Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

Monsieur de Courson, si vous supprimez, d'un côté, le bouclier qui permet aux gros patrimoines et aux grandes fortunes d'économiser 600 millions d'euros, pour leur rendre, de l'autre, plus de 3 milliards d'euros en supprimant l'ISF, cela revient globalement, vous le savez bien, à alléger encore leur imposition.

De ce point de vue, la proposition du Président de la République de revoir les deux dispositifs en même temps à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances rectificative est inacceptable.

Elle est inacceptable car, une fois de plus, vous allez nous demander de voter un budget insincère et fiscalement instable, et nous savons d'ores et déjà que la loi de finances initiale que nous nous apprêtons à examiner ne sera pas appliquée.

Citons également une taxation plus franche sur les activités risquées des grandes banques – 500 millions, c'est encore très peu ! – et sur les stock options : 70 millions de recettes supplémentaires en 2011, c'est toujours très peu !

Pourquoi également ne pas taxer les entreprises en fonction de leur participation à la croissance ou encore supprimer les allégements de charges sur les heures supplémentaires, qui ont prouvé leur inefficacité en termes d'augmentation du pouvoir d'achat et d'emploi ?

J'insiste plus particulièrement sur les niches fiscales, auxquelles vous ne vous attaquez que pour un montant de 10 milliards, sur les 75 visés par le PLF, alors même que ces dispositifs ont progressé de plus de cinq milliards par an depuis 2007. Encore le Gouvernement a-t-il soigneusement évité de s'attaquer aux plus injustes, celles qui ne sont pas plafonnées, qui servent à l'optimisation des plus aisés et pour lesquelles l'effet d'aubaine avéré est total.

Il faut aller plus loin dans le plafonnement des niches, la réduction de leur nombre et la simplification de leurs mécanismes. Pourquoi refusez-vous de revoir la baisse de la TVA dans la restauration, pourtant critiquée par le président du groupe UMP ? Pourquoi refusez-vous de revoir l'exonération des heures supplémentaires ? Tous ces dispositifs sont coûteux, inefficaces et profondément injustes.

Au-delà, l'enjeu est aussi celui de la fiscalité dérogatoire, des inégalités qu'elle autorise et, plus généralement, de la réforme globale de notre système de prélèvements obligatoires dans le sens de l'équité et de l'efficacité économique.

Pour pouvoir aborder ce débat, il conviendrait cependant d'en finir avec les idées reçues, qui voudraient que la taxation des plus aisés freine la croissance, que la concurrence fiscale s'exerce du point de vue des ménages, alors que tout nous indique qu'elle s'exerce surtout du point de vue des grandes entreprises. Il faudrait admettre au contraire que la redistribution de recettes en faveur des classes moyennes et populaires alimente la consommation et la demande, comme le prouve le rôle joué par les stabilisateurs automatiques lors de la récente crise.

Notre objectif doit être la réduction des inégalités économiques et la construction d'une société plus solidaire et consciente des chances et malchances de chacun.

Mais pour sortir de l'optique strictement comptable et hostile à la dépense publique dans laquelle vous cherchez à enfermer le débat, encore faudrait-il tenir – et j'en reviens à Pierre Mendès France – un discours de vérité et de transparence à la fois sur l'état du pays et sur les intentions qui sont les vôtres. Il faudrait pour cela admettre plus franchement que vous ne le faites que les choix d'hier ne sont plus d'actualité aujourd'hui, voire qu'ils ont pu être des erreurs. Il faudrait surtout développer un véritable programme de transformation économique du pays, appuyé sur des réformes ambitieuses, partagées avec les forces vives du pays, c'est-à-dire, précisons-le pour nos amis de la majorité, un spectre d'acteurs sociaux plus large que le seul MEDEF !

C'est cette vision économique qui manque cruellement à votre projet de budget, et c'est pourtant bien elle qu'il faudra proposer au pays lors du grand débat qui nous attend en 2012. Parce que le projet de loi de finances que vous nous présentez aujourd'hui est insincère, parce qu'il est profondément injuste et parce nous savons tous qu'il sera inefficace face à la crise, le groupe SRC en appelle à un nouvel examen par la commission des finances, à laquelle je vous invite à le renvoyer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion