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Intervention de Louis Giscard d'Estaing

Réunion du 14 octobre 2010 à 9h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLouis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial :

Monsieur le président, mes chers collègues, le budget de la défense sera marqué, en 2011, par une légère hausse des autorisations d'engagement – plus 6,9 % – à 41,9 milliards d'euros, et des crédits de paiement – plus 0,7 % – à 37,4 milliards d'euros. Ce projet de budget s'inscrit dans le prolongement de celui de 2010, à un niveau de dépense qui reste élevé, même s'il n'atteint pas celui de 2009, année où les commandes de matériels avaient été exceptionnellement élevées. Ces prévisions sont toutefois conditionnées à des recettes exceptionnelles promises depuis 2009.

En 2011, les autorisations d'engagement du programme 178 « Préparation et emploi des forces » s'élèveront à 22,593 milliards d'euros, en réduction de 250 millions d'euros – moins 1,1 %. Les crédits de paiement, d'un montant de 21,539 milliards d'euros, enregistreront pour leur part une hausse de 380 millions d'euros – plus 1,8 %. Ces évolutions, qui font suite à une hausse importante enregistrée en 2009 – respectivement plus 6,3 % et plus 2,4 % – et à une stabilisation en 2010, s'inscrivent dans le cadre de la réduction du format des armées.

Les moyens du programme 212 Soutien de la politique de défense sont en forte hausse : les autorisations d'engagement sont portées à 4,38 milliards d'euros contre 3,02 l'an dernier – plus 45 % –, tandis que les crédits de paiement sont portés de 2,5 à 3 milliards d'euros – plus 20 %. Ce sont essentiellement les crédits de l'immobilier qui augmentent, en lien avec les restructurations et la création des bases de défense.

L'audition du chef d'état-major des armées, l'amiral Guillaud, nous a confirmé ce que le récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle, la MEC – que ma collègue socialiste de la Commission de la défense, Françoise Olivier-Coupeau, et moi-même avons remis au mois de juin – avait déjà mis en évidence : ces recettes doivent désormais se concrétiser sous peine de remettre en cause en profondeur les dispositions inscrites dans la loi de programmation 2009-2014. Ce sujet mérite donc que l'on s'y arrête quelques instants.

Le rapport de la MEC auquel j'ai fait allusion a mis en évidence la surévaluation de ces recettes. Or de nouveaux montants, encore plus élevés, sont prévus pour la période 2011-2013.

Tout d'abord, la libération de certaines fréquences hertziennes par les armées permettra une extension de services de téléphonie mobile existants. La vente de ces fréquences pourrait, selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – ARCEP –, rapporter plusieurs centaines de millions d'euros au ministère de la défense.

L'arrivée des premières ressources qui était prévue d'abord en 2009, puis en 2010, ne devrait pas être enregistrée avant 2011. Le Gouvernement, qui tablait dans un premier temps sur 600 millions d'euros de recettes, semble, au vu des premiers échanges avec les opérateurs concernés, disposer d'informations selon lesquelles la somme désormais attendue par l'aliénation des fréquences hertziennes serait très largement supérieure aux estimations d'origine.

En tant que Rapporteur spécial, par prudence et pour préserver les intérêts de l'État dans ses négociations avec les opérateurs privés, je n'avancerai pas de chiffre. Toutefois, instruit par l'expérience des annonces prématurées et surestimées des deux précédents exercices, j'entends exercer une vigilance toute particulière sur ce sujet dans les mois à venir.

Ensuite, le ministère de la Défense s'apprête à céder l'usufruit du système de communications par satellites Syracuse III, qui comprend les satellites purement nationaux Syracuse 3A et 3B déjà en orbite, ainsi que la partie française du satellite franco-italien Sicral 2, qui reste à construire et à lancer. Le ministère louera ensuite les capacités qui lui seront nécessaires, soit environ 90 % des ressources du système.

