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Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du 18 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Moscovici :

Depuis 2007, la hausse de la fiscalité locale et des prélèvements sociaux est principalement supportée par les classes moyennes, sans qu'elles aient bénéficié à aucun moment des avantages fiscaux accordés aux 20 % de Français les plus aisés. Les augmentations massives de prélèvements que vous envisagez concernant ces classes moyennes – car il s'agit bien d'augmentation des impôts et pas de « reconstitution des recettes » –, risquent de se traduire par une série d'effets hautement déflationnistes. Dites-nous donc clairement que, dans votre esprit, les ménages doivent être la cible prioritaire de tous les efforts fiscaux et budgétaires !

Sur tous ces points, votre projet de budget témoigne de graves faiblesses. Il sacrifie systématiquement l'avenir à un présent confus et sans envergure, fait d'ajustements au fil de l'eau, du refus obstiné d'abandonner une politique fiscale dépassée, et de celui d'adapter votre politique budgétaire aux nécessités économiques du moment.

La réduction du déficit aurait pourtant pu se faire au même rythme à partir d'une autre équation, à la fois plus juste et plus efficace, d'une part, par l'augmentation des contributions des plus fortunés et, d'autre part, grâce à cette augmentation des recettes, par une dépense publique maintenue pour continuer à soutenir la relance économique et des services publics de qualité. Là était sans doute la clé d'une croissance plus solide et d'un effort plus justement réparti en fonction de la capacité contributive de chacun. C'est ce choix que vous refusez de faire.

Au contraire, vous avez voulu considérer la réduction des dépenses comme le seul moyen de résoudre l'équation de ce budget 2011 – le Premier ministre ne cesse de le répéter tous les jours. Cette solution aurait peut-être été juste dans une conjoncture normale, mais elle s'avère complètement irréaliste et contre-productive au vu de l'énormité des efforts que l'État devra consentir dans les années qui viennent.

Nous ne sommes pas hostiles par principe à la réduction des dépenses. Elle constitue certainement un moyen utile, et nous pouvons sans difficulté souscrire à des mesures symboliques comme la rationalisation du parc automobile et immobilier de l'État ou la révision des logements de fonction. Mais que pèsent de telles mesures symboliques face à celles, autrement plus injustes et dangereuses pour les services publics que sont la réduction de 16 000 postes dans l'éducation nationale, le gel des salaires des fonctionnaires ou la réduction générale et aveugle de 5 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention des ministères ? L'ensemble de ces mesures laisse présager une nouvelle dégradation des services publics et un nouvel abandon des missions jusque-là exercées par l'État sur le terrain.

À cet égard, permettez-moi de vous dire l'inquiétude que nous éprouvons quant à la préservation des moyens d'action de l'État et des services publics dans notre pays. Permettez-moi de vous rappeler qu'il n'y a pas de consolidation valable des finances publiques sans la volonté sincère d'assurer la pérennité de l'action publique, de restaurer ses capacités de réaction dans les crises à venir, ses capacités d'action au service d'une croissance juste et durable.

Plutôt que de vous arc-bouter sur la réduction des dépenses, l'enjeu principal aurait dû être la restructuration de nos choix budgétaires : un effort négocié de productivité dans le secteur public – nous n'y sommes pas opposés –, associé à des réformes ambitieuses dans le domaine des administrations sociales et locales, devrait permettre de dégager, parallèlement à l'ajustement des soldes primaires, les moyens d'une relance des investissements publics – le contraire de votre action – dans le cadre d'une programmation rénovée des finances publiques.

Au lieu de cela, vous préférez poursuivre votre politique dogmatique de suppression de postes dans la fonction publique, qui entraînera 100 000 pertes d'emplois d'ici à 2013, avec la disparition de 16 000 postes d'enseignants qui s'ajouteront aux 40 000 postes déjà détruits depuis 2008. Il s'agit d'une dégradation sans précédent dans notre pays du service public de l'éducation nationale.

L'objectif doit être le soutien à la croissance par le renouvellement des investissements publics dans les projets d'avenir, par la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les entreprises qui embauchent ou qui réinvestissent leur bénéfice, par la relance des contrats aidés ou par le soutien au microcrédit, à l'entreprenariat, et surtout à la recherche, à l'innovation et à l'écologie. Là encore, votre projet de loi de finances reflète votre entêtement à négliger les contrats aidés, les aides à l'apprentissage ou encore les dispositifs d'insertion des chômeurs, dont vous diminuez drastiquement le nombre.

L'objectif doit être le soutien à la consommation.

L'objectif doit être d'honorer les missions essentielles de l'État, en redonnant ses forces à l'éducation nationale afin de lui permettre d'assurer sa mission de lieu d'intégration et d'égalité républicaine. Tout cela supposerait de sortir de la seule logique de réduction des dépenses et d'envisager de traiter dans sa globalité la question fiscale.

Sur ce point, il est pour le moins troublant et surprenant qu'il ait fallu plusieurs mois d'intenses débats sur le bien-fondé du bouclier fiscal pour que vous en veniez à commencer d'envisager – encore que la majorité reste divisée sur ce sujet – la possibilité de rouvrir le dossier de la fiscalité du capital, du patrimoine et des entreprises. Là sont pourtant les véritables marges de manoeuvre ; là sont pourtant les réponses que, par une sorte de tropisme idéologique, vous vous refusez d'envisager.

Depuis 2007, les plus hautes rémunérations ont été épargnées par la crise et franchement favorisées par la politique du Gouvernement. Aussi, pour nous socialistes, la priorité est d'en finir avec votre politique de redistribution à l'envers ; avec une politique qui, sous prétexte de libéralisme, sacrifie tout à la satisfaction de certaines clientèles électorales. L'enjeu pour nous est d'accroître la distributivité globale du système de prélèvement en France et, en même temps, de dégager de nouvelles marges pour relancer l'économie et restaurer la qualité des services publics.

La liste est longue des mesures que vous refusez d'envisager et qui, pourtant, s'imposeraient du seul point de vue de l'équité et de la rationalité budgétaire. Elles permettraient pourtant de dégager 15 à 20 milliards d'euros. Je pense à la hausse du taux d'imposition de la tranche supérieure de l'impôt sur le revenu et à la création d'un impôt citoyen sur le revenu, prélevé à la source et vraiment progressif ; à la taxation plus franche et plus nette des revenus du capital et de l'épargne ; à l'abrogation du bouclier fiscal, mais sans suppression concomitante de l'ISF.

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