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Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 19 octobre 2010 à 17h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michèle Alliot-Marie, ministre d'état, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Je vous remercie, monsieur Garraud, pour votre présentation.

Vous semblez favorable à une certaine harmonisation des primes modulables, quelles que soient les responsabilités exercées. Je ne peux être d'accord avec cette idée, c'est une question de principe. Je suis prête à revaloriser les primes mais celles-ci doivent être fonction des postes occupés et des résultats obtenus.

Les tarifs de restauration relèvent du budget de l'action sociale des tribunaux, donc du dialogue social. Ils feront l'objet d'une discussion globale dans les prochaines semaines, mais je rappelle que le système de calcul du prix en fonction de l'indice de l'agent est pratiqué dans tous les ministères. C'est le niveau de la subvention qui peut varier. Quoi qu'il en soit, nous avons prévu de réformer la restauration en 2011. Le système plus global que nous mettrons en place devrait nous permettre d'obtenir de meilleurs prix.

En ce qui concerne les assistants de justice et les juges de proximité, depuis 2010 nous déléguons une enveloppe globale aux chefs de juridiction, afin de les responsabiliser. Ce sont donc eux qui déterminent les priorités – entre assistants, juges de proximité et vacataires. J'ai néanmoins attiré leur attention sur le problème des assistants de justice, la motivation principale du recrutement de ces derniers n'ayant pas toujours été le meilleur fonctionnement du service, et j'ai « remis dans le circuit » une centaine d'emplois pour répondre à des besoins particuliers. Cela dit, je crois beaucoup à la mise en place de la réserve judiciaire, qui permettra de faire appel à des personnes qui connaissent le système de l'intérieur.

Pour ce qui est du nombre de magistrats, il n'y a pas aujourd'hui de déséquilibre entre les départs à la retraite et les recrutements. Il est vrai cependant que la réforme de la procédure pénale va entraîner des transformations profondes et d'importants besoins de recrutement, estimés à près de 1 000 emplois de magistrat et près de 2 000 emplois de greffier.

Concernant les frais de justice, je conviens que les crédits ne correspondent pas toujours aux besoins réels. C'est d'ailleurs ce qui m'a amenée au cours de l'actuelle gestion, et alors que nous étions dans le cadre d'un plan triennal, à obtenir de Bercy et Matignon 90 millions d'euros de plus que la dotation initiale, faute de quoi nous nous serions retrouvés quasiment en situation de cessation de paiement. J'ai bien conscience que tout n'est pas encore réglé ; c'est pourquoi les crédits progressent de 17 % dans ce budget. En ce qui concerne les juges de proximité, j'ai donné des instructions à la direction des services judiciaires pour qu'il n'y ait plus de dettes à plus de 60 jours. Parallèlement, on devrait obtenir certaines économies, par exemple grâce à la réforme de la médecine légale, dont la mise en oeuvre devrait intervenir dans les prochaines semaines.

S'agissant de l'aide juridictionnelle, il est exact qu'il y a un effet de périmètre lié à la TVA.

Pour ce qui est du rétablissement des crédits, j'ai demandé à Bercy de faire diligence pour améliorer le recouvrement, qui ne représente aujourd'hui que 50 % des montants arrêtés par les juridictions et transmis aux services du ministère du budget. Cette situation anormale nous prive de la marge dont nous avons besoin.

S'agissant des conséquences de la réforme de la garde à vue, j'ai d'ores et déjà décidé un effort important. Les crédits destinés à la garde à vue pénale sont multipliés par cinq, passant de 15 à 80 millions d'euros. Les critiques qui mettent en avant la hausse de la TVA ne me semblent guère pertinentes car la somme en jeu est minime.

En outre, d'après les chiffres des barreaux, l'aide juridictionnelle intervient dans 125 000 gardes à vue sur 820 000. La réforme du dispositif devant permettre d'abaisser le chiffre global des gardes à vue à 500 000, voire à 300 000 par an, on peut prévoir que le recours à l'aide juridictionnelle connaîtra également une diminution. S'il concerne environ 100 000 gardes à vue, avec une enveloppe de 80 millions d'euros on aboutira, pour les avocats pénalistes s'occupant de garde à vue – qui sont souvent des avocats stagiaires –, à plusieurs milliers d'euros supplémentaires.