En supposant que l'opération aboutisse en 2011, ce dont la Direction générale de l'armement – DGA – n'est pas certaine compte tenu des réticences du ministère du Budget, les armées devront payer à l'opérateur leurs communications, ce qu'elles ne font pas actuellement, puisqu'elles sont propriétaires des satellites. Or, ni le coût de cette location de capacités ni les prévisions de recettes ne sont aisés à calculer. Ce calcul en effet est lié à la durée de vie résiduelle des satellites en question. Le coût de location devra être défalqué des 400 millions attendus pour juger de l'intérêt de l'affaire et il conditionne évidemment le lancement ou l'abandon de l'opération.

Les responsables de la DGA nous ont déclaré que la défense ne devait pas s'attendre à « réaliser des marges considérables ». Si l'opération est décidée, son résultat final ne sera probablement pas exceptionnel. En revanche, elle peut permettre au ministère d'engranger plusieurs centaines de millions d'euros de trésorerie, ce qui est toujours utile lorsqu'il s'agit de faire face à d'importantes dépenses immédiates, surtout lorsqu'elles ont été inscrites en loi de finance initiale.

Au titre des aliénations d'ondes hertziennes et de la cession d'usufruit des satellites de télécommunications, 2 milliards d'euros sont en effet inscrits sur la période 2011-2013, dont 850 millions pour la seule année 2011.

Enfin, la loi de finances pour 2010 prévoyait un montant de recettes de 700 millions d'euros provenant principalement de la vente des principales emprises parisiennes. Les prévisions d'encaissement sont désormais évaluées aux alentours de 100 millions d'euros seulement d'ici à la fin de 2010, en raison de l'échec de l'opération Vauban, un projet qui consistait à vendre en bloc à un consortium toutes les emprises parisiennes du ministère, dans l'optique du regroupement des services à Balard.

Compte tenu de l'offre proposée, le Gouvernement a décidé de renoncer à ce montage et de vendre les biens séparément, en 2014, au moment de la migration vers Balard. Il faut se rappeler que l'opération dite « Balardgone » est autofinancée. En revanche, les recettes exceptionnelles en provenance de la vente des emprises parisiennes devaient arriver avant 2014. Or elles ne pourront intervenir qu'au moment du déménagement. Certes, compte tenu de la hausse des prix de l'immobilier à Paris ces derniers mois, il aurait été dommage de brader au printemps des biens de grande valeur qui rapporteront certainement beaucoup plus d'ici quelque temps. En contrepartie toutefois, le ministère de la Défense devra patienter quatre ans de plus pour bénéficier de cette recette immobilière exceptionnelle qui lui fait cruellement défaut aujourd'hui. Des mesures palliatives ont été prises sur le plan budgétaire qui ont épuisé les crédits de report.

Pour l'année 2011, ce sont 150 millions d'euros de recettes exceptionnelles immobilières qui sont attendus, grâce principalement à des aliénations de biens en province et, peut-être, de la caserne Lourcine à Paris.

Au total, la loi de finances pour 2010 prévoyait que ces trois sources de recettes exceptionnelles devaient rapporter 1,702 milliard d'euros d'ici au 31 décembre 2010. Si on prend en compte une centaine de millions d'euros de biens immobiliers effectivement réalisés et environ 440 millions d'euros redéployés au sein des différents programmes de la mission Défense, il manquera encore plus de 1,16 milliard d'euros par rapport à la somme inscrite en loi de finances initiale. Comme souvent en pareil cas, c'est l'équipement des forces qui pâtira principalement de cette « anticipation approximative ».

Alors que la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 prévoyait 95,3 milliards d'euros courant de crédits budgétaires pour les années 2011 à 2013, la programmation budgétaire triennale fixe le montant des crédits à 30,2 milliards d'euros pour 2011, 30,5 milliards d'euros pour 2012 et 31,0 milliards d'euros pour 2013. La différence concernant les seuls crédits budgétaires s'élève donc à 3,6 milliards d'euros courants sur les trois années à venir.

