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Intervention de Rémi Delatte

Réunion du 27 octobre 2010 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRémi Delatte, rapporteur :

Chargé par notre commission de l'avis budgétaire « Santé et système de soins », je présenterai rapidement mon analyse des crédits pour faire part ensuite de quelques réflexions sur le thème de la régulation de la démographie médicale, qui est un enjeu essentiel de la politique d'offre de soins.

Mon analyse des crédits a été rendue délicate en raison d'un remaniement assez important de l'architecture interne de la mission « Santé ». J'ai ainsi étudié d'une part, les moyens consacrés au système de santé (agences régionales de santé et crédits dédiés à la modernisation de l'offre de soins) au sein du programme 204, d'autre part, les crédits du programme 183 « Protection maladie ».

J'ai constaté avec satisfaction que les crédits d'intervention dédiés aux agences régionales de santé étaient en progression, à 310,7 millions d'euros, afin de leur permettre d'exercer correctement leurs missions pour leur premier exercice en année pleine.

Les moyens consacrés à la modernisation de l'offre de soins ont également été confortés, avec en particulier un très net effort de plus de 115 millions d'euros, soit une progression de 21 %, en faveur du financement des stages des étudiants en médecine. C'est très positif car, en sensibilisant les étudiants à l'exercice libéral et à la médecine générale, ces stages constituent un des leviers de la régulation de la démographie médicale.

Les dotations du programme « Protection maladie » sont en nette progression, d'environ 9 %, et atteignent 638 millions d'euros. Cela traduit, dans le contexte budgétaire actuel, un effort non négligeable de solidarité nationale envers les plus défavorisés. Il n'est pas prévu de dotation en faveur de l'accès à la protection maladie complémentaire car le fonds CMU devrait être, comme l'année dernière, en excédent. En revanche, les crédits consacrés à l'aide médicale d'État (AME) augmentent de près de 10 %, à 588 millions d'euros, afin de répondre à la forte hausse des dépenses. À cet égard, une réflexion est en cours pour concilier, de manière équilibrée, la pérennité financière du dispositif et les exigences de santé publique, sans remettre en cause la dimension humanitaire de notre pays. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons l'amendement que Dominique Tian a déposé à ce sujet. Enfin, les dotations prévues pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) sont reconduites, à hauteur de 50 millions d'euros.

Au final, les crédits que j'avais à examiner sont soit reconduits, soit en progression, ce qui constitue, compte tenu du contexte, un effort à saluer. C'est pourquoi je vous appelle, mes chers collègues, à émettre un avis favorable à leur adoption.

J'en viens à la régulation de la démographie médicale. S'il a déjà donné lieu à de nombreux rapports, de grande qualité, en particulier de notre collègue Marc Bernier, le sujet reste malheureusement toujours d'actualité.

Tout le monde connaît le constat démographique. Premièrement, un vieillissement du corps médical et sa féminisation ; deuxièmement, des disparités territoriales importantes sont observées non seulement entre régions, mais aussi à l'échelle infrarégionale ; troisièmement, des spécialités en voie de désaffection, en particulier l'anesthésie-réanimation, la gynécologie obstétrique et la chirurgie, tandis que la médecine de premier recours attire de moins en moins d'étudiants. Enfin, l'exercice solitaire et en libéral semble désormais très peu plébiscité, tandis que la pratique regroupée, le salariat et le remplacement progressent fortement.

Le problème n'est donc pas le nombre total de médecins, mais leur répartition par rapport aux besoins en santé de la population. Les pouvoirs publics ont tenté d'y remédier, tout d'abord en veillant à mieux adapter la formation initiale à ces besoins, par le biais de trois leviers : le stage en cabinet généraliste pour les étudiants de deuxième cycle ; la régulation de l'internat en accroissant le nombre de postes prévus pour la médecine générale et les régions sous-dotées, afin de fidéliser les étudiants à certains territoires ; la mise en oeuvre, pour la première fois en 2010-2011, du contrat d'engagement de service public.