Au-delà de son montant, l'aide juridictionnelle connaîtra, dans le cadre de la nouvelle garde à vue, une évolution de sa gestion. J'ai décidé de faire confiance aux barreaux et de déléguer la gestion de la moitié du montant global aux bâtonniers. Il faut que la présence de l'avocat lors de la garde à vue soit réelle et que la mesure soit appliquée équitablement sur tout le territoire national : la réforme concerne aussi les gardes à vue pratiquées dans les petites gendarmeries de campagne, de jour comme de nuit. Il faudra donc s'assurer de la réalité de la réponse faite par les barreaux à ce droit nouveau que nous donnons à nos concitoyens ; notre objectif concerne les libertés individuelles plus que la rémunération des avocats, même si nous en tirons les conséquences sur ce point.

Pour ce qui est de la collégialité de l'instruction, je demande en effet un report puisque nous sommes en train de réformer la procédure pénale. Le livre I vous sera soumis avant la fin de l'année, les livres II, III et IV seront transmis dans les prochaines semaines au Conseil d'État. Ce qui se passe aujourd'hui nous conforte dans notre volonté d'une réforme qui garantisse des procès équitables et qui assure une justice plus claire et plus compréhensible pour nos concitoyens.

Monsieur Huyghe, je vous remercie de ce que vous avez dit sur l'augmentation des crédits de l'administration pénitentiaire et le recentrage de la PJJ.

Outre-mer, nous avons en effet des problèmes importants. En Guadeloupe, la maison d'arrêt de Basse-Terre sera démolie et reconstruite sur place ; la livraison est prévue fin 2014. Nous souhaitons par ailleurs augmenter de 50 % la capacité du centre de Baie-Mahault en mettant à profit la réserve foncière existante. Le nombre de places passerait ainsi de 500 à 780. Cela suppose la collaboration des collectivités territoriales, notamment de la municipalité. Si celle-ci joue le jeu, le projet pourrait lui aussi aboutir en 2014.

Quant au dossier des transferts de charges, j'y travaille avec le ministère de l'intérieur depuis mon arrivée place Vendôme – à vrai dire, j'avais déjà commencé à y travailler place Beauvau !

Nous avons déjà réalisé des progrès grâce à la visioconférence. L'objectif de 5 % fixé l'année dernière a été dépassé, puisque nous avons atteint 6,9 %. Le nouvel objectif de 5 % fixé pour cette année sera certainement au moins atteint.

La nouvelle répartition des missions entre le ministère de l'intérieur et celui de la justice devrait se réaliser en trois ans à partir de 2011. L'année prochaine, nous allons appliquer le dispositif dans deux régions ; à cet effet, 200 ETP vont être transférés de l'intérieur vers la justice. Il est bien entendu indispensable que ce transfert soit inscrit dans le PLF pour 2011. Au total, l'arbitrage porte sur 800 emplois, et nous avons demandé l'ajout de 100 emplois. Mais le recentrage du ministère de l'intérieur sur ses missions concerne également d'autres ministères que celui de la justice.

En ce qui concerne les UHSI, j'ai décidé d'appliquer l'arbitrage de 2006 dès l'année prochaine sur deux sites qui seront choisis entre Bordeaux, Lille et Nancy.

La question des soins psychiatriques relève d'abord du ministère de la santé. Les 26 services médico-psychologiques existants sont rattachés à des établissements de santé publics ou privés. Les unités pour malades difficiles, implantées dans des centres hospitaliers spécialisés, accueillent des détenus – mais aussi d'autres malades – qui peuvent présenter un danger pour autrui. Il en existe cinq actuellement. S'agissant enfin des UHSA, créées en 2002 pour permettre aux SMPR de se recentrer sur les soins ambulatoires, nous prévoyons avec la ministre de la santé un programme de 700 lits qui comportera deux tranches. La première, qui représente 440 places, sera mise en oeuvre dans la période 2010-2012. Alors qu'il était question de tout reporter, nous avons réussi à maintenir 9 UHSA sans attendre le retour d'expérience.

Comme certains de vos collègues, je suis un peu étonnée de ce que vous dites des problèmes d'intégration des établissements pénitentiaires à leur environnement. Pour ma part, je constate plutôt un afflux de candidatures pour les constructions prévues. Les élus locaux et les parlementaires sont très demandeurs et protestent avec les populations lorsque l'on décide de supprimer un établissement. Bien entendu, nous associons les élus nationaux et locaux à la réflexion sur le choix des sites.