Cet écart sera atténué par les recettes exceptionnelles attendues sur 2011-2013 que le ministère de la Défense estime désormais à 2,3 milliards d'euros sur la période. En conséquence, selon le ministère, le différentiel global de ressources entre la programmation militaire, d'une part, et les prévisions budgétaires triennales, d'autre part, ne serait plus que de 1,3 milliard d'euros, dont 50 millions d'euros seulement en 2011.

Des mesures ont d'ores et déjà été prises afin de réaliser sur la période 2011-2013 des économies, notamment en matière de fonctionnement et de programmes d'armement. Concernant ces derniers, le ministère assure qu'il s'agit essentiellement d'un décalage dans le temps de certaines opérations et non d'abandons de programmes majeurs.

Compte tenu des aléas budgétaires auxquels est confronté son budget, le ministère de la Défense accélère et accentue sa réforme. Des mesures ont été prises pour accélérer la création des bases de défense, source d'importantes économies et de mutualisations, qui se déroulent conformément aux prévisions. Censées être mises en place sur l'ensemble de la programmation, les bases de défense seront finalement toutes opérationnelles au début de l'été 2011.

Par ailleurs, leur nombre a été revu à la baisse, également dans un souci d'économie. Quelque quatre-vingt-dix étaient prévues au début de la réforme : elles ne seront finalement plus que cinquante et une à l'arrivée, ce qui est plus cohérent.

Une autre mesure d'économie a résulté de la création d'un commissariat unique interarmées qui remplace, depuis le 1er janvier 2010, les différents commissariats d'armées.

Enfin, l'une des mesures les plus attendues et les plus porteuses d'économies résultera du regroupement de tous les services centraux du ministère à Balard : des économies d'échelles très importantes devraient être réalisées et de nombreux doublons seront supprimés. Par exemple, en matière de communication, tel sera le cas des services d'information et de communication de chacune des armées, qui existent en sus du Service d'informations et de relations publiques des armées – SIRPA –, qui est commun à toutes.

Pour terminer, je souhaiterais aborder la question de nos implantations à l'étranger, notamment à Abou Dhabi et à Djibouti, où je me suis rendu au mois de février. L'implantation française aux Émirats Arabes Unis n'a pas été budgétairement prévue en loi de programmation militaire. Il s'agit d'une dépense nouvelle à laquelle le ministère de la Défense doit faire face. Si la construction matérielle de la base a été entièrement financée par la partie émirienne, le fonctionnement de l'implantation est à la charge du ministère français de la Défense. Ce coût devrait s'élever à 75 millions d'euros en moyenne par an.

L'objectif de l'état-major des armées consiste à financer le fonctionnement de cette nouvelle implantation en réduisant le format, l'activité, et donc le coût de fonctionnement de notre base de Djibouti, maintenant surdimensionnée. Les effectifs de Djibouti devraient passer de 2 900 à quelque 1 900 militaires, ce qui représente une diminution de plus d'un tiers, tandis que ceux de la base d'Abou Dhabi passeraient de 300 actuellement à 600 à terme, dont 50 % de personnels permanents et 50 % de personnels « tournants ».

Toute modification au régime des forces françaises de Djibouti suppose toutefois de longues négociations avec les autorités locales, ce qui retarde les décisions. L'évolution de l'indemnité annuelle de 30 millions d'euros est en discussion, de même que le devenir de l'hôpital militaire Bouffard, qui sera probablement cédé à l'État djiboutien.

Je souscris pleinement aux objectifs de l'état-major des armées. Il conviendra toutefois de suivre avec beaucoup d'attention l'évolution de la situation, car elle dépendra de nos négociations avec les autorités djiboutiennes et du choix des unités qui quitteront Djibouti.

Je conclurai en soulignant que la situation économique particulière dans laquelle se trouve notre pays a conduit à l'élaboration d'un budget contraint, qui exigera une vigilance toute particulière dans son exécution, notamment sur la partie recettes.

J'ai l'honneur de formuler un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Défense, qui me paraît correspondre aux objectifs de la loi de programmation militaire pour la période concernée.

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