sécurisées interrégionales suscitait des discussions, et parfois des tensions, entre le ministère de la justice et celui de l'intérieur. Le ministère de l'intérieur les considérait comme des « charges indues », tandis que celui de la justice estimait que ces missions de sécurité en milieu ouvert ne correspondaient pas au « coeur de métier » de l'administration pénitentiaire.

À la suite d'un arbitrage interministériel rendu à la fin du mois de septembre 2010, le principe du transfert de la charge de ces extractions de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice » a été arrêté. Ce transfert s'effectuera progressivement dans le courant de l'année 2011 avec, pour la mission relative aux extractions judiciaires, une phase expérimentale dans deux régions.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de l'administration pénitentiaire, j'approuve pleinement ce transfert de compétence, qui permettra de valoriser le rôle de troisième force de sécurité publique de l'administration pénitentiaire en confiant à ses agents des missions de sécurité sur la voie publique. Les personnels pénitentiaires que j'ai rencontrés ne sont, dans leur majorité, pas défavorables à cette évolution de leur métier. Mais celle-ci ne pourra se faire de façon satisfaisante que si trois conditions préalables sont garanties : le transfert des emplois correspondants devra être conforme aux annonces faites par Mme la garde des sceaux, soit 800 ETPT sur trois ans ; la formation des agents devra être garantie ; les équipes de l'administration pénitentiaire qui seront chargées des missions d'extraction devront être suffisamment dotées en équipements indispensables – véhicules, armes, équipements de protection.

Cette année, je me suis intéressé à la mise en oeuvre des règles pénitentiaires européennes dans les établissements pénitentiaires.

Tout d'abord, je souhaite souligner que le fonctionnement de nos établissements pénitentiaires, trop souvent injustement montrés du doigt sans discernement, est largement conforme aux exigences des RPE sur de nombreux aspects. C'est le cas, par exemple, de l'indépendance de la médecine pénitentiaire, garantie en France depuis 1994, ou de l'existence, depuis 2007, d'un contrôle indépendant avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Les représentants du Conseil de l'Europe que j'ai rencontrés ont d'ailleurs souligné que la France figurait, en termes de respect des RPE, parmi les « bons élèves » des États membres.

Cette précision apportée, il faut rappeler que, sous l'impulsion de son précédent directeur, la direction de l'administration pénitentiaire s'était engagée, à partir de 2007, dans une politique déterminée de mise en oeuvre des RPE relatives à la phase d'accueil des détenus, avec un objectif d'amélioration de la qualité de leur prise en charge et de modernisation des pratiques professionnelles. Concrètement, cette évolution s'est traduite par la généralisation dans les établissements des quartiers arrivants, dans lesquels les nouveaux détenus séjournent une semaine afin, d'une part, d'amortir le choc carcéral, d'autre part, de faire l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire sur la base de laquelle sera élaboré un parcours de détention adapté aux besoins de chacun.

Je tiens ici à souligner et à saluer les efforts accomplis par la direction de l'administration pénitentiaire et par l'ensemble des personnels pour mettre en oeuvre les RPE. Cette démarche a, incontestablement et de l'avis général, favorisé une modernisation des méthodes de travail dans les établissements pénitentiaires et une nette amélioration de la qualité de la prise en charge des personnes détenues.

S'agissant de la prise en charge des mineurs délinquants par la PJJ, je me suis penché cette année sur la mise en oeuvre des mesures de réparation pénale.

Née d'une pratique innovante de certains parquets des mineurs à la fin des années quatre-vingt, la réparation pénale a été consacrée par le législateur en 1993. Prévue par l'article 12-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, elle a pour objectif de favoriser une responsabilisation du mineur en l'amenant à prendre conscience des conséquences de l'acte qu'il a commis et à le réparer.

Depuis sa création, le succès de la réparation pénale ne se dément pas. Instrument important de la politique de réponse systématique à tous les actes de délinquance commis par des mineurs, la réparation pénale est une mesure de plus en plus utilisée par les parquets des mineurs. Le nombre de ces mesures est ainsi passé de 29 000 en 2006 à 38 000 en 2009, soit une augmentation de 30 % en trois ans.

Les professionnels de la PJJ du Val-de-Marne et de l'association Olga Spitzer, que j'ai rencontrés lors d'un déplacement à Créteil, ont souligné l'intérêt et l'efficacité de la démarche de la réparation pénale pour la prise en charge de mineurs primodélinquants. La rapidité de mise en place et la souplesse quant à la définition de son contenu et sa durée en font un outil extrêmement performant pour apporter une réponse prompte et ciblée à un acte de délinquance du mineur. Il apparaît donc important de mieux faire connaître cette mesure et d'encourager son développement pour apporter une réponse rapide et adaptée à des faits commis par des primo-délinquants.

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais développer dans le cadre du rapport sur les budgets de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse.

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