S'agissant de la protection judiciaire de la jeunesse, nous nous efforçons d'inciter les collectivités locales à participer aux mesures de réparation pénale. Je ne nie pas les difficultés, d'autant que je sens parfois mon administration réticente. La progression a néanmoins été de 7,5 % l'année dernière. Des progrès demeurent souhaitables ; il est donc important que les services territoriaux de la PJJ puissent discuter avec les responsables locaux dans le cadre des contrats locaux de sécurité.

Par ailleurs, la PJJ dispose aujourd'hui de 72 auditeurs formés qui ont pour mission d'auditer 1 600 établissements et services d'investigation, l'objectif étant de réaliser au moins un audit tous les cinq ans pour chaque structure. Ces audits – 110 en 2009 et 110 en 2010 – peuvent être menés avec les départements dans le cadre de conventions – 27 accords ont été passés, d'autres sont en cours de rédaction. On a d'ores et déjà constaté des insuffisances dans la traçabilité et la formalisation des pratiques éducatives. Je vous présenterai une synthèse de ces questions à la fin de l'année.

Monsieur Raimbourg, j'ai déjà répondu sur les transferts de charges du ministère de l'intérieur vers celui de la justice. Pour ce qui est de la charge de travail des magistrats, il n'y a pas, à ma connaissance, de problème global, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de difficultés ponctuelles. Un examen cour d'appel par cour d'appel sera nécessaire, afin de procéder aux réajustements qu'impose l'évolution de l'activité.

Comme vous, je pense que la continuité de l'action en direction des jeunes est nécessaire. Le sujet est complexe et ne se réduit pas à des questions budgétaires. J'attends de connaître les conclusions du rapport sur la prévention de la délinquance que le Président de la République a commandé à Jean-Marie Bockel, mais je suis à l'écoute de toutes les suggestions.

La réforme de la carte judiciaire ne sera achevée qu'en 2011. J'ai demandé au secrétaire d'État à la justice de se rendre dans les juridictions concernées pour voir comment les choses se passent. Il semble qu'il n'y ait pas de difficulté particulière.

À l'intention de Mme Pau-Langevin, je précise que l'unique remise en cause de suppression d'un tribunal est due à un redécoupage administratif réalisé sous la responsabilité d'un autre ministère.

À M. Hunault, je veux répondre que je m'efforce de rattraper le retard pris par le ministère de la justice dans l'embauche des personnes souffrant de handicap. Nous nous attachons également à assurer l'accessibilité des tribunaux, mais ce n'est pas toujours possible dans les immeubles anciens.

Monsieur Quentin, j'ai déjà répondu sur la réforme de la garde à vue. Par ailleurs, une délégation de mon cabinet se rend à Mayotte en novembre pour faire le point sur les conséquences de la départementalisation.

J'ai déjà répondu à M. Perben sur les transferts de missions. En ce qui concerne le marché des empreintes génétiques, nous essayons d'allotir le plus possible. Comme ministre de l'intérieur, j'avais déjà travaillé à la généralisation des investigations de la police scientifique et technique. Bien que nous ayons réussi à les faire baisser un peu, les prix des laboratoires restent élevés ; il est donc, en effet, nécessaire de mieux négocier.

J'en viens aux trois arrêts que la Cour de cassation a rendus aujourd'hui.

L'un d'entre eux conforte le nouveau dispositif de garde à vue de droit commun qui va vous être présenté.

Les deux autres visent les dispositifs dérogatoires. Le plus simple sera de compléter le texte actuel en déposant des amendements au projet. Cela reviendra à étendre aux gardes à vue d'exception des dispositions déjà prévues pour la garde à vue de droit commun, comme le droit au silence. Je pense aussi à la nécessité de motiver au cas par cas le report de la présence d'un avocat. La Cour de cassation se place donc dans la logique que nous avons retenue pour la garde à vue de droit commun.

M. Goujon m'a interrogée sur le programme pénitentiaire. Il est prévu de fermer une quarantaine d'établissements et d'en ouvrir une vingtaine. Le programme de rénovation de la prison de la Santé se déroule comme prévu, pour une livraison début 2017. Pour ce qui est du site des Batignolles, je ne prendrai pas de décision quant au regroupement éventuel de tout ou partie des tribunaux d'instance situés dans les arrondissements sans en discuter avec les élus. J'ai déjà rencontré le maire de Paris à ce sujet.

En matière de visioconférence, je compte doter avant la fin 2011 tous les tribunaux et établissements concernés – c'est-à-dire tous ceux où cela peut être utile.

