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Intervention de Jean-Claude Sandrier

Réunion du 19 décembre 2007 à 15h00
Pouvoir d'achat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Sandrier :

Oui, nous allons applaudir, mais applaudir toutes celles et tous ceux qui vous ont contraints à annuler une taxe inique et qui était totalement contradictoire avec la volonté de faire un effort en faveur du pouvoir d'achat des Français ! C'était tout de même bien le moins que vous puissiez faire. C'est même étonnant que vous ne l'ayez pas fait plus tôt. Il est fortement question aussi, ce qui serait un scandale de plus, de mettre en cause les prises en charge à 100 % des affections de longue durée. C'est inadmissible ! Le gaz va augmenter ; l'électricité, avec les dérégulations, va continuer d'augmenter.

Et toutes les tentatives de baisse des prix alimentaires sont de peu d'effets quand il y en a. Une grande partie des prix sont en fait prisonniers de grands groupes, non seulement de la distribution mais aussi des grands groupes pétroliers ou de l'agro-alimentaire qui jouent en permanence sur la spéculation, avec des stratégies non conformes à l'intérêt général, et avec comme vision quasi unique, celle du rendement des dividendes de leurs principaux actionnaires. La raréfaction des produits, dans certains cas réelle, sert de paravent à toutes les manipulations financières et à masquer le choix de stratégies qui ne vont pas dans le sens de la résolution des problèmes posés à la planète. Cela est vrai aussi bien en matière d'énergie qu'en matière alimentaire. D'ailleurs, comme pour l'eau, la question se pose de laisser ou non aux mains d'intérêts particuliers des secteurs pour lesquels sont en jeu la sauvegarde et la survie de la planète. Il y a là une contradiction fondamentale entre la nécessité d'une prise de responsabilité de plus en plus évidente des pays et des peuples sur des problèmes vitaux touchant indistinctement toute l'humanité, et cette appropriation privée soumise en premier lieu à des intérêts particuliers. C'est une contradiction lourde qui devient de plus en plus anachronique et pesante.

Tout cela indique que les cinq articles de ce projet de loi ne sont absolument pas à la hauteur des enjeux en termes de pouvoir d'achat, de croissance et d'emploi.

En effet, seul le transfert prioritaire vers les salaires d'une partie de la valeur ajoutée créée serait susceptible d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens sur la durée en faisant en sorte que la plus grande majorité en bénéficie. Or depuis 30 ans, l'écart ne cesse de se creuser entre une rémunération du capital toujours plus forte et celle des salaires de plus en plus faible. Et ce mouvement se poursuit. C'est ce que notait La Tribune du 26 juillet dernier : « Depuis plusieurs années, l'argent coule à flots […] et le partage de la valeur ajoutée devrait continuer à se déformer en faveur du capital et au détriment des salaires ». C'est La Tribune qui l'écrit, pas L'Humanité. À noter au passage que cela démontre le mensonge qui consiste à dire aujourd'hui, comme le fait le Gouvernement, que celui-ci fait des efforts pour payer et récompenser le travail. Cela est totalement faux ! Si le Gouvernement voulait montrer qu'il respecte plus le travail que le capital, il devrait le rémunérer plus que le capital. Ce n'est pas le cas ! Et non seulement ce n'est pas le cas, non seulement il n'y a même pas un début d'inversion mais, ces dernières années, comme le souligne La Tribune, les choses se sont aggravées. Pour ne citer qu'un exemple parmi tant d'autres, donné par l'École d'économie de Paris, ces huit dernières années, les salaires ont augmenté de 5,3 %, les revenus fonciers de 13,2 %, les revenus du capital de 30,7 % et les revenus des capitaux du CAC 40 de 80 % ! Cherchez l'erreur !

Certes, il y a un enjeu essentiel pour notre société aujourd'hui : c'est de rémunérer plus le travail que le capital, c'est-à-dire de faire exactement l'inverse de ce que vous faites. Lorsque vous dites faussement que vous récompensez plus le travail, vous jouez sur les mots. Ainsi, vous le reconnaissez vous-mêmes, lorsque vous permettez le rachat des RTT ou encore une perception anticipée de la participation, vous accordez généreusement aux salariés ce qui leur appartient déjà. Ce n'est donc pas une rémunération et une reconnaissance supplémentaires à l'égard du travail.

Enfin, lorsque vous dites aux salariés : « travailler plus pour gagner plus », on n'est pas non plus dans une inversion de la rémunération entre le travail et le capital, on est simplement dans ce fait, tout de même normal, que si le salarié travaille plus de temps, il doit gagner plus. C'est le minimum qui puisse être fait. Mais là aussi, cela n'implique aucun changement sur le fait que la question centrale, à savoir payer plus le travail que le capital, n'est toujours pas réglée, donc que l'ensemble des problèmes d'inégalités et de recul social ne sont toujours pas traités, et qu'au contraire ils s'aggravent. Cela a d'ailleurs des répercussions, y compris dans ce que vous évoquez sans cesse pour légitimer vos mauvais coups, à savoir la compétitivité.

Or la compétitivité réside dans les moyens que l'on accorde aux capacités humaines. Le travail est effectivement la seule source de richesses, pas le capital ! La rémunération du travail, avec le développement de la formation, de la recherche, de la santé, est le premier pilier non seulement de la consommation mais aussi de la compétitivité. Car rémunérer de plus en plus des capitaux dont les trois quarts ne sont pas réinvestis dans la production et dont une grande partie – un tiers du produit intérieur brut mondial – va dans les paradis fiscaux protégés par la majeure partie des États du monde, cela ne crée pas de richesse, cela même la stérilise ! Voilà pourquoi nos propositions ont une efficacité infiniment plus forte que les vôtres, car elles soutiennent ce qui crée la richesse au lieu de protéger ceux qui, bien souvent, ont un comportement parasite !

D'abord, nous proposons une augmentation générale des salaires – au-delà du niveau de l'inflation, avec rattrapage du pouvoir d'achat perdu –, et la réunion d'une conférence nationale sur les salaires et les retraites. Ensuite, nous préconisons une baisse de la TVA sur les produits de première nécessité. Troisième dispositif : bloquer les loyers avant de les encadrer strictement, ainsi que les charges ; adopter des mesures contre la spéculation foncière ; augmenter de manière substantielle l'aide personnalisée au logement. Enfin, nous prônons une baisse immédiate de 10 % du prix des carburants et du fuel, en conjuguant une taxe sur les profits pétroliers et une réduction de la TVA au niveau de la moyenne de l'Union européenne.

Avec quels moyens financer ces mesures ? Je ne vais pas revenir sur toutes les possibilités que j'ai eu l'occasion d'exposer lors des différents débats budgétaires. Mais je veux simplement rappeler quelques données. En premier lieu : l'argent existe, et même « il coule à flots », selon d'éminents économistes allant de Patrick Artus au prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, en passant par les éditorialistes des quotidiens La Tribune et Les Échos.

La revalorisation des salaires générerait des ressources fiscales directes pour la sécurité sociale et les retraites, mais également des rentrées complémentaires grâce à la relance de la consommation et donc de l'emploi. Rappelons quelques chiffres : un million d'emplois, c'est 15 milliards d'euros pour la sécurité sociale et les retraites ! La taxation des revenus financiers au même taux que les salaires rapporterait 13 milliards d'euros. Prélever 0,5 % sur les actifs financiers – et ce n'est pas beaucoup – permettrait de dégager 17 milliards d'euros…

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