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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 25 juin 2008 à 21h30
Contrats de partenariat — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Une généralisation de l'urgence pour tout et partout : oui, nous estimons que ce projet vise à faire de l'exception la règle, d'un droit dérogatoire un droit commun. Il entre donc en contradiction flagrante avec la décision du Conseil constitutionnel. Nous ne saurions approuver une telle manoeuvre.

Nous l'approuvons d'autant moins que nous sommes sceptiques sur l'intérêt de cet outil, tant les retours d'expérience s'avèrent en la matière décevants, voire alarmants.

Ainsi, en Grande-Bretagne, le dispositif, unanimement loué par le Gouvernement et sa majorité, souffre de certains vices de conformité dont nous aurions tort de sous-estimer la gravité. J'ai d'ailleurs noté le quasi-mutisme du rapport sur ces éléments pourtant instructifs dans la mesure où la Grande-Bretagne pratique ces contrats depuis 1992. Chacun se souvient de la retentissante faillite, le 7 octobre 2001, du réseau ferroviaire Railtrack, exemple type du manque d'expérience du privé dans la gestion des actifs publics.

Mais les exemples sont nombreux. Dans chacun des secteurs par lesquels vous justifiez l'urgence, nous pourrions trouver des expériences qui se sont soldées par de lourds échecs financiers en Grande-Bretagne, au Portugal ou au Canada. Pourquoi rien n'est dit, ou si peu, de ces échecs étrangers dans les rapports du Sénat et de l'Assemblée ? Je vais m'employer à combler en partie cette lacune.

Le ministère de la justice britannique avait confié à un prestataire, dans le cadre d'un partenariat public-privé, l'élaboration du projet relatif au système d'information des tribunaux du pays. Mais la conception et le déploiement de ce système informatique s'avérèrent en fin de compte beaucoup plus difficiles que ce que le ministère avait prévu. De fait, le prestataire accusa bien vite un retard insurmontable, qui allait menacer sa solvabilité. C'est l'État qui, dès lors, se trouva contraint de soutenir son prestataire, sous peine d'entraîner sa liquidation judiciaire et de prendre à sa charge l'ensemble des risques. S'il s'en était abstenu, il aurait en effet perdu l'ensemble des investissements réalisés à son profit.

De même, de nombreux dysfonctionnements ont été relevés outre-Manche dans le cadre de l'exploitation. Ils sont liés à la rigidité des termes contractuels, à des divergences d'appréciation sur les conditions de cessation des contrats, aux stratégies financières de l'opérateur, voire à une éventuelle défaillance de ce dernier.

Autre leçon, l'équilibre économique de ces PPP peut être remis en cause par un choc macro-économique d'une telle ampleur qu'il fragilise le prestataire privé. C'est ainsi que les attentats du 11 septembre 2001 entraînèrent une forte chute du trafic sur les vols transatlantiques, rendant problématique l'exécution du contrat relatif au contrôle aérien signé quelques semaines plus tôt. L'État britannique n'eut d'autre choix que d'intégrer dans le montage de nouveaux partenaires privés, à la suite de longues et difficiles négociations.

C'est aussi en raison d'hypothèses de trafic trop optimistes qu'il fallut procéder à une renégociation, au détriment de l'État, du partenariat élaboré en vue de construire la ligne à grande vitesse Douvres-Londres. Le consortium chargé de l'opération se révéla en effet vite incapable de faire face au service de sa dette. Il fallut, afin d'éviter la faillite du prestataire, injecter de nouveaux capitaux publics dans le cadre de la constitution d'une société commune.

Et je pourrais multiplier les exemples…

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