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Intervention de Gérard Bapt

Réunion du 14 octobre 2010 à 9h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Bapt, Rapporteur spécial :

Le montant budget de la Santé évolue peu en 2011, progressant d'environ 2 % en crédits de paiement, pour s'élever à 1,22 milliard d'euros au total. Cette augmentation s'explique essentiellement par la revalorisation de près de 10 % des crédits de l'aide médicale de l'État – AME –, qui atteindront 588 millions d'euros contre 535 millions l'an passé, et par l'accroissement d'environ 9 % de l'effort de l'État en faveur de la formation médicale initiale, les crédits prévus à ce titre s'établissant à 132,3 millions d'euros.

La mise en place des agences régionales de santé – ARS – a, en revanche, profondément modifié la maquette budgétaire. La mission ne comporte désormais plus que le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins et le programme Protection maladie, qui regroupe les crédits de la CMU complémentaire, de l'AME et du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. Le programme Offre de soins et qualité du système de soins a été supprimé et ses crédits basculés sur le programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », afin de regrouper l'ensemble des crédits d'intervention des ARS. Les crédits d'État dédiés aux Agences figurent donc en totalité dans ce programme, à l'exclusion de leurs dépenses de fonctionnement, qui figurent dans le programme support de la mission Solidarité. Il faut noter que les effectifs des ARS diminuent, passant de 9 591 ETP en 2010 à 9 447 ETP en 2011.

Au-delà de ces évolutions générales, je m'attarderai sur quatre points.

Tout d'abord, la création des ARS. Tous leurs crédits d'intervention sont donc réunis en 2011. Ils financeront, d'une part, à hauteur de 121,4 millions d'euros, la formation médicale initiale – pour l'essentiel les stages extra-hospitaliers effectués par les internes et les étudiants en médecine – et, d'autre part, à hauteur de 189,36 millions d'euros, la mise en oeuvre sur le plan régional de la politique de prévention et de sécurité sanitaire. L'autonomie des ARS explique que ces crédits soient désormais globalisés et non plus, comme c'était le cas lorsqu'ils étaient délégués aux services déconcentrés, détaillés par type d'action financée. Il n'en demeure pas moins indispensable que leur affectation précise demeure lisible. Le Parlement doit retrouver en exécution l'information qu'il a perdue en prévision. Il faut que les remontées d'information de la part des Agences permettent de retracer a posteriori les actions financées.

Deuxième point : la mise en place de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, résultant de la fusion, entérinée le 1er juillet dernier, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments – AFSSA – et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail – AFSSET. Les crédits de la nouvelle ANSES relèvent de plusieurs missions : Écologie, Recherche, Travail et emploi, Santé, et surtout Agriculture. Au titre de la mission Santé, l'Agence recevra en 2011 une subvention de 13,7 millions d'euros – hélas seulement, dirais-je. Comme tous les opérateurs, elle verra ses effectifs diminuer : à périmètre constant, ceux-ci tomberaient de 1 237 à 1 219 équivalents temps plein – ETP – entre 2010 et 2011. La réunion des services de l'AFSSA et de l'AFSSET en un même lieu passe par un projet immobilier important sur le site de l'école vétérinaire de Maisons-Alfort.

Que le projet de loi de programmation des finances publiques interdise aux organismes d'administration centrale d'emprunter crée de ce point de vue des difficultés. Ce regroupement est pourtant indispensable afin de permettre une synergie des compétences et d'améliorer tant la gestion du risque que l'expertise dans des domaines où ces synergies paraissent évidentes : je pense à l'eau, aux nanotechnologies et aux perturbateurs endocriniens, au premier rang desquels le bisphénol A. Dans ces deux derniers domaines, il faut impérativement garantir un niveau suffisant de financement public de la recherche de façon que l'ANSES puisse poursuivre ses programmes et en lancer de nouveaux.