Madame Karamanli, il est heureux que le coût de la vie n'augmente pas, comme les crédits de la justice, de 4 % ! Que diriez-vous si, comme celui de bon nombre de ministères, le budget de la justice était simplement reconduit en euros courants ?

L'évolution du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est liée à celle des missions et de l'organisation territoriale. La diminution des crédits est cependant moins rapide.

L'analyse que la Cour des comptes fait des PPP est beaucoup plus nuancée que certains ne le laissent entendre. Pour ma part, je décide un PPP non pas sur une base idéologique, mais à partir d'une analyse précise des prévisions de coûts et d'avantages. Je veille également à l'amélioration qualitative de certains PPP : il faut éviter que les partenaires privés abaissent la qualité des prestations.

J'ai déjà largement répondu aux questions de M. Vallini sur la garde à vue et l'aide juridictionnelle. Nous avons travaillé à l'extension des risques civils couverts par les contrats d'assurance, ce qui permettra de dégager des crédits.

Monsieur Ciotti, j'ai répondu au sujet des transfèrements et des frais de justice. Le projet d'ouverture de places en centres éducatifs fermés se heurte à de fortes réticences locales. Je souhaite que l'on arrive à répondre aux besoins dans un cadre aussi consensuel que possible. Mais le projet n'est en rien abandonné.

La non-exécution définitive de 32 000 peines chaque année est intolérable tant pour l'image de la justice que pour le respect de la volonté du législateur. Les instructions que j'ai données commencent à donner des résultats, me dit-on, mais je n'aurai de chiffres qu'à la fin de l'année. Seule la mise en place complète du système Cassiopée nous permettra d'exercer un réel suivi afin de parvenir à une réduction sensible dans les trois prochaines années.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, la rénovation des prisons anciennes est une condition du respect de la loi pénitentiaire. J'applique les décisions du législateur. Je ne peux pas entendre les demandes des élus de conserver des prisons qui ne sont pas aux normes. Je peux en revanche accepter, si la mise aux normes est possible, un certain étalement des travaux. S'agissant des UHSA, j'ai déjà répondu au rapporteur.

Monsieur Vidalies, j'ai déjà parlé des arrêts de la Cour de cassation.

J'aurais beaucoup à dire sur les nouveaux centres pénitentiaires et sur leur aspect déshumanisé. Cela étant, le taux de suicide n'y est pas plus élevé que dans les prisons anciennes. Il faut également relever que le taux global de suicide en prison est en diminution sensible pour la première fois depuis de nombreuses années. Bien entendu, il reste trop élevé. Sans doute faut-il prendre en considération le fait, insuffisamment étudié, que plus de 50 % de la population carcérale a de gros problèmes psychiatriques. Quel serait le taux de suicide d'une population équivalente en milieu ouvert ? Quoi qu'il en soit, chaque suicide est un drame et nous devons poursuivre notre action.

J'ai répondu à votre question sur le recours aux prestataires privés.

S'agissant du transfert de la formation professionnelle, je viens de saisir le conseil régional d'Aquitaine, qui s'est porté candidat à une expérimentation.

Enfin, la livraison du tribunal de Mont-de-Marsan est prévue pour 2016.

Monsieur Gosselin, j'ai répondu à vos questions concernant l'impact de la réforme de la garde à vue sur l'aide juridictionnelle et les difficultés rencontrées pour payer les juges de proximité. Je vous remercie de rappeler que les élus locaux sont très souvent prêts à accompagner les projets d'établissement pénitentiaire.

Monsieur Blanc, je ne peux vous indiquer aujourd'hui les économies de personnel qui résulteront de la mise en oeuvre de Cassiopée. Au départ, je doute qu'il y en ait : dans nombre de juridictions que j'ai visitées, on me fait une démonstration de la dématérialisation tout en m'indiquant que, pour plus de sécurité, on double cette procédure d'une procédure manuelle ! Lorsque le système se transformera réellement, je pense que nous constaterons des économies sérieuses.

Madame Pau-Langevin, le budget de 2010 a effectivement ouvert 380 postes pour les avoués. Dans la mesure où le texte relatif à cette profession a été adopté en deuxième lecture il y a seulement quelques jours, j'ai obtenu que ces postes non pourvus en 2010 soient reconduits en 2011. Pour les 130 emplois de catégorie C réservés en 2010 aux salariés des cabinets d'avoués, 90 candidats se sont manifestés. Il restera donc 290 postes répartis entre les catégories A, B et C.

Je crois avoir déjà répondu à vos questions relatives à la carte judiciaire et à l'aide juridictionnelle.

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