La volonté de rééquilibrage s'est aussi traduite par des mesures à destination des médecins, pour les inciter à s'installer ou à se maintenir en zones sous-dotées. Dans la pratique, des aides foisonnantes ont été instituées, émanant de 1'Etat, de l'assurance maladie ou des collectivités territoriales. Elles sont mal connues des professionnels et ne sont pas toujours pertinentes. Des mesures plus coercitives ont également été instaurées, comme le contrat santé solidarité, mais dont on a vu le peu de succès.

Parmi les pistes d'avenir, j'ai d'abord retenu la nécessité d'adapter plus encore la formation médicale aux besoins des territoires. Il me paraît indispensable de favoriser l'immersion en milieu libéral pendant les études, afin de préparer les futurs médecins à ce mode d'exercice qu'ils connaissent très mal, leur formation se déroulant essentiellement en centre hospitalier universitaire (CHU). Pour cela, il faut, d'une part, poursuivre le développement de terrains de stage en médecine générale en deuxième cycle – aujourd'hui insuffisants malgré les efforts consentis –, d'autre part, envisager des postes d'internes ou de post-internat dans le secteur privé, avec obligation pour celui-ci de former sérieusement les étudiants pour éviter de créer un effet d'aubaine.

Il semble également indispensable de réguler la pratique quasi généralisée du post-internat. Très prisé des jeunes diplômés car il leur permet d'acquérir une expérience complémentaire avant d'exercer de manière autonome, il met néanmoins à mal les efforts consentis en amont pour mieux répartir les étudiants sur le territoire et conduit à une hyperspécialisation qui ne répond pas toujours à des besoins de santé. Un pilotage régional du post-internat peut être envisagé, mais c'est surtout le développement de l'exercice autonome au cours des études qui doit être recherché. Plusieurs voies sont possibles : instituer une année de « seniorisation » en fin de cursus d'internat, favoriser les remplacements de médecins par les internes, ou encore développer le système des assistants partagés entre CHU et centres hospitaliers périphériques, ce qui permettrait en outre de rééquilibrer l'offre de soins sur le territoire.

Il semble enfin nécessaire de promouvoir l'installation et certains modes d'exercice. L'institution d'un guichet unique de l'installation, qui pourrait être porté par les agences régionales de santé, reçoit un accueil favorable des professionnels concernés. L'exercice regroupé, qui paraît très apprécié des jeunes médecins, mérite d'être encouragé ; le rapport de Mme Élisabeth Hubert devrait, sur ce point, comporter des propositions intéressantes. L'exercice sur plusieurs sites, avec en particulier les consultations avancées et les cabinets secondaires, devrait lui aussi être promu, dès lors qu'il est organisé sur la base du volontariat. Les personnes que j'ai auditionnées ont aussi souvent évoqué la coopération entre professionnels de santé, c'est-à-dire la possibilité de déléguer certains actes. C'est une solution intéressante pour pallier des insuffisances dans l'offre médicale, mais elle ne peut, à elle seule, résoudre ce problème dans les zones où l'ensemble des professions de santé est sous-représenté. Il a aussi été suggéré de limiter dans le temps les possibilités de remplacement professionnel pour inciter à l'installation. Cela est séduisant, mais une raréfaction trop importante du nombre de remplaçants doit être évitée car les praticiens en exercice en pâtiraient, notamment dans les zones sous-dotées.

Enfin, de nombreux interlocuteurs ont expliqué le faible attrait pour l'exercice libéral de la médecine de premier recours par la rémunération à l'acte et ses supposés effets pervers : elle pousserait les médecins à multiplier les actes pour assurer leur situation financière et n'inciterait donc pas aux coopérations, elle conduirait aussi à dévaloriser l'acte intellectuel au profit de l'acte technique. À l'issue des auditions que j'ai menées, j'ai le sentiment que l'idée d'un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, progresse au sein de la communauté médicale. C'est évidemment une question lourde d'enjeux financiers. En tout état de cause, si de nouveaux modes de rémunération devaient être envisagés, c'est la négociation conventionnelle qui devrait en déterminer les contours.

J'ai ainsi récapitulé tous les points qui ont retenu mon attention sur l'enjeu de la régulation de la démographie médicale. C'est un sujet complexe, auquel nous sommes tous sensibles, et qui selon moi ne pourra être traité que dans la concertation avec les professionnels de santé pour parvenir enfin à une offre de soins équilibrée.

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