La fusion de l'AFSSA et de l'AFSSET a suscité des craintes parmi les parlementaires – dont j'étais – qui s'en sont ouverts au Premier ministre. Il faut que l'ANSES conserve l'expérience de l'AFSSET en matière d'expertise scientifique, laquelle était réputée pour son ouverture sur la société civile et la garantie de ses procédures. On ne peut que se réjouir à cet égard de la mise en place, au sein de l'ANSES, d'un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêt. Lorsqu'un organisme fusionne avec un autre, dix fois plus grand que lui, il importe qu'il puisse préserver son originalité, qui en faisait tout l'intérêt.

Troisième point : la politique de rigueur qui frappe de plein fouet les agences sanitaires sur la période 2011-2013. Dans la mission Santé, seuls la Haute autorité de santé, l'Agence technique d'information sur l'hospitalisation et l'Institut national du cancer – du fait du nouveau plan Cancer – échappent à une diminution de leurs moyens financiers. C'est l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé – AFSSAPS - qui est la plus touchée, avec l'annulation jusqu'en 2013 de la subvention annuelle de l'État, qui s'élevait à 10 millions d'euros en 2010. Son plafond d'emplois sera aussi diminué de 48 ETP sur la période. Cette diminution drastique de ses moyens est préoccupante, alors qu'il conviendrait, dans un contexte de multiplication des risques, de renforcer la pharmacovigilance et d'améliorer le traitement des notifications spontanées d'accidents thérapeutiques. L'Agence doit être dotée des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions essentielles, dont dépendent la sécurité et la qualité des produits de santé. Si le niveau de son fonds de roulement devrait lui permettre de passer le cap de l'exercice 2011, en l'absence de nouvelle subvention de l'État, des mesures devront être prises dès 2012. Pourquoi ne pas envisager à cet horizon de revaloriser le forfait acquitté par les laboratoires sur leurs demandes d'AMM, aujourd'hui ridiculement bas ?

Dernier point : l'aide médicale d'État – AME. Les crédits de l'État à ce titre avaient été revalorisés en 2010, laissant espérer qu'aucune dette ne se reconstituerait sur ce poste. Elle se montait à fin 2007 à 920 millions d'euros, apurés dans le cadre de la grande opération d'apurement de ses dettes vis-à-vis de la sécurité sociale qu'avait alors engagée l'État. Mais les sous-dotations chroniques – marque d'ailleurs d'une véritable insincérité budgétaire – ont, hélas, contribué à la reconstituer, nécessitant chaque année depuis 2008 que des crédits supplémentaires soient ouverts en loi de finances rectificative. Je n'ai cessé d'appeler à revaloriser cette dotation : c'est chose faite pour 2011 avec une augmentation de 10 %. Le coût de l'AME a toutefois augmenté de 19 % en 2009, conduisant d'ailleurs à ce qu'une nouvelle mission d'expertise soit confiée conjointement à l'IGAS et à l'IGF – la dernière datait de 2007.

En qualité de Rapporteur spécial, je serai très attentif aux conclusions de cette mission, mais je l'indique d'emblée : l'instauration d'un « droit d'entrée » au dispositif ne me paraît pas une solution. Même fixé à trente euros, maximum envisagé, ce droit d'entrée ne rapporterait que 6,3 millions d'euros par an – à supposer que tous les bénéficiaires, dont le nombre était évalué à 210 000 en 2010, demandent leur admission. On serait donc encore loin du compte ! Plus fondamentalement, il conduirait vraisemblablement certaines des personnes concernées, aux revenus modestes puisque le bénéfice de l'AME est soumis à condition de ressources, et le plus souvent en situation irrégulière, à renoncer à se faire soigner, ce qui pourrait poser de graves problèmes de santé publique, vu notamment la recrudescence de maladies contagieuses comme la tuberculose.

Au regard de toutes ces considérations, j'émets donc, à titre personnel, un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Santé.

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